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Documents complémentaires

Extraits de l'ouvrage "Les Celtes" de Venceslas Kruta 2000

LES ALLOBROGES (Article du dictionnaire)

Grand et puissant peuple du sud-est de la Gaule qui occupait la plus grande partie de la Savoie et du Dauphiné. Ses voisins principaux étaient: au nord, les Séquanes, les Ambarres et les Helvètes ; au sud, les Voconces ; à l'ouest, de l'autre côté du Rhône, les Ségusiaves et les Helviens. Leur oppidum principal se trouvait à Vienne-Vienna (colline de Sainte-Blandine).

Ils contrôlaient le trafic fluvial sur le Rhône à partir du lac Léman (oppidum et port de Genève-Genaua, où un pont donnait accès, selon César, au territoire helvète qui commençait de l'autre côté du fleuve) et occupaient en aval, une partie de la vallée sur sa rive droite, saccagée en 58 av. J.C. par les Helvètes lors de leur tentative de migration.

D'après un commentateur du poète Juvenal du IVe s. ap. J.-C., Allobrogae signifierait en gaulois " d'un autre pays ". Leur nom indiquerait donc une origine allogène. Ils sont un des premiers peuples de Gaule qui soit rattaché à un événement historique autre que la légendaire expédition de Bellovesos en Italie.

En 218 av. J.-C., Hannibal les trouva déjà installés dans la région entre les cours du Rhône et de l'Isère et arbitra le conflit entre le roi destitué Branéos et son frère. Malgré le concours fourni par Branéos en marque de reconnaissance, une partie des Allobroges ( en réalité des indigènes alpins qui tenaient la route des cols, A.B.) tenta d'interdire aux Carthaginois l'accès aux passages alpins, à proximité d'une ville non identifiée. Alliés aux Arvernes commandés par Bituitos, ils s'opposèrent à Rome, furent vaincus en 121 av. J.-C. dans les environs de Valence et leur territoire devint une partie de la Provincia. Ils se révoltèrent en 61 av. J.-C., mais furent de nouveau soumis l'année suivante.
Bibl.: Polybe, Hist., III, 49-51; César, G. des Gaul., I, 6, 10, 11, 14, 28, 44, III, 1, 6, VII, 64, 65; Tite-Live, Hist. rom., XXI, 31, Epit. 61; Strabon, Géogr., IV, 1. Perrin 1993.

LES MONNAIES (Article du dictionnaire)

C'est également à la première moitié du IIIe siècle av. J.C. que peuvent être attribuées les plus anciennes imitations des monnaies d'or macédoniennes de Philippe II connues de la Gaule, dont la variante la plus nombreuse - inspirée d'émissions posthumes au différent (signe distinctif) du monogramme, foudre et épi - présente actuellement une indiscutable concentration dans les territoires arverne et allobroge.

D'autres exemplaires jalonnent, sur le Plateau suisse, le parcours vers les régions danubiennes. Une telle diffusion s'accorde mal avec l'hypothèse d'un monnayage qui aurait été adopté dans le cadre du trafic de l'étain. Elle correspond mieux à une introduction liée aux expéditions militaires ou au mercenariat. Dans ces deux cas, les modèles macédoniens auraient été introduits à partir de l'est et non par la Méditerranée occidentale.

C'est donc très probablement dans le contexte de l'afflux de groupes militaires dont le passage par les régions danubiennes est indiqué par l'apparition d'objets caractéristiques qu'il faut situer l'apparition du monnayage gaulois. Il ne serait pas le produit de l' " hégémonie arverne ", mais le reflet de l'installation en Gaule d'une élite militaire jusqu'ici très mobile, habituée à monnayer ses services et à thésauriser ses réserves de métal précieux sous la forme monétaire, facilement quantifiable et transportable, qui servait à établir les contrats mercenaires. On est actuellement assuré que le monnayage celtique avait connu un développement beaucoup plus précoce qu'on ne l'imaginait. Considérées aujourd'hui, les imitations des statères de Philippe II paraissent devoir être situées dans le contexte du IIIe siècle av. J.C., une époque où le mercenariat fournit la meilleure explication de leur diffusion.

LES OPPIDA (Article du dictionnaire)

La situation de la Gaule au moment de l'invasion des Cimbres et des Teutons, telle que l'évoque César par la bouche de Critognatos, noble arverne de l'armée gauloise assiégée en 52 av. J.C. à Alésia (Guerre des Gaules, VII, 77), est celle d'un pays où les oppida représentent le point de ralliement des populations menacées. D'autre part, le réseau des oppida révélait que leur implantation ne pouvait être le résultat d'une improvisation dictée par un péril imminent. Le choix des sites ne semblait jamais avoir été fait pour des raisons uniquement défensives: situés sur des voies commerciales importantes, ils jouaient visiblement le rôle d'étape et de lieu de marché en contrôlant généralement un point stratégique tel que la traversée d'un cours d'eau, le débouché d'une vallée, le passage d'un bassin fluvial à un autre. Leur position était généralement choisie de manière à utiliser au mieux les défenses naturelles : sur une colline ou un plateau isolé, sur un éperon, dans une boucle fluviale. Il existait cependant des oppida de plaine où la totalité des défense a dû être édifiée par l'homme: c'est le cas de Manching, un oppidum fortifié par une enceinte de plan circulaire.

