A - L'OUTILLAGE EN SILEX


1 - A Charavines, on n'était pas doué pour la taille du silex


L'examen des milliers de pièces de silex, surprend par le faible nombre de ce que les spécialistes appellent des outils, c'est-à-dire d'instruments destinés à un usage particulier, de forme précise et finement affûtés pour une efficacité maximum. Guère plus de 600 étalés sur 40 ans d'activité dans une communauté d'une cinquantaine de personnes, cela fait bien peu compte tenu des usures et des fractures ! Les plus " beaux " de ces outils sont dans un silex importé d'ailleurs pour les bonnes qualités techniques du matériau et probablement déjà façonnés par des artisans spécialisés ; beaucoup sont aussi issus de rognons de silex trouvés en abondance dans les alluvions glaciaires locales, mais ceux-la sont taillés assez grossièrement pour en faire des outils et ils ne témoignent pas d'une grande habileté du tailleur de silex.
Pour des usages plus courants, moins spécialisés, des milliers d'éclats coupants ou raclants (comme les 500 microdenticulés pour le nettoyage des fibres textiles) sont obtenus en tapant, sans soin ni précaution, sur des rognons ou des galets de silex au potentiel mécanique médiocre.

En quelques mots, à Charavines on utilisait un outillage de qualité fabriqué par des " pros ", comme on dit aujourd'hui, car dans le village même, les compétences dans ce domaine étaient assez limitées, non par absence de talent (voir l'atelier de taille qui a produit des outils de bonne qualité) mais par facilité : pourquoi s'évertuer à faire moins bien ce qu'on est capable de trouver d'ailleurs et de " payer ".

C'est un phénomène général qui s'observe dans la plupart des sites du Néolithique final en Europe : il y a des ateliers de taille spécialisés, implantés sur des gisements de bon matériau, qui exportent leur production, souvent très loin, dans des sociétés où croissent la richesse et les échanges.

La panoplie des outils de silex

Revenons sur les outils de silex indispensables dans leurs rôles spécifiques. Ils étaient complétés, comme on le sait par le matériel d'autres gisements, par un outillage en os et en dent dont rien ne fut retrouvé à Charavines, les éléments osseux étant très mal conservés à cause d'un chimisme particulier des couches.
Des tâches très spécialisées ne pouvaient être effectuées que par des outils réservés à un usage précis et souvent exclusif : le couteau à moissonner ne servait qu'à la récolte des céréales et d'autres étaient destinés à certains travaux sur le bois comme les mortaises ou l'évidement. Il en est de même pour le travail de la pierre : percement des fusaïoles ou des pendentifs, etc. On doit penser la même chose des "racloirs " pour gratter ou racler le bois, les peaux ou l'os, des perçoirs et becs pour percer, des denticulés pour scier le bois ou la corne, etc.

Il y avait aussi des outils polyvalents comme les couteaux (ou poignards), les lames retouchées qui, la tracéologie l'a bien montré, servaient à couper la viande, les plantes dures (roseaux pour faire les toits, etc.), à racler des peaux ou des os, en un mot l'outil à tout faire indispensable dans la poche d'un paysan ! Tous, d'ailleurs, dans un matériau non autochtone donc de très bonne qualité.

Les statistiques nous indiquent que leur nombre est très faible même si leur utilité est manifeste : 550 outils en 40 ans dans cinq familles, cela fait moins de trois outils par an et par famille de cinq à dix personnes… C'est peu même si on sait que, lors du premier abandon, tout ce qui était utilisable a été emporté : nous avons retrouvé 264 outils sur le premier sol et 329 sur le second que nous avons vu abandonné à la hâte. Ce dernier chiffre traduirait mieux la réalité de l'outillage.

On comprend ainsi la nécessité d'avoir recours, dans la vie quotidienne, à des silex moins formalisés issus des éclats de taille variables en matériau local qui ont été utilisés, sans qu'il soit toujours possible de le discerner par un examen rapide.

