Que se passait-il
au premier âge du Fer
dans les Alpes du Nord ?
Les Hallstattiens sont des tribus de cavaliers nomades , qui depuis le centre de l'Europe, se sont infiltrés parmi les agri-culteurs sédentaires de l'Europe occidentale. Il ont pris le place des princes existant en occupant leurs places fortes pour contrôler le territoire.
C'est la première de ce que l'on peut considérer comme les "Grandes invasions"
A partir de la fin du IXe siècle av. J.-C., le climat se dégrade avec une humidité accrue (la dendrochronologie remarque un changement net de la croissance des arbres vers 780 av. J.-C.) ce qui déstabilise les populations agricoles de l'avant-pays alpin ; en même temps des actions violentes (combats entre "princes" ou autres, raids de Hallstattiens ?...), ont pu amener la destruction des centres industriels bronziers et céramiques (en particulier ceux des stations littorales palafittiques de lacs subalpins) qui étaient une source de puissance économique et de cohésion sociale dont certains pouvaient craindre une résistance à leurs projets de conquête du territoire ou à leur commerce. C'est une période troublée qui voit fleurir les places fortifiées sur des sites propices à la défense, sites qui seront réutilisés à l'âge du Fer, pour la plupart, par les " envahisseurs " désirant se mettre à l'abri et contrôler les routes commerciales.
Après la disparition des stations littorales des lacs alpins de l'âge du Bronze final, vers 800 av. J.C. (les pieux les plus récents des stations lacustres subalpines sont datés de - 813/810 sur le lac du Bourget), deux populations différentes vont prospérer dans les Alpes du Nord : à l'est dans les massifs internes qui se colonisent et à l'ouest où évoluent les communautés autochtones avec l'arrivée des Hallstattiens (A. Bocquet, 1969 et 1997).
Surtout dans la partie septentrionale de l'avant-pays, le Plateau savoyard et le Nord-Dauphiné, la densité du peuplement semble diminuer aux VIIIe/VIIe siècles, ce qui pourrait n'être qu'une impression archéologique due à la précarité de l'habitat des nomades qui s'installent, en laissant peu de vestiges.
Les influences hallstattiennes se manifestent au sud du lac Léman et autour du lac d'Annecy par des cuirasses (Marcellaz), des parures en bronze (La Tour, Talloires) et quelques tumulus (Pringy, Gruffy). Elles pénètrent aussi le massif de Crémieu dans le Nord-Dauphiné, en particulier sur l'oppidum de Larina à Hières-sur-Amby. Quelques autres sites (Seyssinet, Isère ; Saint-Ferréol-Trente-pas et Moras-en-Valloire, Drôme par exemple) en possèdent des traces, noyées dans du matériel de tradition Bronze final (A. Bocquet, 1991 et 1994).
La différence s'amplifie entre l'avant-pays (piedmont et massifs préalpins) où les matériels et parfois les rites des arrivants se diffusent parmi les indigènes et les massifs internes qui acquièrent des caractéristiques spécifiques où ces nouvelles influences sont quasi absentes dans une nouvelle " civilisation " qui prend naissance en altitude.
Naissance de la " civilisation alpine "
A la fin de l'âge du Bronze, une déforestation en altitude permet d'accroître terroirs et alpages nécessaires à l'occupation permanente dans les massifs internes, déforestation bien visible dans les pollens de tourbières (Valloire en Maurienne, A. Bocquet, 1994). Aux VIIe/VIe siècles, cette conquête de la montagne s'intensifie avec des caractères très particuliers : absence d'armes, absence d'objets en fer, inhumations plates en coffres de lauzes et abondance exceptionnelle des parures en bronze de fabrication locale complétée par des importations d'ambre et de bijoux "exotiques" venus des deux côtés des Alpes (A. Bocquet, 1991).
Cette civilisation d'altitude est archéologiquement bien mieux connue que la civilisation qui tenait les plaines de piedmont et les massifs subalpins : il n'est que de voir la densité des découvertes faites pour la plupart au XIXe siècle.
Elle aura son apogée aux Ve/IVe siècles av. J.-C. et trouvera sa richesse dans le trafic transalpin mis en place par les Hallstattiens, dès le VIIe siècle, dans leur besoin de commercer avec l'Italie ; la connaissance des chemins, le portage des charges, les escortes de convois et les péages sont une source de revenus abondants. Sur les pistes ou les sentiers de haute montagne tout transport se fait à dos d'homme ou de bêtes de somme que ce soit pour les échanges locaux ou pour le compte de marchands étrangers ; d'autant que sur ces pistes seules passaient sans difficultés les bêtes du pays, "habituées aux parcours périlleux" ainsi que le dit Strabon (G. Barruol 1969, p. 101). Les ressources locales sont aussi exploitées comme le sel, le cuivre, le plomb, le bois, le bétail, les fromages, etc.
Mais ces peuples rustiques étaient méfiants vis à vis des étrangers et hostiles à toute incursion qu'ils savaient neutraliser, même sans armes, par la seule utilisation intelligente des moyens simples que la nature mettait à leur disposition dans des reliefs tourmentés : Hannibal et plus tard les Romains en feront la dure expérience pour traverser les Alpes... Ils savaient ne pas mélanger commerce et passage en force !
Ces peuples alpins ne sont pas confondus avec les tribus celtes ou gauloises et des études récentes ont démontré leur originalité (A. Bocquet, 1991), déjà constatée par les historiens antiques eux-mêmes : Polybe (IIe siècle av. J.C.) raconte que les populations alpines sont différentes de celles des vallées du Rhône et du Pô. D'après Strabon (Ier siècle av. J.C.) " la Gaule cisalpine est habitée par des nations ligures et des nations celtiques ; celles-là de-meurant dans les montagnes, celles-ci dans les plaines" ; on peut admettre qu'il en était de même pour le versant occidental des Alpes. Tite-Live (Ier siècle ap. J.C.) précise que les Alpes occidentales n'étaient pas peuplées de Gaulois mais d'autochtones, que les contacts entre Alpins et Celtes étaient fréquents car "les Gaulois sont fort peu éloignés par leur langue et par leurs murs de ces montagnards".
L'originalité des productions métalliques, un rite funéraire spécifique et d'autres particularités s'accordent ainsi avec les textes sur la dualité des populations, les montagnards autochtones (que G. Barruol appelle les "peuples indépendants ") d'un côté et les Gaulois des plaines et du piedmont de l'autre.
Auguste qui a vaincu les peuples alpins entre 18 et 15 av. J.-C., a fait inscrire leurs noms sur le Trophée de la Turbie, près de Nice: Medulli de Maurienne, Ucenii de l'Oisans et on remarquera l'absence de Ceutrones.