A Charavines, les analyses de pollens déposés avant, pendant et après la présence des hommes au bord du lac ont permis de définir l'environnement végétal naturel et ses modifications par l'activité humaine. Les 81 espèces de graines (K. Baudais-Lundstrom, Coll.)extraites des couches d'habitat nous éclairent aussi par de nombreux détails sur les pratiques agricoles, les modes de cultures ainsi que sur la cueillette.
Ecobuage et brûlis
La préparation des sols à cultiver est obtenue par l'écobuage, où les arbres abattus étaient calcinés sur place, vraisemblablement sans que les souches aient été arrachées au vu des des outils disponibles comme les pioches en bois de cerf. Par la suite la culture se faisait sur "brûlis", c'est à dire que les tiges, paille ou herbes étaient brûlées après la récolte pour fertiliser le sol.
A Charavines une tourbière située à 400 mètres au sud-est du village des Baigneurs, au bord du déversoir, en amène la preuve. En effet il existe quelques niveaux stériles sans spores ni pollens, détruits par le feu mais avec de nombreux petits fragments de charbons de bois montrant la combustion des végétaux ; ces niveaux sont recouverts de tourbe qui contiennent à nouveau des pollens de céréales et quelques pollens d'arbres témoins de la végétation présente après le brûlis. Ces accidents dans l'environnement végétal pourraient bien correspondre à l'occupation et aux activités des villages sucessifs, au bord du lac ou non.
L'écobuage ou le brûlis livrent des sols qui perdent rapidement leur fertilité s'ils ne sont pas ouverts par des labourages assez profonds. Or le seul outil aratoire à Charavines est la pioche courte en bois de cerf qui ne pénètre pas beaucoup, griffant seulement la terre.
A cette époque les hommes connaissaient l'araire dans d'autres régions (Aoste, Italie, etc.) mais les terres lourdes et compactes de Charavines comme la persistance des souches en empêchaient probablement l'emploi. Ainsi trop légèrement pénétrés et aérés les champs étaient épuisés en quelques années, cause du déplacement rapide des zones de culture autour de l'habitat.
Les terres ainsi abandonnées pendant la vie même du village étaient recolonisées par les noisetiers puis par les feuillus comme le montre les diagrammes de pollens. C'est ce qu'on a coutume d'appeler la "jachère-buisson". Quand toutes les terres cultivables aux alentours n'étaient plus suffisamment fertiles, les habitants partaient tous s'implanter au cur d'un nouveau terroir, nous l'avons vu, à quelques kilomètres de là. Après plusieurs dizaines d'années d'abandon, la forêt nouvelle ayant régénéré le sol et déposé sa couche d'humus, un autre cycle de culture était alors possible après essartage, expliquant le retour des paysans au bord du lac.Une agriculture de type horticole
Le mode de culture ne favorisait pas non plus le rendement agricole. Les mauvaises herbes, dont 17 espèces ont été déterminées, donnent une image qui ressemble peu à celle que nous associons aujourd'hui aux champs de céréales. Les espèces les plus fréquemment retrouvées sont, de nos jours, liées aux cultures sarclées et aux jardins. De plus il manque les mauvaises herbes présentes dans les champs céréaliers d'hiver ce qui laisse supposer que l'ensemencement avait lieu au début du printemps et non à l'automne.
A Charavines la quantité de graines de mauvaises herbes est très faible comparée à celle d'autres sites néolithiques suisses ou jurassiens. Cela s'explique par le sarclage mais aussi par la culture sur brûlis. En effet pour les champs qui ont subi ce traitement préparatoire il y a destruction radicale des plantes qui ne repoussent pas avant quatre ou cinq ans. Donc les récoltes issues de ces champs brûlés et exploités sur de courtes durées introduiront peu de mauvaises herbes, ce qui est le cas ici.
Deux procédés agricoles expliquent la flore parasite retrouvée à l'intérieur des villages: le sarclage intensif et la culture sur brûlis.