Enfin, les fouilles qui débutèrent après le milieu du XXe siècle sur des oppida d'Europe centrale commencèrent à multiplier les témoignages sur l'antériorité de la phase initiale d'au moins certains d'entre eux par rapport à l'occupation romaine de la Narbonnaise. Il est clair aujourd'hui que la naissance des oppida celtiques est un processus complexe et de grande envergure qui constitue l'aboutissement d'une mutation qui concerne non seulement le domaine économique et l'organisation de la société mais encore des aspects aussi divers que les rites funéraires ou l'armement. Il est également évident qu'il ne s'agit pas d'un processus uniforme: il ne touche pas toutes les régions au même moment et de la même façon.

D'autre part, le réseau des oppida révélait que leur implantation ne pouvait être le résultat d'une improvisation dictée par un péril imminent. Le choix des sites ne semblait jamais avoir été fait pour des raisons uniquement défensives: situés sur des voies commerciales importantes, ils jouaient visiblement le rôle d'étape et de lieu de marché en contrôlant généralement un point stratégique tel que la traversée d'un cours d'eau, le débouché d'une vallée, le passage d'un bassin fluvial à un autre. Leur position était généralement choisie de manière à utiliser au mieux les défenses naturelles: sur une colline ou un plateau isolé, sur un éperon, dans une boucle fluviale. Il existait cependant des oppida de plaine où la totalité des défense a dû être édifiée par l'homme: c'est le cas de Manching, un oppidum fortifié par une enceinte de plan circulaire. Enfin, les fouilles qui débutèrent après le milieu du XXe siècle sur des oppida d'Europe centrale commencèrent à multiplier les témoignages sur l'antériorité de la phase initiale d'au moins certains d'entre eux par rapport à l'occupation romaine de la Narbonnaise.

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Il est clair aujourd'hui que la naissance des oppida celtiques est un processus complexe et de grande envergure qui constitue l'aboutissement d'une mutation qui concerne non seulement le domaine économique et l'organisation de la société mais encore des aspects aussi divers que les rites funéraires ou l'armement. Il est également évident qu'il ne s'agit pas d'un processus uniforme: il ne touche pas toutes les régions au même moment et de la même façon.

ALLOBROGES et ARVERNES (Chapitre du texte, pages 308-310)

Il est tentant de rattacher l'émergence des Allobroges, les " gens d'un autre pays ", aux mouvements de la première moitié du IIIe siècle av. J.C., une période où l'on constate sur leur territoire historique l'apparition en nombre d'objets laténiens, jusqu'ici plutôt rares, dont certains présentent une empreinte incontestablement danubienne. Dans un tel cas, leur descendance des groupes militaires très mobiles qui sillonnaient l'Europe, dans la première moitié du IIIe siècle av. J.C., à la recherche d'occasions de tout genre d'exercer leurs talents, pourrait expliquer leur disponibilité au sevice mercenaire qu'illustre l'embauche des Gésates par les Celtes d'Italie en 232 av. J.C. L'aire de recrutement décrite par Polybe - " les Alpes et les bords du Rhône " (Histoires, II, 22) - coïncide en effet avec le territoire des Allobroges, et ce n'est probablement pas le hasard si l'on voit apparaître dans cette région au IIIe siècle av. J.C. des sépultures qui contiennent un équipement guerrier conforme au standard contemporain le plus avancé, et, plus particulièrement, des fourreaux portant l'emblème de la " paire de dragons " (Rives, Voreppe).

L'intervention romaine contre le peuple des Salyens qui menaçait Marseille, en 125 av. J.C., la prise de leur principale agglomération, la ville fortifiée d'Entremont, près de laquelle est alors fondée la nouvelle ville d'Aquae Sextiae (Aix-en-Provence), et la création de la province de Narbonnaise provoquèrent la réaction commune des Allobroges et des Arvernes, leurs puissants voisins de la rive droite du Rhône. Les deux peuples affrontèrent militairement les légions sous la conduite du roi arverne Bituitos, fils de Luern, un souverain connu pour sa richesse et ses largesses. Strabon (Géographie, IV, 1, 11) place une des batailles gagnées en 121 av. J.C. contre l'armée des Celtes par Cnaeus Ahenobarbus à proximité du confluent de la Sorgue et du Rhône. Une autre, où les Romains, forts de trente mille hommes et commandés par Fabius Maximus Aemilianus, auraient taillé en pièces les deux cent mille guerriers de la coalition de Bituitos, aurait eu lieu près du confluent de l'Isère et du Rhône, vers Valence. Le territoire allobroge sera désormais rattaché à la province de Narbonnaise qui s'étendra ainsi des côtes de la Méditerranée jusqu'au lac Léman. Cette annexion de l'ensemble des territoires situés sur la rive gauche du Rhône permettait de constituer un tampon entre la Gaule transpadane, toujours formellement indépendante, et les régions d'où provenaient les effectifs mercenaires qui avaient, à différentes reprises au siècle précédent, fourni un efficace soutien militaire aux Gaulois cisalpins.

 

Extraits de l'ouvrage de Guy BARRUOL, " Les peuples préromains du sud-est de la Gaule.
Etude de géographie historique. 1969.

LES ALLOBROGES

Puissante entre toutes, la nation des Allobroges voyait son territoire s'étendre au nord de celui des Cavares et de celui des Vocontii, entre l'Isère, le Rhône, le lac Léman et les Grandes Alpes, dans une immense contrée à la fois de plaine et de montagne. Le rôle important joué par ce peuple dans la lutte qu'il mena avec acharnement en faveur de l'indépendance gauloise nous vaut à son sujet une riche documentation littéraire, dans laquelle il est relativement aisé de discerner les textes qui ont une valeur géographique ou topographique, les seuls que l'on utilisera ici.

