Dans
les Hautes-Alpes des d'objets et des outils de bronze aux formes et aux décors
originaux inspirés par les modèles en usage à la fin du Bronze final, sont
pour la plupart regroupés en dépôts qui possèdent en général une très grande
quantité de pièces (265).
Celui de Villar-d'Arêne, est un dépôt de fondeur, placé à près de 2000m
d'altitude près de filons de chalcopyrite, avec des éléments très fragmentés
et des restes de fonderie avec scories ; un autre de découverte récente
à Savines dans un coffre de pierres, contenait des éléments
du début du Bronze final (bracelets type de Gepolsheim, épingle
à tête discoïde et renflements et autres bracelets plus
récents) souvent fragmentés.
Les autres dépots sont des "trésors" d'objets entiers
(266).
Quatre dépôts étaient enfouis dans un même champ à l'Epine, près
du col de Saulce entre Diois et Buech (267).
Cette concentration sur une aussi faible superficie a forcément une
signification cultuelle, sociale ou technique.
Quatre autres ensembles sont beaucoup plus composites : Beaurières-Charens
(35 pièces), Réallon (dépôt de 1874 avec 461 pièces), Ribiers (122 pièces)
et la Fare-en-Champsaur (disparu, contenait 18kg de bronzes) (268).
- Les torques, souvent torses et à extrémités enroulées, sont une spécialité
haut-alpine très prisée ; peut-on y voir la persistance à travers les siècles
d'une mode locale héritée du Bronze ancien valaisan qui s'était bien implanté
dans la région comme on l'a vu ?
- Autre particularité est l'abondance des ceintures articulées ornées de diverses
pendeloques, connues dès la phase moyenne du Bronze final à Blanot, Côte-d'Or,
ou à Billy, Loir et Cher ; sans être identiques entre elles, celles des Hautes-Alpes
ont toutes un air de famille mais un examen attentif et des analyses seraient
à même de discerner si elles proviennent ou non d'un même atelier.
- De nombreux bracelets sont d'inspiration "alpine": en ruban gravé avec une
forte nervure médiane comme dans le dépôt de Menthon ou ceux issus du type
Gepolsheim que nous avons vu à Goncelin et au lac du Bourget. Se pose le problème
de l'origine des bracelets de type Réallon-Saint-Genouph, creux, à grandes
ailettes et à riches gravures géométriques trouvés tant en Suisse occidentale
qu'en France de la Loire à la Garonne. Comme le suggère V.Rychner les influences
entre les Alpes et les lacs suisses ont dû être mutuelles.
- Les pendeloques en "boîtier de montre" (269)
ont leurs parallèles près du Danube en Yougoslavie sans que le sens du courant
d'influence puisse être déterminé.
Par contre on doit s'étonner de l'absence totale de matériel haut-alpin spécifique
dans une vallée bien proche, celle de l'Ubaye où pourtant les découvertes
métalliques ne manquent pas.
Pour illustrer les contacts transalpins un dépôt avec torque, rouelles et boutons, tout à fait identiques aux bronzes haut-alpins, a été trouvé à Laux en Val Chisone de l'autre côté du col du Mongenèvre. Tous ces dépôts témoignent d'une métallurgie active centrée sur une petite région qui ne manque pas de ressources en cuivre, oeuvre d'artisans qui possèdent un haut niveau technique.
Le problème des
dépôts
Leur composition, soit homogène, soit hétérogène, n'est
pas
sans raison ; le champ de l'Epine avec ses quatre groupes
d'objets est à ce propos très éloquent tout comme les trois
dépôts de Réallon. D'après les premières indications, le dépôt
de Savines était accompagné par d'autres récupérés
clandestinement.
Sommes-nous en présence de "tombes sans corps" ou de "dépôts personnels" pour
honorer des défunts riches ou puissants ?
Dans ce cas leur concentration sur une faible surface a aussi un sens. Il
ne faut donc pas exclure, pour certains, l'hypothèse de réserve de bronziers
car des dépôts composites (270) rassemblent
des pièces des phases ancienne, moyenne et récente du Bronze final (270b).
Cette métallurgie exploitait les filons locaux de cuivre comme l'indique le
dépôt de Villar d'Arêne et la tombe de Saint-Véran, tous deux proches de minerais
; l'étain provenait de l'ouest dont le commerce est accompagné par les haches
à douille atlantiques que j'ai évoqué.
Âge des dépôts : au cours
ou à la fin du Bronze final ?
Nous venons de voir que plusieurs dépôts comportent des bronzes des phases
ancienne et moyenne de la métallurgie alpine ; cela marque-t-il le début de
la production ou est-ce de la récupération ultérieure ?
On ignore la durée des fabrications car elles ont dû se poursuivre pendant
de nombreuses générations, bien au-delà de la fin de l'Age du Bronze ; il
est malheureusement difficile de les situer actuellement avec précision tellement
ses éléments sont inhabituels et originaux, les ensembles étant souvent
dépourvus d'objets importés facilement datables.
On rapprochera cette activité bronzière alpine de celle, très originale aussi,
qui s'est développée dans le Languedoc-Roussillon à partir de la fin de l'âge
du Bronze et durant le premier âge du Fer, le Launacien que J.Guilaine appelle
un épi-Bronze final, à une époque où les bronziers atteignent l'apogée de
leur art pour lutter contre la diffusion du fer dans le sillage des Hallstattiens.
Une étude exhaustive et critique de cette métallurgie et de la portée socioculturelle
des dépôts reste à faire ; les spectaculaires documents des Hautes-Alpes apporteront
de précieux éléments pour la connaissance de cette époque charnière dans l'évolution
des sociétés alpines.
Dépôts :
1 : Villar-d'Arêne ; 2 : Guillestre ; 3 : Bénévent ; 4
: Réallon ; 5 ; La Fare ; 6 : Savournon ; 7 : Beau-rières ;
8 : Ribiers ; 9 :L'Epine ; 10 : Ribeyret ; 11 : Savines.