En outre l'analyse des graines recueillies dans les sédiments du site prouvent que les cultures se faisaient dans une sorte de sous-bois très éclaircis et non dans des champs complètement déboisés et ouverts.
Quel était le rendement de cette culture ?
De type plus horticole que vraiment agricole: très approximativement il pouvait atteindre 1 pour 4 ou 1 pour 5, qui est celui des cultures primitives. On imagine le temps et les bras qui étaient nécessaires pour nourrir la communauté avec de tels outils et sur de tels terroirs et l'importance donnée à la cueillette se comprend mieux...La région du lac de Paladru présente un relief de collines molassiques, nappées de placages morainiques dont les pentes souvent fortes sont encore boisées et peu fertiles.
A l'époque néolithique les agriculteurs, comme ceux d'aujourd'hui, ne devaient pas mettre en culture les pentes supérieures à 25%. En outre, pour se rendre dans leurs champs et y travailler efficacement ils étaient astreints à ne pas dépasser une heure de trajet aller et retour, avec leurs outils et leurs récoltes sur le dos; ceci limite la distance à 2,5 km environ du village.
Avec cette pratique, conforme à celle des sociétés rurales primitives et compte tenu des surfaces inexploitables à cause de la pente et du lac, c'est une superficie de 200 hectares que les Néolithiques avaient à leur disposition.Rotation des terroirs et des villages
La région offre facilement des possibilités aux déplacements de toute collectivité quand les terres avaient perdu leur fertilité. Ainsi s'expliquent les diagrammes polliniques obtenus sur les sédiments lacustres qui indiquent des phases de déforestation et de culture suivies d'abandon dans les alentours du lac.
Les pollens de la tourbière de Chirens, à quelques six kilomètres à l'est, confirme des modifications semblables de l'environnement forestier et la présence de céréales au cours du 3e millénaire avant J.C; ce peut être aussi une zone occupée lors de la rotation des terroirs dans la contrée.
Durant ces périodes néolithiques en Bas-Dauphiné, les habitats se déplaçaient donc assez souvent en fonction de l'épuisement de la terre, compte tenu de l'outillage aratoire sommaire, du mode de culture et de la nature des sols lourds, argileux et pauvres. Les terres ne pouvaient être réutilisées qu'après leur régénération naturelle ce qui demandait à Charavines un délai de 40 ans environ, temps de l'abandon du site entre les deux occupations. Connaissant la durée d'un village, de 20 à 25 ans, on est en droit de supposer qu'entre les deux occupations la communauté a utilisé deux terroirs dans les environs, à moins qu'ils aient eu la chance de trouver des terres fertiles plus longtemps et qu'une seule implantation intermédiaire ait suffi pendant 40 ans.
Nous disposons de peu de preuves d'une occupation au début de l'âge du Bronze final (un hameçon en bronze et un pieu sur le site médiéval de Colletières). Il faut attendre l'époque gallo-romaine pour voir une implantation permanente autour de Charavines avec divers objets dont une statuette et une pirogue cassée trouvée au large du site des Baigneurs.3 - LES PLANTES CULTIVEES (voir botanique)
Trois variétés de blé étaient cultivées dont deux avaient leurs gerbes ramenées dans le village après la moisson : l'amidonnier (Triticum dicoccum) qui est ici la plus abondante des céréales et le blé tendre (Triticum aestivum). Une autre, l'engrain (Triticum monococcum), plus primitive et plus fragile, était battue sur place après la coupe des épis car cette variété laisse échapper ses graines et ne supporte pas le transport. C'est ce que signifie l'absence de ses glumes dans le village ; en outre les niveaux de la tourbière voisine dont nous avons parlé, contiennent parfois des pourcentages anormalement élevés de pollens de céréales (16%) traduisant le battage sur le lieu de la récolte.
L'orge (Hordeum vulgare) entre pour une part très faible des récoltes.
Les épis seuls étaient coupés, ramenés et stockés puis battus au fur et à mesure des besoins car, sous un climat assez humide, ils risquent moins de se détériorer que les graines nues.
