Les textiles et l'outillage lié au textile ont été étudiés par de nombreux spécialistes (Bois 1983, Berretrot 1987-88, Cardon 1988, Coll. ; Desrosiers 1988, Bocquet 1989)
Quelles étaient les fibres employées?
Nous savons par les graines que le lin était cultivé et ses tiges (teille de lin) reposent en lits serrés sur le sol ; mais bien d'autres fibres végétales ont dû être utilisées, les orties, la teille des écorces de tilleul, de chêne, les feuilles de roseaux, les joncs, etc.
Il est impossible de savoir exactement lesquelles car les analyses ne fournissent qu'une déterm-nation sommaire : fibre végétale "cloisonnée" et fibre "non cloisonnée" sans autre précision possible en l'absence d'étude spéciale.
Une chose est sure, le chanvre était inconnu car il n'en existe ni tige, ni graines, ni pollens.Aucunes fibres animales n'ont été retrouvées mais quelques fils ne montrent qu'un seul toron dont la torsion garde l'empreinte d'un autre toron qui aurait disparu. Ils auraient pu être constitués de l'assemblage de fibres animales et de fibres végétales tordues ensemble et dont seules les fibres végétales seraient conservées. Cette interprétation donnée par des spécialistes m'étonne car les cheveux s'étant parfaitement conservés, pourquoi les poils animaux ne le seraient-ils pas ?
Les tiges ou feuilles diverses utilisées (roseaux, orties, teille de tilleul, de chêne ?) à des fins textiles doivent subir le rouissage qui est la séparation biologique des fibres par fermentation en eau stagnante. Ensuite les fibres sont nettoyées des impuretés par raclage ; à Charavines et surtout lors de la deuxième occupation ce rôle fut dévolu aux microdenticulés.
A - FUSEAUX ET FUSAÏOLES, FIL, FILAGE
Le principe du filage est de tordre en fils à l'aide d'un fuseau les mèches de fibres, ou filasse, disposées sur une quenouille. Celle-ci est une simple tige de bois fourchue ou non, au bout de laquelle les fibres sont posées en vrac ou légèrement fixées. Il est difficile de reconnaître à coup sûr les quenouilles parmi les nombreuses branches retrouvées écorcées et raclées (peut-être Bois Pl. 19-1).Les microdenticulés (Silex Pl. 75 à 100)
On a vu ces outils dans l'outillage lithique que la tracéologie affecte au raclage de plantes dures : très vraisemblablement pour débarrasser les fibres végétales des restes de parenchyme qui les entourait encore après le rouissage. En effet, au microscope, les fibres textiles apparaissent propres avec de très rares cellules parenchymateuses, plus nombreuses dans les ficelles et les cordes qui ne demandent pas autant de finesse qu'un fil.Les fuseaux (Bois Pl. 15 et 16)
Le fuseau long de 25 à 30 cm taillé dans un bois léger (le houx, la viorne ou le fusain) est renflé en son milieu et se termine en pointe à chaque bout.
La principale difficulté du filage est d'étirer très régulièrement les fibres textiles, de façon à réaliser un fil de grosseur uniforme. Une seconde consiste à donner au fuseau des mouvements convenables pour que le fil soit parfaitement et également tordu. Certains fils étaient d'une extrême finesse puisque la loupe a été nécessaire pour en identifier de 3 à 4 dixièmes de millimètres de diamètre. Détail intéressant, l'analyse révèle une torsion dite en Z prouvant que la fileuse était droitière et que le fuseau était pendant.Les fusaïoles ( Fig. 1 à 3 ; Fusaïoles Pl. 1 à 12)
Les fusaïoles sont très nombreuses en terre cuite ou en pierre de formes : bi-convexe, concavo-convexe, discoïde, elliptique, plan-convexe (Fig. 8, 9 et 2). La fusaïole étant un "volant", il est possible que les plus grosses, qui ont une inertie plus grande, servaient à confectionner de gros fils alors que les fils fins étaient tordus sur des fuseaux légers lestés d'une petite fusaïole.
La moyenne des "moments d'inertie" (Fig. 1) des fusaïoles varie entre les deux occupations : cela traduit-il des différences dans la qualité du fil ou dans la nature des fibres utilisées ?Le fil (Textile Pl. 1 et 2)
60 pelotes de 1 à 8 cm de diamètre ont été extraites des sédiments, formées de fil obtenu par la torsion de deux fils simples. Comme il n'existe pas de navettes, ce sont ces pelotes qui étaient directement utilisées lors du tissage.Les galets à encoches (Galets Pl. 1 à 19)
Des galets de calcaire, quartzite ou molasse de forme allongée sont au nombre de sur le site ( en couche inférieure et en couche supérieure). Les études de M. Bois (1983, Coll.) et de F. Berretrot (1987-88) n'ont pas permis de dire avec certitude si ces éléments étaient à relier au tissage ou à la pêche au filet.
