L'avant-pays
Le nord de la Haute-Savoie a connu une implantation gauloise marquée par des cimetières qui rassemblent hommes, guerriers et femmes à la Tène ancienne III ainsi que par quelques bracelets (306).
Le plateau de Larina à Hières-sur-Amby est occupé aussi par des Gaulois à la fin du IVe siècle, qui ont dû prendre la succession des princes halls-tattiens, car un objet étrusque atteste un haut rang social (306bis).


A la Tène moyenne (307) les vestiges marquent seulement une présence militaire, mais ce doit être que les sites d'habitat ont été bouleversés ou négligés.
Présence militaire aussi à la Tène moyenne dans le massif de Crémieu, en nord Dauphiné et au débouché de la cluse de Grenoble, avec des tombes de guerriers (308) ; ceux-ci ont pénétré jusqu'à la Combe de Savoie (309).

Dans plusieurs gisements on a reconnu de la céramique gauloise, malheureusement ils restent à étudier pour la plupart (310) afin mieux comprendre la prise de possession du territoire et l'évolution du peuplement à partir des IVe/IIIe siècles.
Cette présence gauloise est-elle en rapport avec la métallurgie du fer ? Les preuves directes, comme des fours, scories, etc., sont très rares (311) mais les régions calcaires du Salève et des monts du Chablais au nord, du massif de Crémieu et du Royans au pied du Vercors possèdent abondamment des sédiments sidérolithiques utilisés habituellement par la sidérurgie celtique européenne (312). Là encore, comme pour les minerais de cuivre à l'âge du Bronze, on est étonné de la convergence entre présence des premiers Gaulois et ressources minérales.

Le commerce de l'avant-pays

Le sud de l'avant-pays poursuit ses échanges avec Marseille ; au Pègue, les céramiques grecques sont assez nombreuses au début du IVe siècle mais la deuxième moitié de ce siècle est la mieux représentée par les apports italiques: pré campanienne et campanienne ont succédé à l'attique à figures rouges. Campaniennes A et B et amphores massaliotes témoignent encore de l'importance de l'oppidum de Larina à Hières-sur-Amby ; des campaniennes à Sassenage, près de Grenoble et à Seyssel-Vens sur le haut Rhône jalonnent la route commerciale vers le nord. Par contre l'influence phocéenne disparaît de la moyenne Durance, qui semble désertée ou en nette régression économique sans que l'on comprenne pourquoi.

Les massifs internes
Après la conquête de la plaine du Pô vers 390 av. J.C., les Gaulois sont établis de chaque côté des Alpes ; en Piémont leur empreinte est bien visible au sud du fleuve Tessin où les contacts avec la civilisation de Golasecca se tarissent au IVe siècle correspondant à une implantation seulement militaire, comme à l'ouest des Alpes. En Val de Suse au IIIe siècle des tombes d'architecture alpine contiennent quelques éléments gaulois (313) sans que cela signifie une grande activité des cols.

En Savoie l'influence de Golasecca (314) dans son faciès tessinois continue. Les objets de la Tène ancienne II sont absents à part un torque à Villarodin et les fibules Golasecca tessinoises.
La grande nécropole de Saint-Jean-de-Belleville est encore utilisée à la Tène moyenne mais on n'y discerne pas de matériel caractéristique de la Tène ancienne II.

En Tarentaise et en Maurienne, seuls des objets gaulois de la Tène ancienne III et la Tène moyenne complètent les mobiliers indigènes. Encore est-il possible de faire une distinction entre les objets de la Tène ancienne III (315) où les fibules de Münsingen proviennent peut-être d'Italie du Nord et ceux de la Tène moyenne (316) plus proches de l'aire occidentale helvétique, ce qui se justifie par l'abandon de la Gaule cisalpine.

Les cols ont très naturellement été pratiqués puisque
chaque versant possède du mobilier gaulois. L'imprégna-
tion gauloise, la celtisation, de la Maurienne et surtout
de la Tarentaise fut plus importante que l'influence halls-
tattienne si on se fie à la quantité respective des vestiges.
Un fait majeur surprend, c'est la nette différence avec
les VIe-Ve siècles qui avaient vu fleurir à profusion les
productions locales complétées par quelques importations ;
à partir du IIIe siècle la population se réduit car le nom-
bre des cimetières et des tombes diminue, l'artisanat
alpin disparaît et la richesse semble s'éteindre.