D'autres espèces étaient semées: le pavot (Papaver somniferum) dont les graines écrasées donnent l'huile d'illette et aussi peuvent servir à confectionner des galettes (les pays de l'Est européen en font encore des pâtisseries). Le petit pois (Pisum sativum) sous une forme primitive de faible taille et le lin (Linum usitatissinum) qui fournissait des fibres textiles car son huile n'est pas comestible.
Les graines du coqueret (Physalis alkekengi) sont tellement abondantes que l'on évoque la culture de cette espèce qui fleurit aujourd'hui dans nos jardins sous le nom "d'amour en cage".B - LA CUEILLETTE (voir botanique)
Si les agriculteurs néolithiques cultivaient les céréales et d'autres végétaux, une bonne part de leur nourriture était fournie par la cueillette de fruits, baies et plantes des buissons et des arbres. C'est une évidence que les stations immergées, en Suisse tout particulièrement, ont démontré depuis plus d'un siècle.
A Charavines, certains fruits ou graines étaient ainsi ramassés en grande quantité comme les pommes, noisettes, petits pois, bogues de hêtre (qui fournissent les faines) et prunelles, d'autres moins fréquemment : noix, vigne sauvage, pigne de pin arole, mûres, fraise, carotte, etc. Pour mieux être conservées les pommes étaient coupées en deux et probablement séchées. L'abondance peu commune des pépins indique bien l'importance que ce fruit devait tenir dans l'alimentation et probablement pour les réserves hivernales.
Curieusement les derniers occupants ont moins mangé de noisettes que les premiers et parmi ceux-ci, la famille de la maison 2 en a consommé 7 fois plus que celle de la maison 3... Goûts alimentaires pas toujours identiques ou diminution du nombre des noisetiers ?
La présence de noix a posé problème même aux spécialistes d'archéo-botanique; beaucoup pensaient que la noix arrivait tardivement aux époques historiques. Pourtant bien des palynologues en voyait les restes sur leurs lames, toujours en faibles quantité que d'autres attribuaient à une pollution des prélèvements. Or à Charavines nous avons des pollens de noyer, des noix et aussi une petite planchette en noyer ; la preuve est ainsi faite que cet essence existait déjà à la fin du Néolithique dans la région.
Les pignes du pin arole (M. Sillanoli 1978, Coll.) soulèvent aussi des questions car ce pin ne se développe qu' à haute altitude donc loin des collines du bas Dauphiné; leur relative rareté laisse penser qu'elles ont été cueillies comme "friandise" lors d'incursions en Chartreuse qui est le massif le plus proche ayant pu en fournir.
Les glands, nombreux, ont dû servir surtout à la nourriture des porcs mais pouvaient aussi être utilisés dans l'alimentation humaine, dans une proportion faible car le tannin qu'ils contiennent est très irritant pour l'intestin même après cuisson.
Les plantes aquatiques comme les nénuphars blanc et jaune, les joncs fournissent des graines comestibles; pourtant elles n'ont pas été apportées toujours intentionnellement dans le village puisque ces plantes poussent sur les rives du lac.
De nombreuses graines de charme et de tilleul peuvent provenir de la récolte de feuilles qui servaient de fourrage au bétail.
Certaines naturellement vénéneuses deviennent comestibles après cuisson et préparation comme les fruits du cornouiller, de la viorne et du houx. D'autres baies comme celles de l'if, toujours toxiques, sont probablement arrivées dans le village avec les bois utilisés pour fabriquer les cuillères et les arcs ou avec le fourrage.Avec la connaissance précise qu'ils avaient des ressources forestières les Néolithiques de Charavines consommaient certainement des champignons mais les seuls restes trouvés sont ceux de l'amadouvier (Fomes), non comestible mais utilisé comme amadou et conservé intentionnellement pour la production du feu.
Parmi les graines reconnues dans les couches d'occupation, certaines appartiennent à des plantes médicinales comme l'origan (ou marjolaine), le thym, l'églantine, le millepertuis, le grand plantain, la bardane à petite tête, la viorne obier. Mais elles sont aussi comestibles, comme peuvent être médicinales d'autres classées dans les espèces alimentaires (fraise, mûre, carotte, vigne, prunelle).
