Les villages de Charavines et la vie au Néolithique dans les Alpes
Reconstitution du village quatre ans après l'arrivée des occupants,
en 2669 av. J.-C.
Les haches sot les outils de base.
On a leurs manches en érable, les gaines en bois de cerf et les lames en pierre dure polie.
Des objets de bois sont conservés comme des peignes à tisser,des cuillères et des épingles à habit.
Les vases en terre cuite sont nombreux : ici des récipients à cuire et à manger
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ARCHÉOLOGIE ET PEUPLEMENT
DES ALPES FRANCAISES DU NORD
1: Plan du premier village en 2666 av. J.C.;
2: et 3: poignards en silex du Grand-Pressigny avec manches en écorce de bouleau et enroulement de sapin sur plaquette de hêtre;
4: bouteille en pâte fine;
5 à 10, 17 et 18: différents types de récipients;
11 à 13: pointes de flèches; 15: racloir à encoches ayant servi de couteau à moissonner;
16: racloir biface portant des traces de colle (bétuline).
(échelles diverses). Dessins A.Bocquet, R. Doulière et N. Papet.
Pour plus de détail, voir Charavines et Synthèse
L'outillage en silex est abondant et les plus belles pièces sont fabriquées avec du silex importé. La lame du bas vient de la Touraine

 

 

 

 


Des fouilles subaquatiques au Sud du lac de Paladru, dans les collines du Nord-Dauphiné, à Charavines, ont exploité un gisement dont l'étude complète permet de le considérer actuel-lement comme le modèle des villages néolithiques alpins, dans le domaine de la civilisation Saône-Rhône tout au moins. Bien qu'aucun autre site n'ait été retrouvé dans la région du lac de Paladru, les pollens indiquent sans ambiguïté de la présence de paysans depuis 3500 BC environ. Une baisse prolongée du niveau du lac a permis l'installation de maisons de bois sur la rive même, où elles furent bien conservées par la montée ultérieure des eaux. Placé à 500m d'altitude, au coeur de forêts denses, ce site a fourni de multiples témoins de la vie quotidienne en particulier ceux en matières périssables, des données précises sur l'archi-tecture des maisons, les modes culturaux, l'alimentation végétale et carnée, etc.

Les villages successifs

Une communauté de 50 à 60 personnes venue des environs proches se fixera, en -2669, sur la rive méridionale du lac couverte par une forêt où dominent les sapins accompagnés de frênes, aulnes, hêtres, etc. Le village naît d'abord avec deux maisons, puis trois autres quatre ans plus tard qui abriteront au maximum sept familles durant 15 à 18 ans; ensuite quatre familles resteront encore quelques années avant d'abandonner volontairement le site peu après -2650. Un village le remplacera au même endroit en -2613, soit moins de quarante ans plus tard, pour une nouvelle et dernière occupation de 20/22 ans sans que la région proche soit désertée pour autant; en effet les pollens montrent plusieurs déforestations ultérieures, accompagnées de la présence de céréales.

L'occupation du territoire

Ce système d'habitat semi-permanent et cyclique est adapté à une agriculture de type horticole, pratiquée après brûlis des terres lourdes et argileuses, au moyen de courtes pioches en bois de cerf par culture en sillon; les sols se trouvaient ainsi épuisés rapidement. Quand le finage environnant n'avait plus un rendement suffisant pour alimenter le groupe, il fallait partir et reconstruire le village quelques kilomètres plus loin, au milieu de terres vierges ou régénérées par la végétation après un abandon antérieur. Donc, voyant se rapprocher l'échéance de trop faibles récoltes certains membres de la communauté allaient édifier un nouveau village puis toutes les familles déménageaient deux à quatre ans plus tard; l'organisation sociale est bien au point pour l'exploitation optimum du territoire et la continuité dans la production agricole. La densité de l'occupation était déjà telle que les communautés étaient obligées de revenir vivre dans leurs anciens terroirs régénérés par la végétation. Les zones occupées successivement étaient-elles affectées à un même groupe et à sa descendance dans une sorte de consensus accepté par tous les groupes dans une vaste région: c'est possible car à Charavines ceux qui sont revenus faisaient partie du groupe précédent . En outre les rares villages connus ne comportent aucune trace de défenses (fortification, rempart ou palissade robuste) qui attesteraient l'éventualité de conflits.

Les ressources

Possédant une haute technicité dans l'artisanat du bois (fabrication de cuillères, de peignes, d'épingles), de la vannerie (paniers), du textile (nattes, tapis, toiles et velours) les habitants de Charavines profitaient de toutes les ressources de la forêt. La chasse (50 à 55 % de cerf dans l'alimentation carnée) qui complète l'élevage du porc, du mouton et de la chèvre avec très peu de bovins car les parcelles étaient ouvertes seulement pour la culture et non pour la production du foin. La cueillette de fruits (pommes, noisettes, prunelles, mûres, etc.) s'ajoutait à la culture de l'épeautre, de l'orge, du pavot; des pollens de seigle ont été reconnus mais aucun grain n'en a été retrouvé. D'autres fibres végétales étaient aussi ramassées pour s'ajouter au lin dans les textiles.


Charavines, village d'Europe...

Ces villages étaient incorporés dans un maillage de relations qui permettait les échanges entre communautés, souvent à longue distance . Leurs vases à goulot rétréci et épaulement, toujours en pâte fine ont des termes de comparaison bien difficiles à préciser: "invention" locale ou bien idée venue d'Italie septentrionale ou centrale avec les civilisations de Remedello ou de Rinaldone? Des vases fabriqués à Charavines sont exportés à Chalain dans le Jura et à Sutz au bord du lac de Bienne en Suisse.