Outils spécialisés et outils à usage unique

A Charavines, comme dans pratiquement tous les gisements de la fin du Néolithique, deux séries d'outillage se distinguent nettement:

- quelques pièces finement modelées et retouchées pour obtenir des "outils" de qualité, efficaces et spécialisés comme des racloirs et scies à encoches, des perçoirs, des racloirs bifaces, des lames appointées ou non et des pointes de flèches. C'est une technique d'élaboration bien au point, mise en œuvre avec art et habileté. Mais leur nombre peut paraître faible compte tenu de la durée d'occupation et de la population : moins de cent pour chaque village. Ce fait, qui étonnait fort le professeur A. Leroi-Gourhan, traduit leur qualité et leur long usage.
- la plupart des outils de silex ne sont pourtant que des éclats grossièrement tirés d'un rognon avec un percuteur de pierre; ces éclats épais, souvent sans forme bien définie portent quelques retouches aménageant un mauvais tranchant de racloir ou des encoches multiples. C'est l'outil confectionné rapidement et sans soin particulier au moment de l'utilisation et destiné à être jeté ensuite.
Aux "outils" véritables, qu'ils soient en bon matériau et longtemps utilisés ou en silex local et rapidement abandonnés, le tranchant brut de très nombreux éclats a servi sans aménagement spécial à de multiples fins; eux aussi sont le plus souvent à usage unique et jetés après utilisation.

Pas de lames dans l'outillage
Mis à part les lames en silex pressignien, il y a très peu de débitage laminaire ou lamellaire. Il y a seulement deux vraies lamelles (Pl. 13 - 5 et 7) et une porte un "lustré de faucille" caractéristique.
A-t-elle été emmanchée pour servir de faucille alors que l'on sait que
les céréales étaient coupées avec des "couteaux à moissonner" (voir
plus loin).Elles ne semblent être en silex local.

2 - D'où venait le silex ?

Débitage du silex local
Si le nombre des éclats issus du débitage sur place des rognons de silex est identique dans les deux couches, la proportion entre les gros (plus de 1cm de long) et les petits n'est pas la même. On ignore si cela provient de la qualité différente du matériau travaillé ou bien si la technique de taille s'est modifiée entre les deux occupations. Ce qui pourrait paraître un détail montre la rapidité des variations dans les procédés de fabrication, pourtant considérés comme traditionnels ou les sources d'approvisionnement en matière première. Tradition, oui, mais évolution lente et continue

Les éclats et les nucléus, résidu du débitage de la pierre, sont nombreux et prouvent la taille et le façonnage des outils dans le village lui-même à partir de rognons en silex gris ou bleuté, de piètre qualité, ramassés dans les alluvions morainiques voisines. Certains gros éclats, qui jonchaient le sol du premier habitat avaient été touchés par l'incendie; les nouveaux occupants les ont retrouvés et retaillés pour une nouvelle utilisation, une quarantaine d'années plus tard. A Charavines on avait le sens de l'économie...

Le Grand-Pressigny

Quelques outils de silex, de teinte ambrée, ont été soumis à l'examen de Nicole Mallet, spécialiste du silex du Grand-Pressigny. Voici son avis en 1976 :
"Pour ce qui concerne vos pièces, le critère de la couleur ne peut être retenu. Aucune d'el-les, d'après les notes que j'avais prises, ne présente la traditionnelle teinte blonde. C'est bien davantage la "qualité" du silex qui permet de se prononcer. Vos pièces sont tirées d'un silex "gras", opaque, parsemé de petites tâches blanches ou jaunes caractéristiques mais surtout de très nombreux et non moins caractéristiques petits points scintillants bien visibles en lumière rasante. Il s'agit de nombreuses microcristallisations très particulières à nôtre silex turonien que jusqu'ici nous n'avons pas remarquées dans d'autres silex régionaux ou autres". D'autres examens et analyses ont été pratiqués qui ont confirmé le premier diagnostic de Nicole Mallet (1990 et 1992).

La présence à Charavines de pièces en silex du Grand-Pressigny est très importante, tant pour la connaissance des échanges commerciaux au Néolithique final dans les Alpes du Nord, que pour une datation précise de certains ateliers de taille d'Indre-et-Loire.
Au point de vue technologique on remarquera la très bonne qualité du débitage et de la retouche des 69 outils importés (Pl. 1 à 10) ; on y retrouve tous les poignards (sauf un, Pl. 1 n°2), une lame brute, un racloir à encoche, une pointe de flèche et un éclat microdenticulé.

