Au Néolithique récent, le climat se refroidit légèrement au début du Sub- Boréal avec de courtes périodes de petits assèchements comme celui mis en évidence à Charavines, sur le lac de Paladru, entre - 2669 et - 2590. Là encore vont s'accoler et s'interpénétrer deux courants.
-- Le courant méridional introduit le rite des tombes collectives en grottes sépulcrales et en hypogées artificiels (39). Comme avec les Chasséens se sont les terroirs secs et les versants bien ensoleillés qui sont choisis.
-- Un autre courant d'origine helvétique occidentale et rhodanienne correspond à des populations qui affectionnent plutôt les terres lourdes ou humides, les bords de lacs et de rivières plus fréquentes dans le Nord de la région.

Emprises de l'homme sur le territoire

La carte de répartition des haches polies, toutes périodes confondues, donne une bonne idée de l'occupation du territoire à la fin du Néolithique: celle-ci fut large à l'exception de certaines zones de haute montagne ou celle au sol particu-lièrement ingrat (Bas-Dauphiné entre autre).

Les analyses palynologiques indiquent des déforestations dans de nouvelles zones de peuplement qui se mettent en place au cours du IIIe millénaire, par exemple les flancs du Vercors à Seyssinet, les régions de Chamonix vers 2500 BC, de la Chartreuse vers 2230 BC (40). Là, les pollens de Saint-Thibaud-de-Couz (Savoie) montrent une pratique agricole particulièrement intéressante : la déforestation de la vallée de l'Hyère est totale mais non destinée à la culture, seulement à la création de pâturages. Ceux-ci étaient exploités selon un mode intensif, ce qui ne permettait pas aux graminées d'arriver au stade de maturité, continuellement broutées qu'elles étaient par le bétail. La pratique de la stabulation libre était déjà en honneur !

Courant helvétique : la civilisation "pré-Saône-Rhône"
et Saône-Rhône (ou Néolithique récent rhodanien)

env. 3100 à 2350 av. J.C.

Dans la partie nord de la région, à la période qui correspond à la Civilisation de Horgen en Suisse les lacs Léman, d'Annecy et d'Aiguebelette possèdent des pieux datés -3049 à Thonon, -3041 à Annecy-le-Vieux et -3190 à Lépin ; mais ces sites n'ont pas encore fourni de matériel typologiquement déterminable (41).
Il en est de même pour une sépulture collective sans mobilier près de Chambéry (3290 BC), d'une tombe individuelle près de Grenoble de 3140 BC et d'un niveau non chasséen de 3370 BC (42). Il n'est pas possible d'attribuer ces vestiges à un faciès culturel précis et ils témoignent seulement de la persistance de la présence humaine à la fin du IVe millénaire. Il n'y a pas de hiatus dans le peuplement mais seulement dans nos connaissances et nos possibilités de diagnostic, car peu avant 3200/3000 BC, et bien que nous ne disposions d'aucun site dans le Grésivaudan, les pollens du lac Luitel dans le massif de Belledonne, à 1350m d'altitude, montrent que l'emprise de l'homme se fait brusquement plus grande puisqu'elle atteint les flancs du massif qui sont fortement déboisés. Il y a là des problèmes à résoudre...

La Civilisation Saône-Rhône (ou Néolithique récent rhodanien)

Plus récente puisqu'elle commence en Suisse vers -2800, étend son influence sur la Savoie et le Nord du Dauphiné jusqu'à Grenoble, illustrée par de nombreux gisements au bord des lacs ou des cours d'eau (comme à Thuellin près du Rhône) (43).
La dendrochronologie situe les villages entre -2670 et -2590 sur le lac de Paladru, entre -2548 et -2440 sur le lac du Bourget et à -2435 sur le lac d'Annecy (44). Sur le lac d'Aiguebelette le radiocarbone des pieux oscille entre 2700 et 2530 BC (45). D'autres sites sont identifiés au nord d'Annecy avec une date d'environ 2790 BC, sur le lac d'Annecy, sur le lac du Bourget, en Nord-Dauphiné, en grotte sur le Rhône et près de Grenoble (46). Il faut attendre la fin des prospections actuelles (47) pour savoir si des sites existent sur les rives du Léman.
Les sites de la civilisation Saône-Rhône s'intègrent bien dans un ensemble techno-culturel qui s'étend sur le Jura et les Alpes du Nord ; c'est très net à Charavines où les ressemblances avec le "Groupe de Chalain" sont frappantes tant dans la céramique que le silex. Si des échanges avec la Suisse occidentale existent on ne peut en mesurer l'importance, par contre les éléments langue-dociens sont exceptionnels (48) tout comme ceux que l'on suppose d'origine occidentale (civilisation d'Artenac).ou méridionale (Languedoc).

Courant méridional au Néolithique récent
env. de 3000 à 1800 av. J.C.


