LES ACTIVITES DANS LES VILLAGES

A - LES MAISONS

Les maisons sont constituées d'une ossature de poteaux de sapin, orme, frêne ou hêtre, plus ou moins profondément enfoncés dans le sédiment lacustre, qui soutiennent une charpente liée par des cordes et garnie d'une couverture végétale ; les murs sont formés d'entrelacs de branches maintenant serrées mousses et herbes.
Ces habitations étaient construites directement sur la plage, sans l'intermédiaire d'un plancher surélevé comme cela peut être parfois le cas pour certaines stations littorales. C'est une pièce unique et rectangulaire, d'environ 8 m sur 4 m, parfois prolongée d'un auvent couvert, largement ouvert sur les espaces libres entre les maisons. Autour d'une zone foyère centrale se plaçaient les travaux domestiques et des aires de repos ou de couchage recouvertes de branchages et de nattes. Les activités artisanales, la taille du silex, le dépeçage de la viande, travail du bois de cerf, etc., se tenaient plutôt sous les auvents et dans la cour centrale (Pl. 1 à 4).

Des "greniers" plus petits, de plan très irrégulier, complètent les habitations ; eux ont pu avoir des planchers surélevés pour une meilleure conservation des réserves alimentaires dans l'ambiance forcément humide de bord de lac (voir les plans 42 et 43) .

Une palissade entoure le village du côté de la terre, limitant une surface de 1500 m² protégeant des prédateurs les habitants et le bétail qui errait entre les constructions ; sa légèreté exclut toute vocation défensive.

L'étude de l'architecture a montré des maisons rectangulaires parfois prolongées par un "auvent" (Plan 44). L'existence d'un corps central d'habitation clos de murs est confirmée par la répartition sur le sol des vases fracturés : les tessons placés à l'intérieur de la maison se raccordent souvent entre eux comme se raccordent entre eux ceux des espaces ouverts (auvents, cours et ruelle) mais ces derniers ne s'assemblent pas avec ceux trouvés à l'intérieur des maisons, à de très rares exceptions près (Pl. 2).

A l'intérieur des demeures, l'éparpillement des restes n'est pas régulier et il est frappant de constater des zones pratiquement vides, le plus souvent le long des parois et à l'opposé des portes. Ce devait être des emplacements réservés au repos, au couchage sur des litières de petites branches de sapin qui furent retrouvées à la fouille. Ces litières ont été recouvertes de nattes en fibres végétales dont de nombreux fragments ont été dégagés du sol, en particulier dans la maison 2, le long de la paroi sud où il n'y avait partiquement aucun silex ou tesson.
Entre ces emplacements et autour des foyers les zones de circulation et d'activité près du feu conservent de nombreux objets entiers ou fracturés, et même quelques déchets (Pl. 1).

Une porte ouverte sur la ruelle dans la maison 3, vue par la disposition des pieux est confirmée par la répartition d'un vase. La répartition d'un autre vase nous en situe une dans la maison 2 ; elles s'ouvrent toutes deux sur le coté nord. Il en existait donnant directement sur les auvents et sur la cour comme l'indiquerait la répartition des tessons et d'autres restes (Pl. 2)

Près de chaque foyer est placée une meule accompagnée parfois d'un grand " polissoir " en grès que je considère être plus une table de travail culinaire que destiné à un polissage bien qu'il soit en molasse.

1 - Préparation des troncs et enfoncement des pieux

Préalablement coupé à la longueur nécessaire et ébranché en forêt le tronc était apporté au village, à bras d'homme car l'écorce, toujours conservée n'est jamais éraflée par un frottement quelconque sur le sol ; c'est parfaitement envisageable car un poteau de 8 m de long et de 12 cm de diamètre représente un poids de 40 à 70 kg selon la grosseur du tronc. En outre pour le bois abattu près du lac on peut envisager un transport beaucoup plus facile par flottage. La section du tronc était ensuite rendue plane à coups de hache, ce qui peut surprendre au premier abord. Mais son enfoncement s'en trouvait facilité car les Néolithiques profitaient avec intelligence d'une particularité du sol, celle de se ramollir sous la pression, comme les sables mouvants (thixotropie).