Nous en ferons plus volontiers des poids de tisserand car nous n'avons aucune preuve de l'existence de filet de pêche (le seul filet retrouvé est un filet de portage). Leur répartition spatiale est peut-être un peu plus démonstrative, localisés qu'ils pourraient être dans des maisons spécialisées dans le tissage (voit le Textile). Mais ce n'est pourtant qu'une hypothèse vraisemblable à moins que l'utilisation ait été double pour ces artefacts.B - LE TISSAGE
Seulement deux accessoires du tissage ont été trouvés à Charavines : les poids (galets à encoches) qui maintenaient les fils de chaîne tendus et les peignes en buis (Bois Pl. 17) pour serrer les fils de trame. Aucune pièce de métier à tisser ne nous est parvenue ; seuls les peignes en buis, légers et servant d'avant en arrière dans un mouvement de traction impliquent des métiers horizontaux avec une technique proche de la tapisserie de basse lisse semblable à celle pratiquée à Aubusson.
Des exemples ethnographiques actuels (au Tibet) montrent qu'avec des métiers horizontaux simples il est possible de fabriquer des bandes de tissus de 30 à 50 cm de large présentant des décors très complexes et souvent hauts en couleur.
Les tissus (Textile Pl. 1 et 2)
Les fils peuvent être tricotés comme l'ont montré certains documents suisses, mais nous n'en avons aucune preuve à Charavines.
Seuls cinq fragments de tissu ont été dégagés, ce qui s'explique par leur extrême fragilité; deux ont fait l'objet d'une étude technique :
- une toile simple en fil de 3 à 6/10e de mm (Pl. 2-6),
- une toile en fil fin et régulier de 5 à 7/10e de mm, qui comportait un décor obtenu par l'inclusion au tissage de petites mèches dont la juxtaposition donnait un aspect pelu-cheux, velouté. Ce type de tissu
est un velours, encore inconnu jusqu'alors au Néolithique, montre le très haut degré de technicité des tisserands dauphinois (Pl. 1). Ils disposaient pour ce faire d'un fil fin, régulier, bien préparé à partir de bonnes fibres végétales.Les teintures
Si certains tissus présentaient un décor obtenu au tissage, étaient-ils aussi colorés ? Rien ne permet aujourd'hui de le dire à l'examen des restes. Toutefois de nombreuses graines de sureau yèble ont été récupérées sur le sol : non comestible et même toxique ses baies fournissent un colorant pourpre très efficace et elles ont probablement été récoltées dans ce but.
En outre des pollens de garance attestent la présence, donc la culture de cette plante dont la racine fournit une couleur rouge intense, utilisée jusqu'à l'invention des colorants synthétiques au début du siècle. Les graines grosses comme des pois n'ont pas été trouvées car seule la racine est récoltée, séchée et broyée pour être utilisée. La partie aérienne de la plante ne devait pas être apportée au village.
D'autres substances ont pu être employées comme l'écorce d'aulne qui donne une belle couleur jaune.C - CORDES, FICELLES ET NATTES (Textile Pl. 3 à 7)
Diverses ficelles et cordes à trois torons, qui dépassent parfois 20 mm de diamètre, sont obtenues soit avec des fils, soit avec des fibres brutes rouies et nettoyées (Pl. 3 et 4). Leur abondance et leur variété montrent qu'elles étaient très couramment utilisées pour les multiples usages de la vie quotidienne. Les cordes servaient à maintenir les assemblages en bois des charpentes. La confection des cordes et des ficelles était bien maîtrisé fournissant des produits tout à fait comparables aux nôtres comme le sont aussi les nuds et les épissures.
L'osier ou le sapin servait aux liens, dont on a quelques boucles nouées (Pl. 8- 5 et 6).
Des nattes (Pl. 7-1 à 4 et 8-3) formées par des rubans ou des ficelles devaient re-couvrir les litières. Leurs bords sont toujours bien arrêtés pour éviter l'effilochement.
Un filet de portage
La découverte de fragments de filet en gros fil torse de 2 à 4 mm de diamètre, aux mailles carrées de 1,2 cm environ, ont longtemps fait penser à la pêche. Or c'est un filet non noué, donc un filet de portage qui permet d'imaginer avec quoi les Néolithiques trans-portaient outils et récoltes dans leurs déplacements (Pl. 7-5).
Le tissu ne devait pas exclure la peau pour les vêtements et les accessoires de literie, peau dont les qualités isolantes et la robustesse sont évidentes. Malheureusement seul un fragment en a été découvert, vraisemblablement non tanné ; il est donc fort probable que le tannage n'était pas en usage à Charavines et qu'il n'y avait pas de cuir à proprement parler.
Mais de nombreux outils de silex ont coupé et raclé les peaux pour les débarrasser de la graisse et des aponévroses, d'après les traces identifiées sur les tranchants, en particulier un grattoir en silex (Silex Pl. 48-9) dont l'extrémité pointue était emmanchée dans du bois avec une peau intermédiaire (voir ci contre). Il a raclé et coupé de la peau sèche recouverte d'un "abrasif" (terre, sable ?) ; (voir tracéologie dans l'outillage de silex).
Malgré la mauvaise conservation des déchets osseux qui a éliminé de préférence les petits animaux, il est à remarquer quelques renards, martres, blaireaux ont une chair consommable mais sont surtout recherchés pour la qualité de leur fourrure.
L'appel de la bibliographie se présente sous deux aspects :
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ou nom, année suivi de " Coll. " (collectif) se trouve dans
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les études non publiées.