Reste le problème du pavot cultivé ; les Néolithiques avaient peut-être découvert les vertus sédatives et antialgiques de la décoction de fruits. En connaissaient-ils aussi l'usage comme stupéfiant?
Les baies noires et vénéneuses du sureau yèble ont dû servir à la teinture des tissus.A Charavines la subsistance et vraisemblablement les soins médicaux dépendaient étroitement de la récolte de nombreuses espèces végétales, dont la liste témoigne des connaissances que les agriculteurs néolithiques avaient de la nature.
Le début de l'arboriculture
Nous sommes en mesure d'aller plus loin. En effet dans les forêts, pommiers et noyers sont très rares. Il est donc possible que ces arbres aient été épargnés lors de l'essartage et qu'ils se sont fortifiés, bien ensoleillés au milieu des champs, donnant alors des fruits, encore sauvages, mais de bonne taille: ce serait le début d'une proto- arboriculture.
Nous savons aussi que les chênes n'ont jamais été utilisés dans les constructions (seule une pirogue est en chêne) alors que les glands sont particulièrement abondants sur le sol du village, sans compter tous ceux dont les porcs se sont régalé à la glandée... Eux aussi ont été ménagés.
Bien qu'à Charavines une bonne partie des déchets osseux soit rendue méconnaissable du fait des altérations subies, le spécialiste est arrivé à déterminer l'espèce animale pour plus de la moitié d'entre eux. Toutes les espèces utilisées par les Néolithiques n'ont pas été reconnues car seules les plus grosses ont été mieux conservées et non les oiseaux, les lapins ou autre petit gibier.
Les éléments dentaires ou osseux sont trop abimés pour donner lieu à des statistiques sur l'âge des animaux lors de leur mort, permettant de dire si le bétail était exploité pour la boucherie ou pour le lait, si les jeunes étaient plus utilisés que les adultes etc... La viande était-elle consommée fraîche ou mise en réserve en totalité ou en partie ? Le séchage, le boucanage ou le fumage devaient être vraisemblablement pratiqués pour les stocks hivernaux mais nous n'en avons aucune preuve.Quelle était la ration de viande?
Dans le village de Charavines dont nous connaissons la durée de l'occupation et le nombre très probable des habitants, essayons d'évaluer la quantité de viande consommée. Sur la base du nombre minimum d'animaux déterminés dans la zone fouillée, de 50 personnes au maximum et de 25 ans de présence la ration de viande atteint un minimum de 280gr par semaine, enfants compris.
Pour ce calcul nous avons retenu la deuxième occupation dont les restes osseux sont les mieux conservés (510 animaux) avec les valeurs moyennes suivantes de viande sans les os : 120kg pour le buf, 45kg pour le porc et le sanglier, 35kg pour le cerf, 12kg pour le mouton et 10kg pour la chèvre (chiffres donnés par un professeur de boucherie).
Compte tenu que 30 à 40% des animaux n'ont pas été individualisés (324 pièces indéterminables), que la fouille n'a pas touché tout le village, que les paramètres retenus sont les plus faibles possibles et que l'importance du petit gibier et du poisson nous est inconnue, le chiffre minimum obtenu de 40gr par jour doit être augmenté dans une notable proportion : probablement 50 à 70 gr par jour.
Les Néolithiques du lac de Paladru avaient donc une alimentation carnée satisfaisante comparée à celle des Français, que l'on dit très bien nourris avec une moyenne de 80g par jour.
1 - Espèces animales (voir faune)Les restes de suidés n'ont pas été séparés car l'attribution précise entre porc et sanglier n'est pas toujours possible anatomiquement et l'hybridation est fréquente quand les porcs ne sont pas tenus isolés. Mais porcs et sangliers existent bien à Charavines. La même difficulté de reconnaissance existe entre chèvre et mouton et il existe une catégorie dite "ovi-capridé" dont nous avons pas tenu compte ce qui augmenterait sensiblement le nombre d'individus de ces espèces.