Pour enfoncer les pieux, il suffisait de crever un peu la croûte sèche de surface, de poser le poteau verticalement et de le faire tourner ; sous le poids et par le mouvement de rotation le sol se "liquéfiait" ; le poteau était "avalé" en quelques minutes, comme des essais nous l'ont montré. Une fois bloqué, impossible de reprendre le mouvement ni d'extraire le pieu qui est alors capable de subir de très grands efforts sans bouger. Les Néolithiques avaient remarqué que moins la surface portante était grande, mieux le pieu s'enfonçait: c'est pourquoi l'extrémité du tronc n'était pas conique ou en biseau (comme certaines extrémités le montrent pour des madriers non plantés) mais au contraire aplatie. Les pieux, enfoncés sur 3 à 4 m de profondeur, étaient toujours plantés à contre-fil, précaution pour ralentir le pourrissement.

B - LES HOMMES ET LEURS ACTIVITÉS

1 - Les hommes
C'étaient des hommes de type " caucasien ", comme disent les anthropologues, de race blanche, droitiers et comportant des blonds et chatain clairs. Ils faisaient partie de ces vagues venues d'Europe orientale au IIIe millénaire av. J.-C. et qui entrent dans la mouvance mal connue des Indo-Européens (Analyse des cheveux : Garson 1980 et 92, Coll.).

Certains vestiges qu'ils ont laissés, en particulier les vases, les rattachent aux civilisations qui se sont développées en Suisse occidentale et dans les Alpes du Nord à cette époque. Ils entraient, il y a 30 ans, dans le cadre de la civilisation Saône-Rhône et aujourd'hui ils ressortent du Néolithique final rhodanien … nuances de spécialistes !
Mais nous verrons qu'ils étaient loin d'être isolés au cœur des forêts dauphinoises.

Ils vivaient en famille : chacune avait sa maison, ses habitudes propres avec des goûts particuliers dans la forme des vases (Pl. 3 et 4), ses activités propres avec des outils particuliers, l'utilisation de l'espace domestique ou la nourriture.

Malgré les difficultés de leurs conditions de vie, les changements techniques ne les effrayaient pas car on les voit adopter rapidement de nouveaux outils, les microdenticulés pour la fabrication des fibres textiles par exemple.

La communauté procédait aux gros travaux collectifs d'aménagement de l'habitat et bien probablement aussi aux activités vivrières et artisanales : ceci sous l'autorité d'un " chef " que seule une marque extérieure différenciait, le port d'un " sceptre " (Pl. 25-2)…

On ne connaît pas leurs sépultures qui devaient trouver place en dehors du village.

2 - Un village parmi bien d'autres
Bien qu'aucun autre site préhistorique n'ait été retrouvé dans la région du lac de Paladru, les pollens recueillis dans les carottages et les déboisements pratiqués dans les forêts témoignent sans ambiguïté, que depuis 3500 av. J.C. environ, des paysans étaient présents autour du lac. Une baisse prolongée mais récente du niveau du lac a permis, au cœur du IIIe millénaire, l'installation de maisons de bois sur la rive même, où elles furent bien conservées par la montée des eaux peu après leur abandon.
L'impact des hommes sur les forêts voisines laisse penser que d'autres villages avaient eu recours aux mêmes sources de bois pour leurs constructions durant les 50 ans qui ont précédé l'installation sur le rivage du lac (cf. l'exploitation des forêts et l'utilisation du bois).

3 - Les activités diverses dans le premier village
Tous les éléments que nous avons considéré, structure architecturale, position des foyers et les zones de travail et d'activités diverses que nous allons voir, permettent de reconstituer les activités dans le village au cours de la première phase d'occupation. Bien qu'incomplets, les éléments dont nous disposons pour la deuxième occupation montrent qu'elles étaient sensiblement identiques.

Les structures architecturales du deuxième village étant assez mal assurées, nous n'avons pas fait de répartition des objets.