Leur frontière méridionale
L'Isère, depuis son confluent avec le Rhône jusque vers Conflans/Albertville, constituait approximativement la limite méridionale des Allobroges; mais alors que la basse Isère était en fait aux mains des Segovellauni, tribu des Cavares, tout le cours moyen de cette rivière - Bas et Haut Graisivaudan en aval et en amont de Grenoble, ainsi que la Combe de Savoie de Montmélian à Albertville - appartenait aux Allobroges.
Strabon est formel: alors que les Cavares occupent la seule plaine rhodanienne, " ils ont au-dessus d'eux, dans la montagne (du sud-ouest au nord-est), les Vocontii, les Tricorii, les Iconii et les Medulli (4, 1, 11), et plus loin il ajoute: " les Vocontii s'étendent jusqu'aux Allobroges, etc. " (4, 6, 4). Ces peuples sont précisément les plus proches voisins des Allobroges, aux confins méridionaux de leur territoire: les Vocontii occupaient le Vercors, les Tricorii, la vallée du Drac, les Iconii/Ucennii, la vallée de la Romanche; au-delà, vers le nord-est, la chaîne de Belledonne était un puissant rempart naturel entre le Graisivaudan allobroge et la vallée de la Maurienne, siège des Medulli.
Quelques passages des lettres de Munatius Plancus, gouverneur de Gaule transalpine, à Cicéron confirment ces limites méridionales. Au printemps de l'an 43, Plancus décide d'aller porter aide à Lépide, qu'Antoire s'apprête à attaquer: Itaque in Isara, flumine maximo, quod in finibus est Allobrogum, ponte uno die facto, exercitum a.d. IV idus Maias traduxi; mais - on l'a vu plus haut à propos des Vocontii - parvenu dans la région de Riez et du Verdon, il apprend le retournement de Lépide: il revient alors sur ses pas, détruit le pont de bois qu'il avait construit quelques semaines plus tôt et écrit à nouveau à Cicéron, Cularone, ex finibus Allobrogum. Dans ces deux passages, le mot fines indique bien que l'Isère et Grenoble se trouvaient encore dans l'ager Allobrogum mais aux confins de ce territoire. Les Allobroges occupaient donc les deux rives de la moyenne Isère: c'était déjà la situation de fait à la fin du IIIe siècle av. J.-C., lorsque cette vallée fut empruntée par l'armée carthaginoise en marche vers l'Italie.

La frontière occidentale du territoire des Allobroges
De Vienne aux abords de Lyon, le Rhône constituait la frontière entre le territoire des Allobroges et celui des Segusiavi, dont Lugdunum était la capitale. Mais vers le sud-est, de Vienne à Tournon, les bassins du Chardon, de la Cance (plaine d'Annonay) et de l'Ay sur la rive droite du fleuve faisaient peut-être partie du territoire allobroge: en effet, vers le nord-ouest, la chaîne du Mont-Pilat (1.435 m) constituait la limite méridionale des Segusiavi; à l'ouest, la ligne de crête du Mont-Pyfara et du Grand Felletin était aussi une frontière naturelle, au-delà de laquelle commençait le pays des Vellavii du Velay; vers le sud-ouest enfin, l'extrémité des Cévennes (Strabon, 4, 1, 11 et 2, 3) et les monts du Vivarais séparaient les Allobroges, les Segovellauni et les Helvii.
Très isolés des autres régions naturelles de la rive droite du Rhône, ces cantons devaient dépendre plus tard du diocèse de Vienne, comme sans doute auparavant de la cité des Allobroges.

La frontière septentrionale des Allobroges
Vers le nord, le territoire des Allobroges était séparé de celui des Helvetii par le Rhône entre le lac Léman et le Fort de l'Ecluse, Genève étant la dernière ville allobroge, la plus voisine de l'Helvétie, un pont seulement la séparant de ce pays: propterea quod inter fines Helvetiorum et Allobrogum, qui nuper pacati erant, Rhodanus fluit... Extremum oppidum Allobrogum est proximumque Helvetiorum finibus Genua. Ex eo oppido, pons ad Helvetios pertinet. Sur chacune de ses rives, ce tronçon du fleuve était parcouru de pistes que les Helvetii, en quête de nouvelles terres, pensaient pouvoir emprunter dans leur marche vers l'ouest: unum (iter) per Sequanos, angustum et difficile, inter montem Iuram et flumen Rhodanum, vix qua singuli carri ducerentur; mons autem celtissimus impendebat...; l'autre passait sur la rive gauche, chez les Allobroges, per provinciam nostram. C'est dire qu'à l'ouest de Genève Helvetii et Allobroges n'occupaient que la plaine sur une quinzaine de kilomètres: les défilés de l'Ecluse, " où les chariots passaient à peine un à un ", dominés par le Crêt d'Eau - sommet avancé de la chaîne du Jura - constituaient un obstacle-frontière sur l'itinéraire du haut Rhône.
Du nord au sud, le massif du Jura dans ses prolongements méridionaux - qui fines Sequanorum ab Helvetiis dividit au nord de Bellegarde - servait aussi de limite entre les Allobroges et les Sequani, de la perte du Rhône à Bellegarde au Grand Colombier (1.534 m) près de Culoz, sommet qui jalonne l'extrémité méridionale du massif. A l'ouest du Jura et au nord du Rhône, s'étendait l'immense territoire des Sequani, dont Vesontio/Besançon était l'oppidum maximum; la rive gauche du fleuve était terre allobroge: praesertim cum Sequanos a provincia nostra (= ager Allobrogum) Rhodanus divideret, précise César. En 52, lors de l'ultime combat de Vercingétorix et malgré les interventions secrètes de celui-ci auprès des chefs allobroges, Allobroges crebris ad Rhodanum dispositis praesidiis magna cum cura et diligentia suos fines tuentur, ce qui montre bien encore que le Rhône matérialisait leur frontière de ce côté.