Outre les espèces principales cerf, mouton, chèvre, buf et suidés sont présents le renard, le blaireau, la martre rangés dans la catégorie "autre" avec le chien, l'ours et l'aurochs : la plupart sont des animaux à fourrure.Le cerf : chasse ou élevage?
Tout de suite l'abondance extrême du cerf étonne par rapport aux gisements contemporains d'Europe occidentale où il est le plus souvent inférieur à 30% du total de la faune consommée.
S'agit-il d'un problème de conservation des restes osseux et dentaires ; l'émail des dents de cerf étant plus épais que celui des autres espèces présentes ? Pourtant la différence des pourcentages ne saurait s'expliquer seulement ainsi.
Il faut envisager un comportement ethno-culturel particulier dans nos deux villages, soit la chasse "industrielle" pour la peau et les bois, soit l'élevage. En auraient-ils maîtrisé la domestication, qui d'après les derniers travaux de l'INRA ne présenterait pas de difficultés insurmontables ? Dans ce cas il y aurait transfert de la chasse à l'élevage "industriel".
L'exploitation systématique du cerf était-elle à l'origine d'un "commerce" des peaux dont il ne reste rien, ou des bois qui devaient être "exportés" bruts car sur le site les pièces en bois de cerf travaillées sont rares hormis quelques andouillers portant des traces de section ?
2 - L'ÉLEVAGEParmi les espèces domestiquées, à Charavines, le porc domine largement : c'est un animal robuste qui s'accommode de conditions difficiles et peut se nourrir seul en sous-bois de glands ou de racines, comme les sangliers. Un peu plus fragiles et difficiles sont la chèvre et le mouton, qui se satisfont pourtant de feuilles et de jeunes pousses dans les haies et les orées de forêt. Par contre le buf demande des pâturages durant l'été et du foin l'hiver.
Or il n'y a pratiquement pas de graminées dans les sédiments du site ce qui prouve l'absence de foin. Quant aux pâtures, l'analyse des pollens et des graines les attribue à des prairies "mouillères" c'est-à-dire aux rares espaces humides sur tourbière où les arbres poussent mal en bordure du lac. Ceci ne représente pas de grandes surfaces et surtout le fourrage produit est de très mauvaise qualité. Ainsi s'explique le très faible pourcentage de buf dans les deux niveaux d'habitat, les autres espèces pouvant se contenter des orées et des sous-bois.
Ceci est confirmé par les pollens contenus dans les excréments (A. Emery 1984 et H. Richard 1896, Coll.) qui ne proviennent pas d'herbacés mais d'arbres avec prédominance du hêtre, du houx, du sapin ; la présence de spores de fougères indique manifestement une pâture en forêt à certains moments de l'année.
En hiver les branches coupées durant la période de végétation étaient stockées avec leurs feuilles. Les animaux mangeaient feuilles, petites brindilles et écorce tendre, délaissant branches et branchettes qui servaient alors de combustible (le hêtre) pour les foyers. Cette pratique est encore en vigueur dans certains pays à économie pauvre comme la Yougoslavie, les champs étant réservés à la culture des céréales pour les humains et non au foin pour le cheptel.
Nous avons vu son surprise que le petit troupeau était maintenu entre les maisons et le bord du lac au nord du village.
La question se pose de la pratique de la transhumance vers les alpages dans les montagnes alpines. Mais quels vestiges archéologiques peut-il rester de cette activité ? La présence du chien est-elle en rapport avec le déplacement des troupeaux ou avec la chasse ?
Pourtant la palynologie apporte quelques indications. Des pollens contenus dans les excréments indiquent un ensemble végétal plus riche que celui des herbes croissant sur la tourbe mais ils n'appartiennent pas à la flore accompagnant l'ambiance forestière de Charavines, la hêtraie-sapinière ; on penserait plutôt à des prairies d'altitude, au-dessus de 1500m.
