L'Allobrogie offre une abondance exceptionnelle qui traduit une richesse rarement
égalée en Gaule, mis à part les Arvernes (voir carte).
Leur dispersion permet de compléter le semis des habitats.
Une différence existe entre les dépôts et les monnaies
isolées : les pièces isolées sont majoritaires dans la partie
orientale alors que les dépôts dominent très largement à
l'ouest, dans les plaines et dans le massif de Crémieu. Est-ce fortuit ou
bien cela traduit-il une plus grande richesse à l'ouest ?
Les Alpins semblent avoir préféré le troc pour les transactions commerciales
et c'est un trait supplémentaire de leur originalité que de ne pas rentrer
dans le système économique gaulois proche de celui du monde méditerranéen.
En effet, on note une absence quasi totale du numéraire dans les massifs internes
où on connaît seulement de rares sites qui en ont livré: une des Séquanes
au col du Petit-Saint-Bernard, une allobroge à Cevins en Tarentaise
(celle signalée à Albiez est douteuse).
Les Allobroges ont donc
été de grands monnayeurs mais la
question de leur approvisionnement en or et en argent est
rarement posée. Mis à part les mines d'argent de l'Argentièrela Bessée (Hautes-Alpes)
qui étaient en service à l'époque gauloise, on ne possède aucune trace archéologique
d'exploitation dans les Alpes savoyardes. Il est fort possible pourtant que
les Allobroges aient tiré profit d'un ou de plusieurs des sites argentifères
connus en Tarentaise et à l'est de la Combe de Savoie, ce qui serait une des
raisons de leur puissance ; nous verrons plus loin que l'hydronymie indique
l'exploitation probable de filons d'argent en altitude (voir le chapitre Mines).
Une monnaie allobroge rappelle le passage d'Hannibal
Certains numismates ont été frappé de la ressemblance de premières monnaies frap-pées par les Allobroges, celles dites au buste de cheval, avec des pièces puniques émises en Sicile. Il est indiscutable que la ressemblance du motif est frappante comme le montre les figures 149 et 150 : port de la tête, bouche ouverte, joues marquées, base concave du cou et crinière bouclée. Autant de détails semblables, cela ne peut pas être fortuit.
Des pièces de monnaies puniques ont pu être offertes ou perdues en chemin par des soldats d'Hannibal en 218 ; elles auraient été conservées comme témoignage d'évènements inoubliables. La gravure d'un buste de cheval très particulier qu'elles portent réapparaîtra un siècle plus tard sur le plus ancien monnayage allobroge, celui de la fin du IIe siècle.
Que déduire de cette convergence monétaire ? Que l'épopée des Carthaginois qui s'est déroulée sous les yeux des Gaulois et des Alpins, a dû terriblement frappé les esprits. Il est évident aussi qu'elle ne s'est pas effacée rapidement des mémoires : des pièces puniques ont été conservées pendant longtemps en témoignage de cette armée venue de si loin. Nous aurions là un témoignage d'une mythologie fabuleuse si cette hypothèse est exacte, et pourquoi pas ? Ce serait la preuve du profond impact laissé dans la mémoire collective par les soldats, cavaliers, mules et éléphants aperçus ou combattus le long de la route. Figurer, en le copiant fidèlement, le cheval monté par les envahisseurs 100 ans plus tôt, sur les premières monnaies que les Allobroges ont été capables d'émettre, n'est-ce pas là l'évidence de la profonde et durable empreinte laissée dans les esprits par ces combats et ces pertes.
J'ai eu connaissance de nombreuses monnaies allobroges inédites en Savoie et je remercie les chercheurs qui me les ont montrées pour compléter la documentation historique.
- un dépôt de 4 monnaies au Viviers à Chignin,
- un dizaine de pièces à Aiguebelle,
- une pièce aux Cailles à Chignin,
- deux pièces à Montmélian,
- deux pièces à Cevins,
- deux pièces aux Marches,
- deux pièces à Chapareillan,
- une pièce au Mont à Epierre.