Au sud, la région de l'Oisans-Rochefort est encore plus mal lotie : la rareté des restes laténiens montre sa mise à l'écart qui s'accompagne des mêmes conséquences qu'en Savoie.

La vallée de la Durance, vers le col du Montgenèvre, a pu servir au trafic mais il en reste peu de choses : le torque en argent de Freissinières-Pallon (près de l'Argentière!), spectaculaire copie indigène des modèles gaulois, quelques perles de la Tène moyenne dans une tombe aux Orres. Dans cette zone qui fut si riche et prospère jusqu'au Ve siècle, la Tène ancienne II et III et la Tène moyenne n'y sont pratiquement pas représentées. Absence de fouilles, abandon du territoire, crise économique, il faudra bien un jour expliquer cet hiatus.

Pour le Queyras-Ubaye, un tout autre tableau doit être dressé, car l'empreinte gauloise, assez faible, se fait sentir tardivement, pas avant le IIIe siècle ( au moment où les tribus gauloises -Allobroges, Voconces, Caturiges, etc.- se mettent en place).
Si les exubérantes productions locales des vallées du Guil et de l'Ubaye vont être affectées du même déclin que celles de Savoie, ce sera avec deux siècles de retard, seulement au cours du IIe siècle : en effet, à la Tène moyenne, quelques éléments gaulois ( des fibules en général) sont encore associés à de splendides et abondants mobiliers funéraires alpins.
Les haut-Alpins font preuve d'une grande richesse et d'originalité dans leurs productions (317) au IVe, IIIe et probablement encore au IIe siècle.
Quelques-uns de leurs bijoux s'exportent parfois fort loin (318), et souvent dans les Alpes elles-mêmes. Des bracelets étroits et incisés et des crotales issus du Queyras se retrouvent ainsi dans les Alpes internes (Tarentaise-Maurienne, Oisans-Rochefort) ce qui indique la fréquentation des cols qui relient entre elles les grandes vallées transalpines du versant occidental.
Comme en Savoie, un courant vient de l'Italie nord-alpine (civ. de Gola-secca) à la Tène ancienne III (319).

Il est plus difficile de préciser de quel versant des Alpes sont arrivés les bracelets serpentiformes, les fibules "schéma la Tène II" de Guillestre ainsi que la mode des ceintures de la Tène ancienne III et de la Tène moyenne dont les Alpins imaginent des copies fort complexes (320).

La conquête de la plaine padane par les Romains, vers 220 av. J.C., et le reflux possible de quelques tribus celtes vers la Gaule transalpine ne se traduit par aucune trace archéologique, pas plus d'ailleurs que les passages de Bellovèse, vers 390, et d'Hannibal, en 218.

La passage d'Hannibal en 218
L'itinéraire suivi pour la traversée des Alpes par l'armée d'Hannibal et ses trente éléphants a fait couler beaucoup
d'encre et soulevé bien des hypothèses : cols du Montgenèvre, du Mont-Cenis, du Clapier, du Petit-Saint-Bernard ? Les
textes de Tite-Live et de Polybe se contredisent souvent mais à notre sens celui de ce dernier serait plus fiable et plus cohé-
rent ; il a été écrit moins de cent ans après les évènements et l'auteur est venu luimême faire le trajet...
Quelques indications topographiques, les distances notées entre les étapes comme les considérations politiques formulées
par Polybe me font préférer le tracé par la basse Savoie, Chambéry, la vallée de l'Isère et le col du Petit-Saint-Bernard
vers le Val d'Aoste. Les Alpins ont, semble-t-il, fortement résisté dans les défilés en aval d'Aime en profitant de la configuration du relief.

Evolution de la civilisation alpine
La riche civilisation alpine, dont j'ai expliqué la mise en place différente suivant les régions, s'éteint archéologiquement à la fin de la Tène moyenne après la soumission des Allobroges par Rome. Est-ce là la cause historique ou économique du déclin quasi définitif des provinces des Alpes internes, déclin qui s'était étalé au cours de l'évolution et qui ne s'est pas manifesté en même temps partout : Ve siècle sur la Durance, IVe siècle en Savoie et en Oisans, IIIe-IIe siècle en Queyras/Ubaye.

