Ce toponyme contient Randa, la limite, la frontière
en gaulois.
En latin la frontière se dit Fines, c'est donc la traductiondirecte
du gaulois.
La voie protohistorique
était faite pour des marcheurs et des animaux, bâtés ou non, mais les Romains
avaient besoin d'une route carrossable pour le commerce et le passage des
légions.
Pour cela, ils ont appliqué leurs talents de constructeur à l'édification
de la route en haute montagne, route que la Table de
Peutinger et l'Anonyme de Ravenne indiquent
comme un grande voie transalpine. C'est la plus courte pour relier Rome à
Lyon.
La voie romaine
Elle sera aménagée sur le tracé de l'ancienne voie protohistorique en empruntant les bords de la Romanche au prix d'aménagements importants par les ingénieurs romains : c'est probablement ces travaux sur une route essentielle pour Rome qui ont frappé les esprits jusqu'à donner le nom de "Romanche " au torrent qu'elle suit sur une bonne partie de son cours….
Nous avons vu, au chapitre
précédent, qu'après Cularo (Grenoble) par Eybens, un
" chemin ferré " se retrouve au nord du lac de Haute-Jarrie, puis vers Plâtre
pour rejoindre une portion de voie antique qui existe encore à l'ouest de
Vizille , sous la Croix de la Vue et près du Château de Cornage, avec dalles
de pavage et murs de soutènement. Un habitat gallo-romain près du Château
et au-dessus des Matons, occupé du Ier au IVe siècle, a été
fouillé en 1992.
A l'entrée des gorges de la Romanche, Vizille était peut-être
une place romaine mais le nom Castra Vigiliae est attestée seulement
au VIIIe siècle.
Puis à Gavet, dans un étroit qui restreignait
la largeur du torrent, au lieu-dit " Avorand " (aujourd'hui déformé
en "Lovarand" sur les cartes...) se place la station de Fines
dont les noms, gaulois puis romain, indiquent une frontière, en l'occurrence
celle entre les Allobroges et les Ucenni, peuple alpin indépendant
de l'Oisans.
Avant Catorissium, au début du bassin de Bourg-d'Oisans une
voie antique de deux mètres de large est creusée dans la paroi rocheuse abrupte,
quatre à cinq mètres au-dessus de la plaine marécageuse et inondable, à coté
du lieu-dit Rochetaillée, le bien nommé… Très
étroite, elle était élargie à certains endroits par un tablier en bois dont
les trous pour recevoir les poutres sont encore visibles dans le rocher ;
on en voit certains tronçons sur quelques centaines de mètres.
Ici il fallait créer un chemin dans la paroi car le fond marécageux
de la plaine baignait le bas de la falaise verticale. Plus loin des éboulis
de bas de pente pouvaient partout supporter un sentier.
Comme Fines est situé avec précision, à cause du toponyme d'Avorand,
Catorissium est placé probablement à la Paute ou à Bourg-d'Oisans (sur
des cônes de déjection propices à un habitat au-dessus de la plaine, puisqu'il
y a 10 milles (15 km) entre Fines et cette station (en réalité il y
a 17 ou 19 km).
Catorissium est séparé de 15 km (10 milles) de Mellosedo .
Route antique et route moderne ne suivent pas le même tracé
En effet, dans les gorges de l'Infernet entre Le Clapier, à 750 m d' altitude, et Le Freney-d'Oisans le tracé est d'abord celui de la route historique puis s'en sépare vers 900 m d'altitude en poursuivant la montée : la voie existe toujours, connue sous le nom de "chemin romain " avec " la porte romaine " taillée dans le roc.
Ce chemin, aux aménagements
lourds dans les portions rocheuses, arrive à Bons puis à Mont-de-Lans
à 1300 m d'altitude. On descend ensuite vers le fond de la vallée de la Romanche
au Freney-d'Oisans.
Le détour par Bons était nécessaire pour court-circuiter une grande portion
des gorges (en particulier l'Infernet et les gorges du Ségu), plus abruptes
encore que la " rampe des commères ", et que seuls des travaux de tunnels
et de chaussée ouverte à l'explosif ont établi la route
moderne.
La station suivante de Mellosedo est placée à Mont-de-Lans
par bien des historiens (dont G. Barruol) mais la commune très voisine
de Mizoën avait nom au Moyen-âge de Melloscenium ou Mellosenum
: ne serait-ce pas là le Mellosedo de la Table de Peutinger
? Ce village actuel domine de 200 m le fond de la vallée mais l'habitat
a pu monter au Moyen-âge alors que l'agglomération gallo-romaine
se serait trouvée au bord du torrent, sur un large cone de déjection,
au hameau de Chambon noyé en 1935 lors
de la mise en eau du barrage hydro-électrique et qui porte un toponyme
gaulois (cambo : le coude, le méandre).
La
localisation des étapes a une signification
Il y a ensuite 18 km (12 milles) pour atteindre l'étape suivante, Durotincum,
vers Villar-d'Arêne, au pied du col.
Il faut corriger une erreur de transcription entre ce dernier point et le
suivant car XVII milles (et non VII de la Table de Peutinger ou XII de l'Anonyme
de Ravenne) sont nécessaires pour atteindre les environs de Monêtier-les-Bains
à Stabatione. Ensuite, peu avant Briançon, la route rejoint celle de
la vallée de la Durance pour monter au col du Montgenèvre.
Les étapes représentent un parcours effectué en un jour ; leurs longueurs variables traduisent les différences de difficulté de la route. En circulant sans obstacle entre Cularo et Fines, elle atteint 17 milles. Par contre entre Fines et Catorissium, la progression dans les gorges de la Romanche devait être lente puisqu'elle ne fait que 10 milles et il en est de même pour monter à Mellosedo. Le trajet assez facile entre cette station et le pied du col, le long du torrent, n'est crédité que de 10 milles alors qu'il y en a 15, traduisant une étape sans trop de difficultés. Il en est de même pour la portion entre Durotinco et Stabatione malgré la dure montée du col.