Comme celles-ci ne peuvent se trouver, au plus près qu'en Chartreuse à 25km de là, une forme de transhumance est envisageable, d'autant que les pignes de pin arole, déjà signalées, pouvaient en provenir.Et le lait ?
L'élevage fait penser aux produits laitiers ; qu'en était-il à Charavines ? Si certains sites néolithiques ont livré des faisselles en céramique il n'en est pas de même ici donc la fabrication du fromage n'est pas prouvée. Nous pensons pourtant qu'elle existait avec la présence des chèvres et des brebis et que l'égouttage du lait caillé pouvait être effectué dans des "tamis" en toile encore utilisés aujourd'hui.La santé du cheptel
Intérêt des sites subaquatiques et des recherches pluridisciplinaires
pour la connaissance des détails de la vie... L'il exercé d'un botaniste
a retrouvé un uf de Trichuris, parasite intestinal du bétail (A.
Bocquet et F. Mignot, 1979. Coll.).
Ce ver nématode infeste surtout le porc mais aussi les bufs, les
caprins, les ovins et les canidés. Se nourrissant du sang de l'animal,
celui-ci s'anémie et traîne longtemps un état de dénutrition. Les
troupeaux de Charavines n'étaient peut-être pas resplendissants car
les bêtes parasitées ne développent aucune résistance et la
contamination est facile, les ufs du parasite se conservant
longtemps dans les sédiments humides, ce qui était le cas au bord de l'eau.Dans les forêts proches du village proliférait le gibier que les hommes piégeaient ou tiraient à l'arc.
Un arc en if de 1,30 m de long et parfaitement conservé a été copié en vue d'expérimentation par le Dr Caillat : à 25 m de distance la flèche qu'il lance avec précision pénètre suffisamment dans un petit animal pour le stopper. Mais les cerfs ont-ils été tués de cette manière ?
La chasse du cerf est très importante et parmi les restes, l'absence de certains os (vertèbres, sacrum, etc.) laisse penser que seules les têtes avec les bois, les peaux et les meilleurs morceaux étaient ramenés au village.
C'est une chasse "industrielle", nous l'avons vu, nécessaire pour récupérer un matériau indispensable à la confection de nombreux outils comme les pioches, gaines de hache, poinçons, manches, etc; mais l'apport en viande de ce gros gibier est bien loin d'être négligeable... Les chevreuils, de capture plus facile et dont la viande aurait pu être appréciée sont relativement délaissés par rapport au cerf ; seuls les derniers occupants s'y sont un peu plus intéressés.
Très occasionnelles sont les captures de l'ours, de ce grand bovidé sauvage qu'est l'aurochs, du renard, de la martre, du blaireau.
La présence d'un bouquetin intrigue à Charavines car c'est un gibier de falaise et de rocher dont les plus proches sont à 25 km à l'est, sur le rebord de la Chartreuse; faut-il imaginer des raids de chasse aussi lointains ou bien a-t-il été apporté par ceux qui revenaient de transhumance ?
Les sangliers, souvent attirés par la présence des truies et destructeurs des cultures, étaient un peu plus chassés.Les pirogues et la pêche
Les eaux poissonneuses du lac fournissaient probablement un bon complément d'alimentation. Quelques vertèbres de poisson indiquent que la pêche était pratiquée peut-être avec des nasses (dont il ne reste rien) à partir de pirogues.
Les rares restes de filet découverts ne sont pas utilisables pour la pêche car ce sont des filets de portage; pourtant parmi les galets à encoches certains auraient pu servir à en lester.
Une pirogue en chêne de huit mètres de long, retrouvée sur le site, prouve des déplacements sur l'eau, pas forcément réservés à la simple promenade (nous n'avons pas eu les moyens financiers de la traiter donc nous ne l'avons pas extraite : elle a été détruite lors des sécheresses des années 80). Seule utilisation du chêne dans le village, elle était creusée à l'herminette dans un tronc de 80 cm de diamètre; d'une épaisseur de 7 à 8 cm, elles étaient renforcées par des nervures transversales réservées lors de la fabrication.Nous avons vu que plusieurs céréales étaient cultivées. Le blé, l'orge mais aussi d'autres graines comestibles peuvent être consommés sous forme de soupes ou de bouillies, sans autre préparation qu'une cuisson dans l'eau.