Les silex
Comme le montrent clairement les plans, les outils de silex sont également répartis entre l'intérieur des maisons, les auvents et les cours ce qui paraît normal en tenant compte de leur usage fort varié (Pl. 1).

Nous avons vu que le silex local était largement utilisé, mais façonné sans beaucoup de soin. Sous l'auvent de la Maison 3 de la première occupation, un petit atelier de taille était réparti sur moins d'un mètre carré : il comportait plus d'une centaine de gros éclats (>1cm) et d'autres plus petits, une pointe de flèche cassée, un outils denticulé, un racloir biface et un large racloir.
Le matériau en était très reconnaissable avec des inclusions blanchâtres et il semble différent du silex gris homogène habituel ; je pense à un silex non autochtone de bonne qualité avec lequel divers outils ont été confectionnés, sans comprendre pourquoi on les retrouve avec les éclats.

Avec les silex il y avait un percuteur long et bipolaire en quartzite (Pl. 1-5).

Les vases
La dispersion des tessons permet matérialiser l'existence des parois de maison : les vases éclatés sont soit à l'intérieur soit à l'extérieur et parfois quelques tessons s'échappent là où doit se trouver une porte. Ainsi les pièces centrales communiquent avec l'auvent, sur la ruelle ou vers la cour nord (Pl. 2).

La plupart des vases ont été cassés à l'intérieur des maisons : la répartion suivant la forme et la dimension est significative de leur utilisation domestique (Pl. 3 et 4).

La forme des vases est adaptée à leur fonction mais subit aussi les influences de la mode et du goût de leur fabricant ou de leur utilisateur.
Leur étude statistique montre que chaque famille avait ses préférences pour certaines formes.
L'exemple des maisons 2 et 3 de la première occupation est démonstratif avec les bols: dans la maison 2 il y a 64% de bols tronconiques et 36% de bols globuleux alors que dans la maison 3 la proportion est inverse, respectivement 28% et 72%.
La maison 3 préfère aussi les récipients de stockage en forme de tonneau (27%) par rapport à la maison 2 (13%). Dans d'autres cas et pour d'autres vases les pourcentages varient mais jamais dans de telles proportions (Pl. 3 et 4)

A l'intérieur même des traditions techniques collectives qui changent suivant les régions et les époques, chaque famille montre donc des goûts spécifiques pour ses récipients ; comme aujourd'hui les "services de vaisselle" étaient très personnels...

Le textile
Le tissage était davantage une activité d'intérieur. En effet, c'est autour du foyer de la maison 2 que se regroupent la plupart des accessoires liés à cet artisanat: peigne de tisserand, fusaïoles et galets à encoches. Il est fort possible que cette maison était spécialisée dans le tissage (Pl. 10).
Lors de la deuxième occupation, le même phénomène de regrou-
pement de l'artisanat du textile se retrouve dans une maison au
sud-est du village, dont le plan précis n'a pas pu être dressé.

La viande

Le dépeçage des animaux comme le débitage des morceaux
étaient localisés sous les auvents et dans la cour entre les maisons,
en particulier pour les gros animaux, cerf, sanglier, porc (Pl. 5, 6
et 7
). Les restes de faune domestique, plus petite, sont parfois
laissés autour des foyers comme dans les maisons 1 et 2 (Pl. 6).

Cette constatation est riche d'enseignement pour connaître la
façon de manger des habitants. On sait qu'il y a très peu d'os
calcinés et seulement sous la forme de petits morceaux : la viande
ne devait pas être grillée. Ce que l'on vient de voir pour la répartition
de faune le confirme, car la chair était détachée des os à l'extérieur
puis mise à cuire dans des vases remplis d'eau avec les pierres de
chauffe.

Le travail du bois et les copeaux
Les copeaux et les pièces portant de traces de travail (Pl. 8 et 9) doivent tous deux avoir un comportement voisin au cours du temps, surtout si on évoque un tri par l'eau lors d'inondations éventuelles.

Si les bois travaillés sont répartis assez régulièrement (la maison 3 en possède peu mais c'est la première zone fouillée et il est fort probable que bien des éléments n'aient pas été récupérés), les copeaux ont une très forte densité dans la cour est, près du déversoir du lac (Pl. 9).