Certes, dans un autre passage de la Guerre des Gaules, César dit clairement que " les Allobroges avaient sur la rive droite du Rhône des villages et des propriétés " qui, en 58, avaient été ravagés par les Helvetii qui émigraient vers l'ouest. On ne connaît pas l'itinéraire suivi en cette circonstance par les Helvetii: on sait seulement qu'ils parvinrent chez les Haedui (région d'Autun), en traversant le pays des Sequani et celui des Ambarri (val de Saône); il semble donc bien qu'ils aient emprunté la vallée du Rhône, au moins depuis les défilés de l'Ecluse (1,9 et 11) et jusque vers Culoz et Belley, ne serait-ce que pour éviter la difficile traversée du massif du Jura. Ce pourrait donc être au sud-ouest du Grand Colombier, dans la région de Belley, que limite une large boucle du Rhône, que se situait ces vici des Allobroges.
Plus en aval, même en admettant que le Rhône ait été dans l'esprit de César une ligne de démarcation approximative, il n'est pas possible d'attribuer aux Allobroges un bien grand territoire sur la rive droite du fleuve, mais tout au plus quelques hameaux: en fait, toutes ces possessions des Allobroges sur la rive droite du fleuve n'étaient que des têtes de ponts, des points d'appui frontaliers. Strabon confirme d'ailleurs d'un mot les données topographiques de César, lorsqu'il écrit que le Rhône " se répand dans les plaines du pays des Allobroges et des Segusiavi " (4, 1, 11).

La frontière orientale des Allobroges
Les limites orientales du territoire des Allobroges ne sont pas aussi délicates à déterminer que l'affirmaient E. Herzog et E. Desjardins. De l'extrémité orientale du lac Léman au col des Montets (au nord du massif du Mont-Blanc), la crête des eaux pendantes (Dent du Midi, 3.260 m et Grand Mont Ruan, 3.044 m), qui constitue la limite naturelle entre le bassin du Rhône, du Léman à Martigny (bas Valais), et les bassins de la Dranse et de l'Arve (Chablais et Faucigny), était aussi la frontière entre les Allobroges d'une part, les Nantuates et les Veragri de la Vallis Poenina d'autre part.
Plus au sud, la limite entre les Allobroges et les Ceutrones était constituée par le Mont-Buet (3.094 m), la chaîne des Aravis et le Mont-Charvin (2.414 m) - la haute vallée de l'Arve, l'Arly, le Doron et la vallée de l'Isère en amont d'Albertville formant le territoire des Ceutrones.
En aval d'Albertville, la Combe de Savoie était encore dans l'ager Allobrogum. Le carrefour de Conflans/Albertville était extrêmement important dans l'Antiquité et il l'est demeuré au cours de l'histoire: poste-frontière entre les Allobroges et les Ceutrones, c'était aussi l'extrême point de navigabilité de l'Isère, donc à la fois un carrefour de voies fluviales (Isère et Arly) et de voies terrestres, celle du Petit-Saint-Bernard, celle de Genève et celle de Grenoble. C'est précisément à l'emplacement de l'agglomération actuelle d'Albertville que se trouvait la station douanière d'Ad Publicanos, mentionnée par les Itinéraires routiers antiques - excellemment installée sur une frontière, en un passage obligé et au point de convergence des grandes routes régionales et de la voie fluviale; une inscription du Ier siècle, trouvée à Allondaz (CIL, XII, 2358), signale un poste douanier à Ad Tur(nonem)/Tournon, à quelques kilomètres en aval d'Albertville: si ce n'est pas le même, dont le nom indigène aurait été supplanté par celui plus administratif d'Ad Publicanos, il confirme néanmoins l'importance routière de ce grand carrefour.

Les NANTUATES

Sous le Haut-Empire, les Nantuates occupaient le bas Valais, c'est-à-dire la vallée du Rhône depuis le lac Léman jusqu'au défilé de Vernayaz. Leur chef-lieu, Tarnaiae/Massongex, sera transféré au Bas-Empire à 3 km vers le sud-est, à Acaunum/Saint-Maurice, statio de la Quadragesima Galliarum. Du côté des Allobroges, la frontière des Nantuates et du grand peuple gaulois suivait la ligne de crête qui sépare le bassin de la Dranse et celui du Rhône: c'est encore aujourd'hui la frontière franco-suisse.