En même temps que prospèrent les "Saône-Rhône" rattachés au Nord, un courant originaire du Midi (Néolithique récent méridional), se met en place dans le territoire colonisé pendant plus d'un millénaire par les Chasséens.
Dans les vallées du Rhône, de ses affluents et de la Durance la conquête est marquée par la progression du nombre des sites en grotte (habitats et ossuaires collectifs) et en plein air (51).
En Diois et autour de la vallée du Buech de nombreuses stations utilisent du silex gris local (52) et des dizaines de haches polies parsèment la région. J.L.Brochier a déterminé que plusieurs grottes d'altitude ont longtemps servi de bergerie dans le haut Diois (53), ce qui laisse supposer un usage pastoral de la montagne comme cela se pratique encore. Les dates radiocarbone permettent de fixer le Néolithique récent entre 2880 BC et 2000 BC, dans la Drôme.
A l'intérieur des Alpes les ossuaires, que nous verrons ultérieurement, sont plus rares tout comme les gisements de surface ou en grotte (54).
Les trouvailles de haches polies isolées indiquent une présence néolithique, sans pouvoir apporter de précisions culturelles et chronologiques, dans la vallée du haut Drac et le Trièves (55) vers le Champsaur et le Gapençais ; celles des vallées de la Romanche (56) et de la Guisane vers Briançon dans des zones d'alpages ne prouvent pas forcément une implantation permanente. La Chartreuse possède quelques haches et aussi des zones de taille du silex (57).
Dans le coeur du Vercors plusieurs stations de surface découvertes par le Dr Malenfant, difficiles à dater, sont les restes de la fréquentation, au moins par des chasseurs, de l'intérieur du massif aux forêts denses. Les très nombreux ateliers de taille installés sur les affleurements de silex sont plus significatifs de l'occupation liée à une activité spécifique, pas forcément permanente mais qui s'étala sur de très nombreux siècles.
Bornes et Bauges resteraient des régions délaissées si on se fie à l'absence actuelle de vestiges.

Imprégnation par les porteurs du gobelet campaniforme
env. 2600 à 2000 av. J.C
.

Dans certains sites néolithiques récents viennent s'ajouter des éléments campaniformes ; abondants dans le couloir rhodanien, ils pénètrent le Diois et le rebord Ouest du Vercors (58).
Le Sillon alpin et l'avant-pays en sont bien pourvus: près de Grenoble, du lac du Bourget, du Rhône et en Haute-Savoie (59) ; des niveaux avec tessons campaniformes sont datés à Seyssinet de 2290 BC et à Saint-Paul-de-Varces une tombe collective avec un gobelet se place à 2160 BC. Le style des campaniformes n'est pas homogène : pan-européen (60), Rhin-Rhône, septentrional (61) ou méridional (62), traduisant des influences variées.
Ces gobelets couvrent une longue période entre les plus anciens de type pan-européen et ceux d'inspiration méridionale à décor gravé ou estampé d'âge plus récent. Contrairement à certaines théories le matériel campaniforme ne semble pas posséder un caractère de prestige mais se mêle souvent, et en bonne quantité, au mobilier domestique des habitats (63).

A Vernas, dans une allée couverte, près du Rhône en Nord-Dauphiné, un poignard "occidental" est en cuivre à mince languette ; un autre au Lauzet en Ubaye, dans un dolmen où certains os datés de 2510 BC sont peut-être antérieurs au dépôt de la pièce.
Quelques haches plates en cuivre (64) sont des trouvailles isolées non datables exactement, comme le poignard triangulaire court de la Tronche près de Grenoble. Des perles et alênes de cuivre en Grésivaudan (65), dans les Hautes-Alpes (66) et une perle de plomb à la Buisse (Isère), les haches plates trapézoïdales de Sevrier (Haute-Savie), St-Pierre-d'Albigny (Savoie) complètent l'inventaire du métal dans le piedmont et les massifs sub-alpins, dont l'âge est du Chalcolithique et, peut-être, du Bronze ancien pour certains.
A rattacher au phénomène campaniforme seraient les grands vases à perfo-rations multiples sous le bord, présents de chaque coté des Alpes (67) que M.Besse attribue à une céramique d'accompagnement aux campaniformes.

Quelques traces de la civilisation Cordée

Seule l'importation de haches-marteaux en roche tenace illustrent la Civilisation Cordée, une quinzaine étant éparpillée entre Suisse et Hautes-Alpes avec une densité particulière près du lac Léman au Nord de la Haute-Savoie et dans les zones marécageuses du Nord-Dauphiné (69).
Aucune céramique du Cordé n'a été découverte ou conservée des anciennes trouvailles dans les Alpes du Nord, à l'exception de la rive Sud du Léman où d'anciens ramassages ne sont pas très significatifs. La hache-marteau, outil symbolique et caractéristique de cette civilisation, semble d'après les données actuelles, avoir été exportée sans être accompagnée d'autres influences.

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env. 3750 à 2100 av. J.C.
ARCHÉOLOGIE ET PEUPLEMENT
DES ALPES FRANCAISES DU NORD
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Carte de répartition du Néolithique final

Hache-marteau,
Cordé.
St-André-en-Royans, Drôme

voir la diffusion totale du Néolithique
Poignard en cuivre de l'allée couverte de Vernas, Isère.
Gobelet campaniforme
Conjux, Savoie.
Voir les dates absolues