Cette constatation est pleine de sens car le débitage et la mise en forme des bois de construction ou d'aménagement a eu lieu en un point bien précis du village, là où les troncs flottés devaient arriver. J'ai déjà dit que les arbres possédaient tous une écorce intacte ce qui signifie qu'ils ont été peu traînés sur le sol donc portés à bras. Cette dernière constatation ajoute encore une précision : ils sont arrivés par flottage. Les rives du lac devaient suffisamment être couvertes de forêts pour satisfaire à la demande des constructions.

La ruelle, les espaces nus près du lac et vers l'intérieur des terres ne semblent pas avoir été le lieu de grandes activités : au sud du village, entre les habitations et la palissade, le peu de vestiges découverts laisse penser que ces surfaces servaient à parquer le bétail. Mais l'étude de la répartition des coprolithes montre que ceux-ci se retrouvent aussi en grande quantité dans les maisons : il ne faut pas en conclure que les animaux cohabitaient avec les hommes mais que les déjections fraîches étaient transportés par les pieds : ceci permet de concevoir que les Néolithiques n'avaient pas la même conception de l'hygiène et de la propreté que nous...

Le travail du bois de cerf
La production de pièces en bois de cerf a du être très importante quand on considère le nombre des cerfs abattus au cours des deux occupations. Je pense que de véritables ateliers de fabrication de gaines ou autres outils ont été à la base d'une richesse de la communauté ce qui lui a permis d'acquérir d'autres biens de consommation que d'autres produisaient (silex importé, vases, parures, etc.).

Malgré la mauvaise conservation du bois de cerf, on retrouve des traces de ce travail dans les cours et sous les auvents : c'était donc une activité extérieure aux maisons (Pl. 13).

Ceci permet de penser que les Néolithiques n'avaient pas la même conception que nous de l'hygiène et de la propreté... Mais souvenons-nous des habitudes rurales d'il y a quelques siècles !

Des habitudes familiales
Deux maisons ont été entièrement fouillées dans le premier village, les maisons 2 et 3 d'une surface et d'une durée d'occupation similaires, où les statistiques montrent des différences nettes sur la forme des vases et la catégorie des outils de silex. Les résultats qui apparaissent sur les histogrammes sont démonstratifs.

Pour un mode de vie semblable, deux familles utilisent des récipients "à manger " identiques mais dans des proportions distinctes : nous y voyons des goûts ou des habitudes familiales particulières pour un même usage. La panoplie des outils de silex est aussi dissemblable mais là on peut imaginer des activités différentes dans chaque maison.

L'économie
Ce système d'habitat semi-permanent et cyclique s'explique par une agriculture de type horticole, pratiquée par culture en sillon après brûlis sur des terres lourdes et argileuses, au moyen de courtes pioches en bois de cerf ; les sols se trouvaient ainsi épuisés rapidement. Quand le finage environnant n'avait plus un rendement suffisant pour alimenter le groupe, il fallait partir et reconstruire le village quelques kilomètres plus loin, au milieu de terres vierges ou régénérées par la végétation après un abandon antérieur.

Donc, voyant se rapprocher l'échéance de trop faibles récoltes, certains membres de la communauté allaient édifier un nouveau village puis toutes les familles déménageaient deux à quatre ans plus tard ; l'organisation sociale est bien au point pour l'exploitation optimum du territoire et la continuité dans la production agricole.

Les habitants profitaient de toutes les ressources de la forêt pour la chasse (50 à 55% de cerf dans l'alimentation carnée) qui complètent l'élevage du porc, du mouton et de la chèvre avec très peu de bovins car les parcelles étaient ouvertes seulement pour la culture et non pour la production de foin. La cueillette de fruits (pommes, noisettes, prunelles, mûres, etc.) servaient de complément à la récolte de l'épeautre, de l'orge, du pavot, du coqueret. Diverses fibres végétales étaient aussi ramassées et traitées qui s'ajoutent au lin pour les tissus, nattes, ficelles, fils ou cordes. Tout laisse penser qu'ils se nourrissaient bien avec une ration de viande estimée à plus de 200g par tête et par semaine…