Les CEUTRONES

Les textes antiques qui mentionnent les Ceutrones sont assez nombreux et explicites pour permettre la localisation précise de cette peuplade. Selon Strabon (4, 6, 6), " au-dessus des Salassi (du Val d'Aoste), sur les sommets des montagnes, on rencontre successivement les Ceutrones, les Catoriges, les Varagri, les Nantuates et le lac Léman "; et plus loin (4, 6, 11), parlant du réseau routier transalpin, le géographe précise: " Des différents chemins de montagne qui font communiquer l'Italie avec la Celtique transalpine et septentrionale, le plus important est celui du pays des Salassi qui mène à Lugdunum. Ce chemin, avons-nous dit (4, 6, 7), a deux branches: l'une qui peut être parcourue en chariot, mais qui est de beaucoup la plus longue - c'est celle qui traverse le pays des Ceutrones; l'autre qui franchit le mont Poeninus (Grand-Saint-Bernard), mais qui n'offre sur tout son parcours qu'un sentier étroit et à pic ". Il ressort de ce dernier texte que les Ceutrones occupaient au moins la haute vallée de l'Isère, d'Albertville à Bourg-Saint-Maurice, et sans doute les deux versants du col du Petit-Saint-Bernard, jusqu'au Pré-Saint-Didier sur le versant italien: au-delà, vers l'ouest, dans le val d'Aoste, c'était le pays des Salassi.
L'autre passage de Strabon nous apprend en outre qu'au nord (?) des Ceutrones, habitaient d'autres peuplades: les Catoriges - qu'il ne faut peut-être pas distinguer des Caturiges de haute Durance - puis les Varagri et les Nantuates qui sont bien localisés par d'autres documents dans le Valais suisse. Mais le territoire des Ceutrones ne se limitait pas à la Tarentaise et aux abords du col du Petit-Saint-Bernard: en effet, au dire de Pline (3, 135), ils étaient voisins (finitimi) des Octodurenses, des habitants de la civitas dont Octodurus/ Martigny était le chef-lieu, c'est-à-dire de la tribu des Veragri/Varagri de la Vallis Poenina. Un autre document confirme cette assertion: c'est la borne trouvée près de Saint-Gervais, sur le versant occidental du col de la Forclaz de Prarion, au lieu-dit Larioz, près du confluent de l'Arve et du Bon Nant, borne qui jalonnait la délimitation entre le territoire des Viennenses (donc des Allobroges) et celui des Ceutrones; élevée en ce point sous Vespasien, en l'an 74, elle est ainsi rédigée: Cn.Pinarius Cornel(ius) clemens leg. eius propr. exercitus Germanici superioris inter Viennenses et Ceutronas terminavit. Il n'y a pas lieu , je crois, de considérer qu'elle matérialiserait une rectification de limite; elle ne faisait que confirmer la frontière traditionnelle entre les Allobroges à l'ouest et les Ceutrones au sud et à l'est; sa mise en place aurait été justifiée par la création de nouvelles circonscriptions.

Le territoire des Ceutrones comprendrait dès lors, outre la vallée de l'Isère d'Albertville à Séez et la trouée du Petit-Saint-Bernard, la vallée du Doron de Beaufort (affluent de l'Arly), la vallée de l'Arly à l'est de la chaîne des Aravis et le cours supérieur de l'Arve (vallée de Chamonix), depuis le confluent du Nant (Saint-Gervais) jusqu'au col de Balme (2.205 m): au-delà, sur le versant suisse, les vallées du Trient et de la Drance, affluents du Rhône, constituaient le territoire des Veragri. Le pays des Ceutrones faisait donc en quelque sorte le tour du massif du Mont-Blanc, comprenant les régions naturelles de la Tarentaise, du Beaufort, de la vallée de l'Arly, du Val de Montjoie et de la vallée de Chamonix. On comprend mieux dès lors le passage de Strabon (4, 6, 6) qui localise les Ceutrones non pas seulement à l'ouest mais aussi au nord-ouest des Salassi de la Doire Baltée. Le chef-lieu des Ceutrones, Axima/Aime, se trouvait tout naturellement sur la haute Isère, sur cet itinéraire transalpin où se concentrait toute l'activité de cette population montagnarde. L'agglomération indigène prit sous Claude le nom de Forum Claudii Ceutronum Axima et devint alors, ou à peu près, la capitale de la petite province des Alpes Graiae: peut-être est-ce de ce même empereur que les incolae Ceutrones reçurent le jus Latii (Pline, 3, 135). Les itinéraires antiques nous font connaître quelques autres bourgs qui jalonnaient la route de Vienne à Aoste :
- Ad Publicanos, au confluent de l'Isère et de l'Arly, station douanière qui indique une ancienne frontière et un carrefour de routes;
- Obilunnum ou Obilonna, à Arbine, hameau de La Bâthie;
- Darantasia, Moûtiers-en-Tarentaise, au confluent de l'Isère et du Doron méridional;
- et entre Axima et l'Alpis Graia, Bergintrum/Bourg-Saint-Maurice.

Pline mentionne dans les Alpes Ceutronicae un autre village célèbre pour ses fromages, Vatusium, mais il est difficile de le localiser. Enfin une inscription antique révèle le nom de la petite agglomération de Brigantio, qui semble correspondre au lieu-dit Brientinum vel Sapaudia du Haut Moyen-Age, que j'identifie avec le site de Notre-Dame-de-Briançon en aval de Moûtiers.