La présence dans les maisons de meules et de broyeurs à main, comme celle de nombreux fragments de galettes, montre que les céréales étaient aussi moulues pour séparer la farine du son en vue de la panification. Les études sur les galettes n'ont pas pu avoir lieu (le seul spécialiste suisse de la question étant décédé avant d'en entreprendre l'examen) et on ignore le taux de blutage de la farine, c'est à dire le pourcentage du son éliminé par tamisage mais l'examen direct semble en montrer seulement une faible proportion. Le pain n'était pas "complet" ce qui facilite la panification et enlève une cause de décalcification par l'extraction de l'acide phytique présent en bonne quantité dans la cuticule des céréales, comme des travaux récents l'ont montré.Confection du "pain"
Dans chaque maison il y avait une grosse meule pesant jusqu'à 100kg.De nombreux fragments de pâte levée et cuite permettent de comprendre le mode de fabrication du pain.
Une plaque de pâte de un à deux centimètres d'épaisseur était placée sur un galet préalablement chauffé et la cuisson (sous la cendre?) faisait craqueler légèrement la surface. Ces "petits pains" ronds et creux après enlèvement du galet de cuisson, avaient 8 à 10cm de diamètre.
Autre procédé utilisé : une plaque de pâte était modelée dans un panier plat puis placée sur une plaque de molasse chauffée. La galette ainsi obtenue était plus épaisse et d'un diamètre plus grand que les "petits pains".2 - PRODUIRE LE FEU POUR CUIRE ET SE CHAUFFER
De nombreux mythes ont entouré le feu dans l'Antiquité qui apportait beaucoup de soins à sa production et à sa conservation alors que nos allumettes ont depuis longtemps banalisé ce problème. C'est dire l'importance que devaient revêtir au Néolithique les moyens de le produire sans trop de difficulté. Et à Charavines, les paysans avaient tout ce qu'il fallait: le silex, la pyrite de fer et l'amadou. Pour s'en servir il faut le faire bouillir longtemps puis le sécher.
Cuisson des aliments
Il est très difficile de savoir si les viandes étaient cuites directement sur le feu. Très peu de fragments d'os présentent des traces de carbonisation mais généralement le grillage n'affecte pas la structure des os, et trouver la plupart de ceux-ci non calcinés ne constitue pas une preuve de l'absence des grillades. Ce procédé élémentaire et simple a été certainement employé.
Les pierres de chauffe
La cuisson par ébullition dans l'eau est indispensable pour les végétaux, possible aussi pour les viandes; elle nécessite des récipients en céramique dont des dizaines ont été utilisés à cette fin, ce qui se reconnaît par un encroûtement interne laissé par les aliments.
Nous avons vu que la cuisson de ces pots d'argile était mauvaise ce qui les rend inaptes à subir l'action directe du feu ou des braises. Pourtant ils ont été utilisés grâce à une pratique spéciale, la technique des "pierres de chauffe". Des galets de quartzite sont chauffés à blanc puis plongés dans le récipient où ils communiquent leur chaleur au liquide; il n'est que de renouveler l'opération pour entretenir la cuisson. Les restes de ces galets éclatés après leur utilisation, jetés sur le sol ou dans des dépotoirs, s'élèvent à plus de 14 tonnes alors que le village n'a pas été fouillé entièrement; ce chiffre illustre bien leur importance.La construction d'une zone foyère (voir Chapes N°37 et 38)
Evolution de la chape n°2 :
L'appel de la bibliographie se présente sous deux aspects :
nom et année à retrouver dans la bibliographie générale,
ou nom, année suivi de " Coll. " (collectif) se trouve dans
la liste Collectif 2005, dans la Bibliographie. Cette liste regroupe toutes
les études non publiées.