Le commerce
Importé déjà dans le premier village, ce remarquable silex devient abondant dans le deuxième : sur 69 pièces au total, seules 4 proviennent du sol inférieur. En moins d'un demi-siècle, il s'en est passé des modifications dans le commerce à Charavines ! On en ignore la cause : augmentation des productions de Touraine, diminution du coût et/ou meilleure diffusion du produit, amélioration des possibilités " d'achat " en nord Dauphiné ? Peut-être un ou plusieurs de ces facteurs mais, de toutes façons, cette énorme différence est significative d'un grand changement.

La vie quotidienne
On dispose de documents suffisants pour imaginer les jours de ces paysans, éleveurs et chasseurs soumis aux travaux saisonniers du travail de la terre, aux nécessités immédiates de la nourriture comme la fabrication des galettes de céréales et la cuisson de la viande ou des bouillies, de la recherche du granit et de la molasse pour les meules, de l'argile pour les récipients, des végétaux pour les fibres textiles, du bois d'essences variées pour réparer les murs, les toits, faire des manches ou des ustensiles et bien d'autres choses encore… Si le silex pour les outils divers, souvent frustes, provenait des alluvions morainiques voisines, ceux de bonne qualité étaient taillés dans du matériau importé venu parfois de très loin.

Des activités rémunératrices, source de mieux vivre…
Possédant une haute technicité dans l'artisanat du bois, de la vannerie, du textile, les habitants de Charavines tiraient de leur savoir-faire des productions qu'ils échangeaient avec leurs voisins, plus ou moins proches, pour acquérir ce qu'ils ne pouvaient ou ne voulaient pas fabriquer, que ce soient des biens indispensables ou même du superflu.

En effet nous avons pu montrer que les villageois ne se contentaient pas de subvenir à leurs seuls besoins. La présence de très nombreuses cuillères et de leurs ébauches en if témoignent d'une fabrication intensive de cet ustensile, si rarement découvert dans des sites semblables. La confection des tissus, de qualité encore inconnue à cette époque puisqu'on a un vrai velours, est prouvée par la quantité anormale d'outils de silex spécialisés dans le nettoyage des fibres textiles, les microdenticulés et aussi par le nombre tout autant anormal des pelotes de fil (la navette semble inconnue) et de peignes à tisser en buis.

La fabrication de certains récipients en terre cuite était aussi une spécialité de Charavines, ceux en pâte fine et lustrée, beaucoup plus abondants ici que sur d'autres sites des Alpes et de Suisse occidentale ; ils imaginent des formes tout à fait uniques à cette époque comme les vases à goulot dont l'inspiration vient peut-être d'Italie.

A Charavines étaient donc produits des tissus extraordinaires, des cuillères efficaces et des vases de prestige dont l'échange permettaient d'acquérir des objets d'utilisation courante mais encore des matériaux de grande qualité venus de très loin… Cette richesse se retrouve avec l'ambre de la Baltique, le silex venu du Grand-Pressigny en Touraine, les haches en roche verte du Val d'Aoste, une perle en cuivre et un grand vase du Languedoc, des vases venus de l'ouest de la zone culturelle d'Artenac, une hache-marteau de Suisse occidentale et probablement de bien d'autres productions…

Ce commerce n'était pas à sens unique puisqu'on sait encore que des récipients en terre cuite fabriqués à Charavines sont exportés à Chalain dans le Jura et à Sutz au bord du lac de Bienne en Suisse.

Les deux villages de Charavines étaient inclus totalement dans la vie de l'Europe à une époque où se multipliaient entre les communautés, encore peu nombreuses mais actives, des échanges tant commerciaux que techniques ou culturels.

Textile

Dans la seconde occupation il y a une augmentation des fusaïoles discoïdes (B3 : 20% ; B1 : 40%), à plan convexe (B3 : 20% ; B1 : 27%) et concavo-convexes (B3 : 8% ; B1 : 17%). Par contre, il y a une diminution des fusaïoles elliptiques (B3 : 16% ; B1 : 6%) et biconvexe (B3 : 22% ; B1 : 5%).(Fig. 8).