Autres provenances

Les ateliers de taille du Vercors, s'ils existaient déjà, n'ont pas exporté leurs produits à Charavines. Par contre les ateliers bien plus éloignés du Grand-Pressigny, en Touraine, ont alimenté le village en lames brutes, lames retouchées et "poignards". Mais de nombreux silex ont manifestement leur origine hors de la région sans qu'il soit possible d'en dire plus, si ce n'est que les spécialistes du silex du Vercors (Vassieux, Méaudre, etc.) n'en ont pas vu trace à Charavines.
Quelques pièces de silex rouge, brun ou très sombre sont manifestement en matériau importé sans que l'on puisse actuellement en dire plus ; leur nombre excessivement réduit n'incite pas à la recherche de l'origine.

3 - Les manches collés

Si la plupart des outils ordinaires et jetables servaient sans emmanchement, par contre ceux qui étaient très élaborés et utilisés longtemps possédaient un manche. Bien que très rarement retrouvés intacts, ceux-ci sont attestés par des traces de frottement laissées sur le silex et que détermine la tracéologie.
Beaucoup de ces manches étaient fixés dans du bois par une colle qui adhère encore fortement au silex (Pl. 38-1). L'analyse montre qu'elle provient de la cuisson de la gomme de bouleau jusqu'à l'obtention d'un brai noir : la bétuline (analysée par M. Bourgeois, CESAMO Université de Bordeaux I, Talence ).

 

4 - UN OUTIL BIEN PARTICULIER... LE MICRODENTICULE

Le nombre des microdenticulés en silex utilisés au nettoyage des fibres textiles (dans la couche inférieure ils ne sont que 31 pour 401 dans la couche supérieure) est très différent entre les deux niveaux ; cela traduit une modification des processus techniques.
Ce sont des outils très spéciaux fabriqués surtout au cours de la deuxième phase d'occupation. De formes et de dimensions variées ce sont toujours des éclats dont un ou deux tranchants ont été retouchés par de minuscules enlèvements contigus, créant ainsi une très fine denticulation, comme une scie. Connus sur d'autres sites par quelques exemplaires seulement, Charavines en a livré 438, ce qui a permis de mettre au point pour la première fois leur description et leur classification méthodique (Micro Pl. 76 à 100).

Les traces laissées par l'usage sur ces pièces montrent qu'elles ont servi à racler des plantes dures mais non ligneuses (Plisson 1988-90, Coll.). La même constatation a été faite sur des microdenticulés du Danemark, du centre de la France et de Belgique.
Ils ont nettoyé par raclage les fibres des feuilles ou des tiges en vue de fabriquer des fils textiles utilisés dans les tissus, les ficelles, les cordes, etc. Très rares comme nous l'avons vu, ces outils se retrouvent pratiquement toujours près de l'eau, lacs, rivières, marais tant au Danemark, en Belgique qu'en France, depuis le Ve millénaire av. J.C. ; les plantes aquatiques comme les joncs ou les roseaux devaient être une matière première textile appréciée au Néolithique.

 

5 - LES POIGNARDS (Pl. 1 à 10)

D
es outils de prestige
Parmi les divers outils en silex, les "poignards" sont particulièrement spectaculaires par leur forme et leur taille; ce n'étaient pas des armes mais des couteaux qui copiaient en pierre les lames en cuivre que commençaient à connaître certaines populations néolithiques d'Europe. Encore rare et cher le métal était réservé à quelques groupes privilégiés du centre et du sud de l'Europe et le poignard devenait un objet de prestige pour ceux qui en possédaient; les autres se contentaient d'imitations en pierre. Bien qu'exceptionnels dans leur aspect ils servaient à des fins tout à fait ordinaires: les analyses de traces d'utilisation sur les tranchants ont montré que la plupart avaient servi à couper des végétaux durs et de la peau.

Les grandes lames d'où ils étaient façonnés provenaient des bords de la Loire, de la région du Grand-Pressigny. Si quelques poignards nous sont parvenus entiers, d'autres ont été fracturés au cours de leur utilisation, car ces longues lames en pierre étaient fragiles et de faibles chocs les fracturaient. Les fragments, soit les poignées, soit les pointes étaient alors employées à d'autres usages après quelques aménagements: pointes de flèches, perçoir, racloir, couteau à moissonner, etc.