Au IVe siècle, Darantasia, aujourd'hui Moûtiers-en-Tarentaise, devint la métropole de la province des Alpes Graiae et Poeninae, qui regroupait le territoire de la civitas Centronum et celui de la civitas Vallensium, le Valais; au début du siècle suivant, Darantasia était choisie comme siège d'un évêché qui, jusque vers 450, dépendit de l'Eglise d'Arles: comme pour la Maurienne, le nom de la ville désigna par la suite tout le diocèse, la Tarentaise. La haute vallée de l'Isère devait certes son importance dans l'Antiquité au fait qu'elle était traversée par une grande voie transalpine, mais sa richesse résidait surtout dans ses exploitations de minerais, qui ne sont attestées que pour l'époque gallo-romaine, mais comme chez les Salassi d'outre-monts, ce devait être là une production traditionnelle du pays. Le nom des Ceutrones ne figure ni sur l'Arc de Suse, ni sur le Trophée des Alpes; ils ne faisaient donc pas partie du royaume de Suse: rien d'autre part, n'autorise à les rattacher au peuple des Allobroges. Il est plus vraisemblable qu'ils aient été indépendants, comme leurs voisins Ucennii de l'Oisans et Tricorii du Drac: du moins l'étaient-ils au dire de Pline (3, 135) vers le milieu du Ier siècle de notre ère, comme les Octodurenses de la Vallis Poenina et les Cottianae civitates qui avaient obtenu le droit latin en même temps qu'eux.

ICONII/UCENNII

La peuplade des Ucennii compte parmi les gentes soumises par Auguste et figure sur le Trophée de la Turbie entre les Medulli au nord (Maurienne) et les Caturiges au sud (haute Durance). Strabon les localise entre les Vocontii et les Medulli: " Les Cavares ont au-dessus d'eux, dans la montagne, les Vocontii, les Tricorii, les Iconii et les Medulli " (4, 1, 11). La description géographique de Strabon se fait selon un axe sud-ouest nord-est et l'emplacement de ces peuples correspond à tout ce que l'on sait par ailleurs sur eux.
Dans un autre passage (4, 6, 5), Strabon reprend à peu près dans les mêmes termes la localisation de ces populations indigènes: " Les peuples qui viennent après les Vocontii sont les Iconii, les Tricorii et plus loin, sur les dernières cimes des Alpes, les Medulli ": Tricorii et Iconii sont ici inversés par rapport au texte précédent qui paraît plus exact. Comme les Quariates, qui ont laissé leur nom au Queyras, les Iconii/Ucennii ont donné le leur à l'Oisans, terme qui apparaît dès le XIe siècle pour désigner une région naturelle, la moyenne et la haute vallée de la Romanche. Pittoresque et sauvage, l'Oisans constitue une région très homogène, un " compartiment " alpin, selon la formule des géographes, encadré de sévères reliefs, qui enferment et écrasent en quelque sorte les habitats confinés sur les rives du torrent. Ce nom d'Oisans ne qualifie que la moyenne et la haute vallée de la Romanche, depuis sa source, au col du Lautaret, jusqu'au rétrécissement de la vallée dans la Combe de Livet et Gavet: ce sont là des frontières imposées par la nature du relief et fortifiées par l'unité du peuplement, l'Oisans correspondant exactement au terroir qu'habitaient les Ucennii.
Au sud-est et au sud, le massif du Pelvoux, avec ses sommets prestigieux - l'Ailefroide (3.959 m), les Ecrins (4.103 m), le pic de l'Olan (3.578 m) - constitue un immense no man's land qui sépare l'Oisans de la haute Durance et du Drac; " un flot de glace coule d'un mouvement invisible de part et d'autre de cette frontière " écrit A. Allix: c'est dire combien ce puissant massif était absolument impénétrable dans l'Antiquité. A l'ouest, le Taillefer (2.857 m), au sud des Gorges de la Romanche, et la chaîne de Belledonne au nord (elle culmine à 2.981 m), constituent une muraille catégorique du côté de la vallée de l'Isère. Au nord enfin, un puissant massif, moins rigide certes mais où culminent tout de même les Grandes Rousses (3.470 m), forme une frontière avec la Maurienne,, que l'on pouvait joindre toutefois par quelques passages à la bonne saison, dans l'Antiquité comme au Moyen-Age. En amont de Bourg-d'Oisans, c'est le Vénéon qui devrait être géographiquement le cours d'eau principal et non point la haute Romanche; mais le Vénéon est une vallée close, qui va buter contre la Barre des Ecrins infranchissable en amont de la Bérarde; et si la Romanche est ainsi traditionnellement nommée, au nord du massif de la Meije (3.987 m), entre le confluent du Vénéon et le col du Lautaret, ce serait , selon A. Allix, en souvenir de l'ancienne voie " romaine " qui la suivait: je me range volontiers à cet avis. Les deux seuls accès de ce pays clos par excellence sont la gorge de Gavet et Livet à l'ouest et le col du Lautaret à l'est, qui de ce fait, jouèrent à toutes les époques un rôle important dans l'histoire régionale. Porte d'entrée, la Gorge de Livet est encadrée de hautes murailles rocheuses, qui ne laissent près du torrent qu'une largeur de 200 mètres en moyenne: compte tenu du caractère torrentiel de la Romanche, c'était donc un obstacle non négligeable pour la circulation.

Limite de l'Oisans médiéval, on verra plus loin que c'est précisément à Gavet qu'il faut aussi situer la station gallo-romaine Fines, donc l'antique limite de ce pays de haute montagne. En aval de Gavet, à partir de Vizille, la basse vallée de la Romanche forme une autre région naturelle avec le pays grenoblois. A l'est en revanche, le col du Lautaret (2.075 m) permet un accès relativement facile vers le Briançonnais et vers l'Italie par le col du Mont-Genèvre. Comme le rappelle E. Thévenot, son nom d'altaretum, petit oratoire, " s'explique par la coutume bien connue des Gallo-romains d'élever un monument religieux au point où une voie franchissait un col important; une autre coutume, non moins suivie, consistait à placer des temples aux frontières des cités " ( Une étude de Pierre-Louis Rousset a démontré que dans toute l'Europe le terme "Lautaret, autaret, altaret, etc. signifiait lieu de passage, un col en particulier, pas forcément marqué par un "altaretum" puisqu'on le trouve aussi dans des régions non romanisées. A.B.). Ce petit fanum de col et de frontière devait d'ailleurs être en usage au temps de l'indépendance des peuplades alpines. Cette cohésion de l'Oisans, faite de l'unité physique, des ressemblances de vie, du groupement autour d'un même marché, a suscité l'unification politique du pays dès les temps préromains, mais le Moyen-Age en a gardé une image particulièrement fidèle.