- Le Briançonnais et la voie du Montgenèvre étaient dominés dès la fin du VIIIe siècle par la forte présence des Hallstattiens largement implantés dans le Gapençais. Là peu de productions locales originales et richesse limitée des tombes : les Hallstattiens sont maîtres de la région, de son organisation et de ses activités. Le trafic transalpin s'interrompt au Ve siècle et c'est immédiatement la chute brutale vers une certaine pauvreté et la survie probable des populations dont pratiquement rien ne nous est parvenu.

- Les Alpins de Savoie avaient organisé eux-mêmes le trafic transalpin sous l'égide et au bénéfice des Hallstattiens au VIIe siècle dans un contexte climatique favorisant les productions locales tant pour la subsistance que pour l'exportation. La mise en exploitation des mines de cuivre, d'argent ou de sel n'était pas étrangère au développement.
Commerce "international" et activités régionales sont à la source de l'expansion du peuplement et des richesses étalées dans les tombes. La cause première du déclin est, bien sûr, la perte du commerce transalpin mais la persistance des activités qu'il avait induites a permis une "survie dorée" en Savoie pendant plusieurs générations. L'absence de revenus externes et de débouchés à leurs ressources amène pourtant une certaine régression au IVe siècle.

- La province de l'Oisans-Rochefort a eu une moindre importance à partir du VIIe siècle sur la route du col du Lautaret, entre le bassin de l'Isère et celui de la Durance. Son éclat ne fut pas très marqué et son sort est lié à celui de la haute Durance et au col du Montgenèvre. Par contre elle reçut longtemps des parures en provenance du Queyras.

- Le Queyras et l'Ubaye n'ont pas été traversé par un intense courant commercial entre les deux versants ; les cols n'ont eu qu'un intérêt local. La richesse et l'extension progressive du peuplement, par de multiples communautés occupant tous les espaces habitables à partir des VIIe/VIe siècles, sont dus plus à une dynamique régionale qu'à des facteurs extérieurs. C'est ce qui explique la persistance tardive d'un haut niveau de vie dans un contexte général peu favorable, entre les IVe et IIIe/IIe siècles

 

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LA TÈNE ANCIENNE II, III ET LA TÈNE MOYENNE
de 400 à 120 av. J.C.
ARCHÉOLOGIE ET PEUPLEMENT
DES ALPES FRANCAISES DU NORD
LA DEUXIÈME PHASE DE L'ÂGE DU FER DANS LES ALPES
CHRONOLOGIES COMPARÉES
France, Italie, Europe
Tombes gauloises avec épée, pointes de lance, baudrier porte-épée, fibules.
Rives, Isère.
Merveille de la ferronerie gauloise, ce baudrier porte-épée devait appartenir à un chef de l'armée gauloise à Rives, Isère.
Fibules en fer, non oxydées, Rives, Isère.
Torque à tampon gaulois de Villarodin, Savoie.
Ceinture gauloise en anneaux coulés. Origine danubienne.
Jarrier, Savoie.
Torque en argent d'inspiration gauloise fabriqué par des artisans alpins.
Les décors gravés sont ceux qui ornent les bracelets de la région du Queyras-Ubaye.
Pallon, Hautes-Alpes.

Mobilier caractéristique d'une inhumation à Guillestre, Hautes-Alpes.
avec la diversité des bracelets, des boutons, des fibules, ceinture et pendeloqie sont uniques.
La fibule à disque atteint sa plus excessive grandeur.
La tombe date de la fin de la Tène mais elle regroupe des objets bien plus anciens.

Pour d'autres détails se reporter
sur l'étude des Allobroges
Anse de vase étrusque de la fin du IVe siècle (combattants affrontés).
Hières-sur-Amby, Isère.
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Evolution du matériel durant la Tène
Bracelet à décor moulé en relief de la Tène ancienne III,
Cruseilles, Haute-Savoie.
Bracelet à pendeloque piriforme (crotale).
Meylan, Isère.
Bracelet et pendeloque sont typiques du Queyras-Ubaye.
Un bracelet identique a été trouvé à St-Jean-de-Belleville, Savoie.
Répartition des objets et des sites
du 2ème âge du Fer