La plupart étaient emmanchés

La délicatesse des gestes de fouille et aussi l'habileté des archéologues-plongeurs ont permis que soient dégagés cinq poignards en silex encore pourvus de leur fragile emmanchement, exceptionnellement bien conservés (Pl. 2 à 6).

Ces pièces dont trois sont actuellement les plus complètes d'Europe aident à mieux comprendre comment étaient montés, à l'origine, la plupart des lames de poignards retrouvées en grand nombre sur les gisements terrestres.

- manche constitué d'une plaque d'écorce de bouleau repliée à la forme de la poignée et maintenue serrée par une ligature au fil fin (Pl. 2).

- manche constitué par une plaquette de hêtre munie d'un pommeau plat, collée sur le silex par de la bétuline et maintenue par une ligature serrée d'un fin rameau écorcé de sapin, dont les spires sont fixées par une petite ficelle qui évite leur écartement (Pl. 3) .

- manche formé par un simple enroulement des deux brins d'osier, l'un parti du sommet de la lame et l'autre à partir du centre :; ils se rejoignent au milieu de la poignée en une sorte de nœud (Pl. 4).

-sur deux autres poignards il ne reste que des éléments de manche : enroulement de tiges de lin sur un matelassage des fibres végétales (Pl. 5) et enroulement de fil fin sur une écorce de bouleau (Pl. 6).

Ce sont donc des documents de première importance d'autant que des pièces de manches en cours de fabrication permettent de reconstituer les gestes de l'artisan qui les confectionnait.
En effet, parmi les objets de bois une pièce a été considérée comme une ébauche de poignée avec pommeau grossièrement équarrie (Bois Pl. 20-3) et une autre est une poignée avec pommeau dont la cuvette destinée à recevoir une lame est fracturée (Bois Pl. 20-5). Les deux sont en érable.

Cinq poignards emmanchés, cinq modes d'emmanchement différents. Chacun mettait sa fierté à imaginer un manche à sa façon, qu'il réalisait avec habileté et personnalisait ainsi cet outil de prestige. A ce sujet nous renvoyons à celui que portait "Oetsi", l'homme du glacier du Similaun, qui lui aussi présentait un manche différent de ceux de Charavines.

6 - LES RACLOIRS OU SCIES A ENCOCHES (Pl. 18 à 22)

Ces outils sont assez nombreux dans les deux couches et présentent un intérêt particulier après les analyses tracéologiques : en effet ce sont des couteaux à moissonner dont la tracéologie nous dit que le "manche" était constitué par un anneau de corde passé dans les deux encoches.

Certains ont été utilisés sur leurs deux cotés tranchants d'autres sur un seul. Quelques uns sont en bon silex, probablement importé (un est silex pressignien, Pl. 22-4), les autres en matériau local au débitage plus fruste et aux retouches moins fines. Parmi ceux-ci, un a la particularité d'avoir un tranchant brut, non retouché, le fil de l'éclat étant suffisamment coupant (Pl. 20-6).

 

B - LA TRACÉOLOGIE

La tracéologie détermine les marques laissées par l'usage sur le tranchant des outils de silex, marques qui varient suivant la matière travaillée et le mouvement effectué; elles consistent en esquillage, lustrage, usure, striation, etc. et parfois la combinaison de plusieurs actions.
Pour diagnostiquer leur origine, le spécialiste les compare sous le microscope à celles obtenues par expérimentation sur divers silex; ceci suppose un nombre
très élevé d'essais dont le tracéologue suit les résultats au fur et à mesure de leur déroulement.

Parmi les silex de Charavines, 82 ont subi un examen tracéologique (P. Anderson 1979 ; H. Plisson 1988, 1989 et 1990, Coll. ; P. Vaugham 1987 ; H. Plisson 2002), sur lesquels ont été déterminés les mouvements longitudinaux (couper, scier), les mouvements transversaux (racler, gratter, raboter, frotter), les traces d'emmanchement ou d'abrasion intentionnelle hors action de travail. Observation stupéfiante que celle de l'empreinte des doigts sales ayant tenu les faces d'un microdenticulé....