C'est dans la cour est et les maisons du premier village que l'on trouve la plus grande diversité des formes et les plus fortes densités. La cour nord ne contient que des fusaïoles biconvexes et la ruelle qu'une forte densité de fusaïoles à plan convexe (Fig. 9).

Il est dangereux de commenter l'évolution de l'artisanat du textile entre les deux occupations en raison du nombre relativement faible d'objets recueillis lors de la fouille (Fig. 1). Les ficelles dominent nettement dans les deux occupations (B3 : 58% ; B1 : 44%), suivies des cordes en B3 (25%) et des pelotes de fil en B1 (17%) .

Les densités les plus importantes sont à l'extérieur des structures, dans les cours est et nord et dans la ruelle du premier village (Fig. 2).

Dans le premier village, les plus fortes densités de ficelles sont dans les cours nord et sud et dans la ruelle. Pour les cordes, les densités les plus élevées sont dans la cour est et dans une moindre mesure dans les maisons 4 et 1 (Fig. 3).

Voir les Histogrammes des cordes et des ficelles par emplacement dans le premier village

nombre et pourcentage par couche dans le premier village. Fig. 4.
Le pourcentage des microdenticulés augmente très fortement dans la seconde occupation (B3 : 23% ; B1 : 82%). Cela traduit un changement radical dans l'artisanat du textile : augmentation de la fabrication ou nouvelle technique de préparation des fibres.
A l'inverse on observe une diminution nette du pourcentage des fusaïoles et des fuseaux : cela confirme-t-il une nouvelle technique ?

nombre et densité par localisation dans le premier village. Fig.5
Les fusaïoles et les fuseaux présentent de fortes densités dans la cour est et dans les maisons. Les fuseaux ont également une forte densité dans la cour nord. Les peignes sont uniquement présents dans les maisons ce qui pourrait signifier que le tissage est une activité d'intérieur. Les microdenticulés sont aussi bien présents dans les cours, la ruelle que dans les maisons : le grattage et le nettoyage des fibres peut se pratiquer n'importe où.

nombre et densités par emplacements dans le premier village. Fig.
6.)
C'est la maison 1 et, dans une moindre mesure, les cours est et nord qui réunissent les plus fortes densités de microdenticulés et de fuseaux. Les fusaïoles ont de fortes densités dans la maison 2, la cour est et la maison 1. Les activités liées au textile semblent donc surtout localisées dans la cour est et nord et dans les maisons, la 1 étant plus spécialisée dans le textile.

C'est la maison 1 et, dans une moindre mesure, les cours est et nord qui réunissent les plus fortes densités de microdenticulés et de fuseaux. Les fusaïoles ont de fortes densités dans la maison 2, la cour est et la maison 1. Les activités liées au textile semblent donc surtout localisées dans la cour est et nord et dans les maisons, la 1 étant plus spécialisée dans le textile.

nombre et densités par emplacements dans le deuxième village. (Fig. 7).
La cour contient beaucoup d'éléments liés à l'artisanat du textile mais relativement peu de fusaïoles : le filage était une activité domestique dans les maisons. Les microdenticulés ont une forte présence dans les maisons, en rapport avec la mauvaise saison : le rouissage se termine à la fin de l'automne et le raclage des fibres deavit se faire à l'abri, près du feu. Le tissage avec les pelotes (on n'a pas de navette) se passe aussi à l'intérieur.

La maison 21 B est relativement bien fournie en fusaïoles et très fournie en pelotes, alors qu'elle ne semble pas vouée à d'autres activités que le filage et le tissage. Est-on en présence d'une spécialité des occupants ?

 

4 - APPROCHE DES ACTIVITES PAR LA DENSITE DES VESTIGES

Seule la couche inférieure est étudiée car les structures du deuxième village sont trop mal assurées pour que les résultats y soient significatifs.