Villes et cités des Allobroges

Vienna, capitale de la plus vaste nation du sud-est de la Gaule, occupait dans cet immense territoire une position excentrique et par ailleurs relativement rapprochée de Lugdunum (à 30 km), chef-lieu des Segusiavi. L'oppidum primitif est bien localisé sur la colline Sainte-Blandine, dominant le confluent de la Gère et du Rhône, à l'est de la ville moderne, sur l'extrême avancée du plateau au pied duquel fut construite l'agglomération gallo-romaine. Au dire de Strabon (4, 1, 11), cette capitale n'était à l'origine qu'un simple bourg comme tant d'autres, mais elle portait déjà le titre de métropole de toute la nation: à l'époque d'Auguste, après un siècle de colonisation, les Romains en avaient fait une ville, le géographe voulant signifier par là que l'oppidum indigène n'était apparemment pas à la mesure de la puissance de cette nation.
Comme pour Arles et Valence, la position de Vienne dans le coude externe du fleuve - position particulièrement favorable à l'installation d'un port fluvial parce que la plus réceptive - ne doit pas être étrangère à sa naissance, à sa qualité de chef-lieu d'un grand peuple, ni non plus à son développement; d'autant plus que ce site était au point de convergence d'itinéraires importants, ceux des Alpes et celui du Rhône: Vienne était le débouché naturel de tout l'arrière-pays, sur le grand axe de circulation qu'était la vallée du Rhône. Malgré sa vaste étendue, l'ager Allobrogum ne forma au Ier siècle av. J.C. qu'une seule civitas, la colonia Julia Augusta Florentia Vienna et ses habitants sont appelés désormais Viennenses. Mais ce territoire devait être démembré au Bas-Empire au profit de deux nouvelles cités, Cularo (Grenoble) et Genava (Genève), lorsque Vienne devint métropole d'une vaste province qui s'étendait de l'embouchure du Rhône au lac Léman.

Cularo/Grenoble était une étape obligée de la route de Lyon et de Vienne au Mont-Genèvre par l'Oisans, au carrefour du Drac qu'empruntait en outre l'itinéraire permettant de passer en moyenne Durance: c'était là qu'on franchissait l'Isère, par ailleurs navigable. Ce carrefour stratégique, resserré entre le Vercors, la Chartreuse et Belledonne devait, au coeur des Alpes françaises, prendre assez d'importance pour devenir, à une date inconnue, mais avant l'an 400, le centre d'une civitas: sous le nom de Gratianopolis - la ville de l'empereur Gratien - elle figurait désormais au nombre des civitates de la provincia Viennensis, avant de devenir le siège d'un évêché.

Plus au nord, Genava/Genève, au bord du lac Léman, doit aussi à la confluence de Rhône et de routes terrestres l'importance de son oppidum, situé en outre à la frontière des Allobroges et des Helvetii. Simple vicus sous le Haut-Empire, l'agglomération devint siège épiscopal dès la fin du IVe siècle et vers 400 avait rang de civitas.
L'oppidum préromain était situé au confluent du Rhône et de l'Arve; des vestiges d'un port sur le lac et du pont qui, selon César (B.G., 1, 6, 3), permettait de passer en territoire helvète, ont été repérés aux abords de l'oppidum. Les Allobroges détenant toutes les routes des Alpes, on remarquera que ces villes ont eu un développement presque parallèle : toutes sont établies aux frontières, aux trois extrémités du territoire, aux points de convergence de voies terrestres et fluviales (ici le Rhône, là l'Isère), sur des passages obligés (César parle du pont de Genève, Cicéron de celui de Grenoble) et l'archéologie nous apprend qu'il y en avait un à Vienne); et par voie de conséquence, Cularo et Genava étaient d'importants postes de douanes de la Quadragesima Galliarum.

Entre autres documents, les Itinéraires routiers gallo-romains nous font connaître les noms d'autres agglomérations aujourd'hui bien localisées: certaines sont des créations romaines, ainsi Aquae/Aix, Augustum/Aoste ou Ad Publicanos près de Conflans-Albertville; mais la plupart sont d'anciens oppida: Bergusium, Etanna, Condate, Boutae, Casuaria, Mantala, Lemincum, Labisco, Morginnum, Turedonnum, etc.; quelques inscriptions nous font également connaître le vicus d'Albinnum, aujourd'hui Albens près du lac du Bourget et la petite ville de Voludnia.
Outre les nombreux oppida, dont on ne peut que deviner quelquefois les noms primitifs sous des toponymes modernes, quelques autres villes connues par les textes antiques n'ont pas pu être identifiées sur le terrain avec certitude. Ainsi, faisant le récit de l'ultime soulèvement des Allobroges en 62/61 av. J.C., que réprima le gouverneur de la province, C. Pomptinus, Dion Cassius fait allusion à deux villes: mais le récit laisse entendre que " cette ville de plaine entourée de remparts " ne serait autre que XXXXX au pays des Segovellauni; et XXXXX, ville indigène dont s'empara Pomptinus après qu'il eût, avec ses légats Lucius Marius et Servius Galba, traversé le Rhône: hélas, le récit n'est pas assez clair pour pouvoir déterminer de quelle rive du fleuve il s'agit. A l'intérieur des limites ainsi définies, le territoire des Allobroges comprenait un grand nombre de petites régions naturelles, dont certaines, surtout dans les zones montagneuses, devaient former des pagi à l'époque romaine.