Les matières façonnées reconnues sont les végétaux (plantes souples: céréales, joncs; plantes dures: roseaux; matière ligneuse: bois), les peaux (sèches, humides ou saupoudrées d'abrasif), les carcasses (os et tissus carnés) et les matières souples.
Si certains outils semblent affectés à une utilisation précise comme les couteaux à moissonner ou les racloirs à peau, d'autres ont eu de multiples usages; ainsi la plupart des grands couteaux, appelés "poignards" à cause de leur double tranchant, ont coupé de la viande, des fibres végétales non ligneuses, de la peau et raclé des plantes dures.

Bien des racloirs et des grattoirs de silex étaient maintenus dans un manche; parfois les traces de brai qui le collait persistent encore mais pour d'autres, seule la tracéologie montre sa présence par la marque du frottement.

Ces manches étaient en bois, en fibres végétales (couteaux à moissonner) et
parfois composites associant peau et bois (racloir à peau).

Nous avons été étonnés de la rareté des stigmates de travail du bois alors que ce matériau était très employé pour la construction, les divers manches, les cuillères, les flèches, les arcs, etc.
Il est fort probable que les silex utilisés étaient de simples éclats dont le tranchant n'avait pas été aménagé et qui étaient jetés après emploi. Les études tracéologiques sur les milliers d'éclats retrouvés restent à faire pour confirmer ou infirmer cette hypothèse.


C- LES HACHES

Parmi les restes laissés sur le sol à Charavines, c'est par milliers que se comptent les branches, les troncs et les copeaux portant la trace de coups de hache. Si l'immersion a permis la bonne conservation des déchets, elle a préservé aussi tous les éléments qui constituaient les haches.

Bien sûr, le site de Charavines n'offre pas toute la gamme des diverses haches ou cognées connues au Néolithique comme elles existent dans les nombreux gisements lacustres suisses ; mais ces derniers couvrent une aire géographique étendue et une période d'au moins deux millénaires pendant laquelle la hache varie en fonction du temps et des influences culturelles ou techniques; ceci n'est pas le cas ici dans un seul village dont l'occupation s'étale sur moins d'un siècle.

1 - Les manches (Bois Pl. 1 à 4)

C'est un élément très rare actuellement en France, puisqu'il faut des conditions très particulières pour les conserver, des sites immergés ou humides. A Charavines sept manches entiers et de nombreux fragments permettent d'en décrire la fabrication et d'en comprendre l'utilisation.

Tous les manches sont tirés de troncs d'érable, éclatés, dégrossis et modelés à la hache puis raclés au silex. Longs de 60 à 80 cm, ils sont rectilignes ou parfois légèrement cintrés et toujours terminés par un élargissement qui permettait une meilleure tenue en main. Cet élargissement était habituel à cette époque car il se retrouve sur la dalle gravée de Locmariaquer. A l'autre extrémité, le manche a une lourde et robuste tête qui recevra la lame à l'intérieur d'une mortaise carrée ou rectangulaire, soit directement (Pl. 3-2), soit par l'intermédiaire d'une gaine. Cette partie était assez épaisse pour alourdir l'outil le rendant plus efficace et aussi pour que les bords de la mortaise résistent bien aux chocs. C'est d'ailleurs le point faible des manches dont les joues de la mortaises éclatent lors de l'usage : hormis le manche intact et apparement non encore utilisé (Pl. 1-1), tous ont été abandonnés pour cette cause.

S'il n'a été retrouvé aucun ciseau ou bédane en os pour creuser les mortaises, d'autres sites en possèdent et les expériences de M. Noël (1980 et 1982 Coll. ; Noël 1988, Bocquet 1985 et 1988) ont démontré leur efficacité.

2 - Haches et herminettes

Quand le tranchant de la lame est parallèle à l'axe du manche, c'est la hache habituelle qui s'utilise par des coups latéraux, obliques ou verticaux pour couper et fendre.

Mais il est un autre montage où le tranchant de la lame est placé perpendiculairement à l'axe du manche: c'est l'herminette, utilisée en coups verticaux d'avant en arrière pour creuser, équarrir les troncs, aplanir une surface. C'est outil du charpentier par excellence (ou pour creuser les pirogues monoxyles), toujours léger avec un manche court car manié d'une seule main.