Occupation des différentes parties du village et hygiène collective

La majorité des activités se répartit soit dans les maisons pour le travail à l'abri, soit dans la cour est et les auvents pour le travail en plein air.
nnnn1 - Les cours nord, près du lac, et sud, entre les maisons et la palissade, sont très pauvres en vestiges dont la densité est toujours inférieure à la moyenne du site sauf les restes osseux abondants dans la cour nord à mettre en liaison avec la présence d'un gros dépotoir. La cour sud est particulièrement vide.

nnn2 - Dans la cour est on a peu taillé le silex et beaucoup d'outils ont été utilisés attestant de nombreuses et diverses activités ; la faune aussi très bien représentée montre des aires de "boucherie" que la fouille a parfois retrouvé.

nnn3 - La ruelle est assez hétérogène avec beaucoup de silex, éclats et outils, galets à encoches et graines mais peu de vases et peu de faune.
Le silex était abondamment taillé dans les maisons 1, 2 et 4, et peu dans la maison 3 ; les outils de silex ont servi surtout dans les maisons et sous les auvents.

nnn4 - Les galets à encoches sont surtout présents dans les maisons et sous les auvents ; leur emploi comme poids de métier à tisser est donc justifié. Les fusaïoles utilisées pour le filage, se localisent aussi dans les bâtiments à l'exception de la maison 4 ; pour quelle raison?

nnn5 - Pour l'alimentation graines et fruits sont plus abondants, ainsi que la faune consommée, dans les maisons sauf pour la maison 4. Celle-ci pose un problème car le nombre de restes divers est toujours très inférieur à la moyenne. Ceci s'explique probablement par sa faible durée d'existence qui n'a pas dépassé une dizaine d'années. Par contre la maison 1 que l'on sait ne plus être en service en l'an 18 a dû durer plus longtemps.

On remarque l'abondance anormale des noisettes dans la maison 2: on l'a bien à la fouille où des milliers de coquilles étaient regroupé autour du foyer sans qu'on en explique la raison, si tant est qu'il en ait une autre que la gourmandise des occupants...

nnn6 - Une surprise de taille dans la gestion de l'espace du village: la densité des excréments que l'on s'attendait à trouver maximale dans la cour sud, entre les maisons et la palissade, est très faible (0,20) alors que c'est dans les cours nord et est et à l'emplacement de la maison 1, abandonnée assez tôt comme on l'a vu, qu'elle est la plus forte et de beaucoup (2,67).
Même si ces chiffres sont atténués par le fait que la cour sud est un point haut qui a plus fortement subi les effets de l'érosion, la différence reste significative.
Cela veut dire que le cheptel stationnait entre les maisons et le lac sur un terrain réduit alors que la place ne manquait pas au sud.
La densité est normalement plus faible dans les maisons, sous les auvents et dans la cour est où se déroulait la plupart des activités.
Pourtant elle n'est pas nulle : ceci ne veut pas dire une cohabitation animal-homme mais seulement que les excréments frais étaient déplacés avec les pieds. L'hygiène et la propreté n'étaient la préoccupation majeure des habitants...

Sans la pesée précise des excréments, isolés minutieusement dans les sédiments, une telle constatation n'aurait pas été faite, qui oblige à réviser les hypothèses émises sur de nombreux sites comparables à Charavines, hypothèses non fondées sur une fouille fine et exhaustive mais sur des raisonnements logiques. En archéologie une bonne raison ne remplace jamais une bonne observation...

 

 

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Liste des vestiges
Accumulation
de mandibules de cerf dans la cour.
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Bibliographie

L'appel de la bibliographie se présente sous deux aspects :
nom et année
à retrouver dans la bibliographie générale,
ou nom, année suivi de " Coll. " (collectif) se trouve dans la liste Collectif 2005, dans la Bibliographie. Cette liste regroupe toutes les études non publiées.

Pour enfoncer un pieu dans la craie lacustre en profitant de la tixotropiedu sédiment
Céramique fine et lustrée
Extrémité inférieure de pieu aplatie pour en réduire la surface afin de faciliter son enfoncement par tixotropie
L'analyse de ce tableau est démonstrative pour mieux cerner et comprendre les aires d'activités.
Percuteur bipolaire en quartzite