Mais à la différence des Alpes Cottiennes et Maritimes, où les tribus étaient fort nombreuses, aucune peuplade secondaire n'est attestée sur le vaste territoire des Allobroges: en cela, le haut Dauphiné et la Savoie se distinguent des autres régions du sud-est de la Gaule. Toutefois, le fait que Vienne ait eu à l'époque préromaine le titre de métropole, laisse entendre que ce peuple fédérait, sinon d'autres peuplades, du moins de petites unités ethniques, dont les noms n'auraient pas survécu à la colonisation.
La romanisation devait transformer les Allobroges de guerriers en agriculteurs: Strabon insiste sur cette mutation (4, 1, 11): " Les Allobroges, qui entreprirent naguère tant d'expéditions avec des armées de plusieurs dizaines de milliers d'homme, en sont réduits aujourd'hui à cultiver cette plaine (= la vallée du Rhône) et les vallées des Alpes. En général ils vivent dispersés dans des bourgs; toute la noblesse pourtant habite Vienne... ". Cette dernière remarque selon laquelle les Allobroges vivaient en villages, se rapporte certes à la fin du Ier siècle av. J.C., mais ce mode de groupement de la population sur des oppida était en fait traditionnel dans toute la région Rhône-Alpes avant la conquête romaine.

La traversée des Alpes par Hannibal

Le confluent du Rhône et de l'Isère - cette région " fertile et peuplée appelée l'Ile " par Polybe (3, 49) et par Tite-Live (21, 31, 4) - n'appartenait point alors, comme on l'affirme habituellement, aux Allobroges, mais bien aux Segovellauni, peuplade de la confédération cavare: l'analyse des récits laissés par ces deux historiens ne laisse aucun doute sur ce point de topographie antique. Tout d'abord, selon Tite-Live, ... mediis campis Insulae nomen inditum. Incolunt prope Allobroges, gens jam inde nulla gallica gente opibus aut fama inferior (21, 31, 4-5): le territoire de la nation allobroge commençait seulement " près de là ", non loin de ce confluent, de cette " île " comparée pour sa richesse au Delta du Nil. Par voie de conséquence, ce serait donc chez les Segovellauni de cette riche plaine du Valentinois qu'Hannibal aurait réglé le conflit qui mettait aux prises deux frères " qui se disputaient la royauté les armes à la main " (Polybe, 3, 49), non sans qu'il en tirât avantage d'ailleurs, puisque, pour remercier Hannibal de son aide inattendue, le roitelet Brancus, qui retrouvait son trône, arma, habilla et chaussa la plupart des Carthiginois, ce qui représente, soit dit en passant, des possibilités et des stocks d'intendance considérables pour une peuplade que l'on aurait cru peu puissante. "
Mais le plus grand service que ce roi rendit aux Carthaginois, ajoute Polybe, fut de prendre avec ses troupes la suite de leurs colonnes et de les accompagner jusqu'à l'entrée des Alpes ; ils purent ainsi traverser sans encombre le pays des Allobroges, qu'ils n'abordaient pas sans appréhension "; cette dernière remarque de Polybe montre bien que les Carthaginois n'étaient pas encore en territoire allobroge. En revanche, la suite du récit se passe bien au pays des Allobroges: " Hannibal avait remonté la rivière (l'Isère) pendant dix jours, il avait parcouru environ 800 stades (148 km) et gravissait les premières pentes des Alpes, quand il se trouva en butte au plus pressant danger. Tant qu'il avait été en terrain plat (= la vallée de l'Isère ou Graisivaudan), aucun des chefs allobroges (dont ils traversaient le territoire) n'avait osé attaquer les Carthaginois, par crainte soit de la cavalerie (punique), soit des Barbares qui les escortaient (le roi des Segovellauni et son armée). Mais quand ces derniers s'en furent retournés dans leur pays d'origine et qu'Hannibal commença à s'engager dans la montagne, les chefs allobroges se concertèrent, réunirent un contingent considérable et allèrent occuper les positions qui commandaient les lieux par lesquels il devait nécessairement passer (à savoir la vallée de l'Arc), etc. (Polybe, 3, 50). Il résulte de ce texte fort important: -- que la plaine valentinoise et le confluent Rhône-Isère étaient aux mains de " barbares ", que Polybe ne nomme point, mais qui ne sont autres que les Segovellauni ; ils avaient alors pour chef un roi, Brancus, qui paraît avoir été assez puissant - bien que son trône fût alors chancelant - mais qui était certainement très riche; - que le territoire des Allobroges ne commençait qu'à l'est de ce pays, à partir d'un point qu'il est impossible de préciser, mais qui pourrait correspondre au défilé de Saint-Nazaire-en-Royans; - que, bien que de même race, les Allobroges et ces Barbares ne s'entendaient alors guère entre eux, les premiers craignant même les seconds ; en revanche - la suite du récit de Polybe en porte témoignage - il semble que les Allobroges aient été alliés des peuplades de la Maurienne (Medulli), sur le territoire desquelles ils vont monter des embuscades contre les Carthaginois.