A Charavines un manche d'herminette court ne présente pas d'élargissement à son extrémité proximale car l'outil n'en a pas besoin pour être correctement tenu (Pl. 4-2 ). Ne serait-ce sa faible longueur, il est du même principe qu'un manche de hache; même tête lourde, même mortaise pour recevoir la gaine.

Un autre type d'herminette existe aussi avec un manche très élaboré en érable (Pl. 4-3). Court et massif, sa tête est perforée d'un large trou transversal et sa face inférieure est creusée d'une rainure asymétrique.
La conformation de la pièce amène à penser que ce manche était armé d'une lame d'os courbe solidement fixée par une ligature. Plusieurs essais ont été pratiqués pour trouver la nature de la lame : ne convient qu'une vraie côte droite de bovidé dont l'apophyse raccourcie se loge exactement dans la rainure du manche, ce qui l'empêche de glisser après ligaturage.
Avec son extrémité bien affûtée la côte ainsi montée constitue une herminette très efficace même si l'aiguisage devait en être fréquent. La présence de cet outil exceptionnel, et encore inconnu des préhistoriens, explique la netteté des entailles visibles sur des petites pièces de bois, entailles semblables à celles que laisserait une lame métallique.

En effet, je me suis souvent demandé s'il n'avait pas existé de haches en cuivre qui auraient pu laisser des tranches de coupe aussi nettes : rien ne permet d'affirmer que de tels outils ont été utilisés, ayant été emportés lors des abandons. Des instruments armés d'une lame d'os bien affûtée peuvent expliquer des entailles franches mais la présence de haches métalliques reste toutefois posée.

3 - Les lames polies (Haches Pl. 1 à 5)

A Charavines, comme dans tout le sud-est français, seules les roches vertes sont utilisées: éclogites, omphalites, serpentines, etc. (voir en annexe les analyses de M. Ricq de Boüard). Dures et fibreuses, elles ont été façonnées par bouchardage (ou piquetage) ou sciage avec une ficelle ou une lame de bois agissant dans du sable mouillé (Pl. 4-2), avant d'être polies.
Toutes devaient armer des gaine à l'exception d'une seule dont le talon est pointu pour s'insérer dans la mortaise d'un manche à emmanchement direct (Pl. 3-2).

Une, retrouvée en de multiples fragments éparpillés a dû éclater sous l'action de choc (Pl. 2-1); a-t-elle servi de coin ?

On remarque que seulement une hache et un tranchant de hache proviennent du premier village sur les 16 retrouvées.

L'affûtage des lames et réparation des haches

L'usage ébrèche rapidement le tranchant des lames polies nécessitant un aiguisage fréquent et il arrivait parfois qu'elles cassent à l'intérieur de leur gaine (Pl. 24-1). Dans les deux cas il était nécessaire de sortir la gaine du manche pour changer la lame ou pour l'affûter plus facilement sur le polissoir en grès (Pl. ). C 'était une opération délicate car le tenon de la gaine était bien serré dans la mortaise du manche.

A Charavines une astuce technique a été employée, inconnue encore en Europe: à l'arrière d'un manche un petit trou carré permet d'éjecter la gaine sans effort et sans dommage pour le manche (Pl. 4-1).

Les gaines en bois de cerf (Pl. 23 et 24)

Peu de gaines ont été retrouvées et souvent en bien mauvais état de conservation : comme les os et le bois de cerf elles ont "fondu" dans les sédiments encaissants. On reconnaît pourtant les gaines à tenon simple dégagé (Pl. 23) et à tenon à ailette (ou ergot) bien marquée (Pl. 24 - 1 et 2).

D - MATÉRIEL DE BROYAGE ET DE PERCUSSION

J'ai séparé les meules des polissoirs un critère pétrographique : les meules sont en granit et les polissoirs en molasse

Les Meules
De taille variée, entières ou fracturées il y en avait généralement une par maison. Mais leur enfoncement dans la craie n'a parfois pas permis d'être sûr de la couche d'origine : nous les situons pourtant après avoir confronté des détails de fouille.

voir Pl. 3 et 4

Les Broyeurs
Toujours en quartzite

Pl. 9 - 6 à 11

Les Percuteurs et bouchardes
toujours en quartzite

Pl. 1

Les Polissoirs
Toujours en molasse.

Pl. 5 à 8

Les Aiguisoirs et lissoir
En molasse.

Pl. 2

Les plaques à cuire
en molasse.

Pl. 10

 

 

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LES OUTILS ET OUTILLAGE EN PIERRE

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Liste des vestiges

666 dessins d'outils de silex

Les 457 dessins des microdenticulés

les histogrammes des microdenticulés
En haut à gauche: couteau à moissonner ayant servi sur ses deux côtés à couper des plantes tendres, avec une corde serrée entre les deux encoches latérales pour mieux l'avoir en main.
En dessous à gauche: couteau à moissonner dont le talon était recouvert de peau.
Au milieu: grattoir à peau emmanché dans du bois par l'intermédiaire d'une peau. Celui qui s'en servait était droitier, seule la partie droite ayant servi à gratter et à couper.
A droite: lame n'ayant jamais été emmanchée.
En dessous: racloir biface ayant été emmanché dans du bois avec reste de colle (en noir). Il a coupé des végétaux tendres (céréales, etc.).

Signification des figurés
- Les actions:
trait continu: mouvement longitudinal (couper, scier)
trait discontinu: mouvement transversal (racler, gratter)
croisillon: emmanchement
- Les matières:
2: matière végétale; 22: plante souple (céréales, jonc)
23: plante dure non ligneuse (roseau)
322: peau sèche
329: peau
3223: peau sèche saupoudrée d'abrasif.

Entaille franche sur un tronc de sapin.
Hache gravée de Locmariaquer
Remarquer l'élargissement de l'extrémité proximale du manche, comme sur nos manches.
Racloir collé dans du bois
Poignard à enroulement d'osier
Manche à plaquette et pommeau plat en hêtre et enroulemnt de sapin
Manche avec matelassage de fibres végétales tenu par un enroulement de lin.
Racloir à encoches
en silex du Grand Pressigny
Trou à l'arrière de la tête
pour éjecter la gaine
Lame cassée dans la gaine
Dans la tête, on distingue l'emplacement creusé pour recevoir l'extrémité proximale d'une côte droite de boeuf
Microdenticulé bilatéral
Long : 15 mm
Flèche bien taillée
mais le silex n'est pas local.

Bibliographie

L'appel de la bibliographie se présente sous deux aspects :
nom et année
à retrouver dans la bibliographie générale,
ou nom, année suivi de " Coll. " (collectif) se trouve dans la liste Collectif 2005, dans la Bibliographie. Cette liste regroupe toutes les études non publiées.

Seule lame brute en silex du Grand Pressigny. Elle porte des traces d'utilisation mais pas de retouches (Long. : 14,4 cm).
Le manche en plaques d'écorce de bouleau serrées par des fibres végétales
a empêché la surface du silex de se patiner.
Silex banal en général de provenance locale
Restes d'un petit atelier de taille dont il ne reste aucun outil. Le silex rouge n'est pas local.
Lamelle présentant un lustré de faucille
Meule en granite et son broyon en quartzite
Les deux vraies lamelles du site
Seule pointe à ailerons du site (disparue lors de l'exposition de 1976 au Musée dauphinois)
voir les flèches à la chasse
Petit polissoir en molasse dont la surface supérieure est bien lisse et qui pourrait avoir servi pour affûter les lames polies
Coups d'herminette pour régulariser une planche de hêtre
Manche à enroulement d'osier avec le noeud au centre.
Gaine à tenon et ailette
Gaine à tenon simple (en place)
Poignards en silex pressignien, plus ou moins patiné.
Pour toute étude détaillée sur l'industrie de silex se reporter à : GESLER Anne. 1988 - L'industrie lithique du site néolithique final de Charavines - les Baigneurs (Isère). Mémoire de l'Université de Lyon, non soutenu mais inclus dans les rapports non publiés
Manche formé par une écorce de bouleau repliée et maintenue par des fibres végétales
Les histogrammes des outils de silex