LA GROTTE DE LA BALME


LES UTILISATIONS DE LA GROTTE

Néolithique

Mis à part le côté est du vaste porche (le côté ouest étant occupé par le puissant ruisseau issu du lac) qui possède des vestiges du Paléolithique, il n'est pas d'emplacement favorable à un habitat de quelque durée par absence de lumière et avec une humidité maximum.
Les Locus I à IV, d'un accès trop acrobatique et de taille trop réduite pour être habitables, ont tous une couche supérieure avec des restes du Bronze final.
A part le Locus IV, tous possèdent des vestiges néolithiques et seul le Locus III est manifestement sépulcral. Un examen attentif des os a révélé la présence de l'extrêmité d'une pointe de flèche perçante, profondément enfoncée dans un os iliaque. Il n'y aurait pas d'os de femme. Cette séplulture collecive regrouperait donc les victimes d'un combat ; c'est un évènement assez rare pour être souligné.
Le Locus I et le Locus II recèlent un matériel néolithique final varié : céramique, outillage en bois de cerf et silex.
Le Locus II est le seul où de la céramique du Néolithique moyen est attestée mais la quantité de vases du Néolithique final y est importante et en l'absence totale d'ossements humains on s'interroge sur sa destination : réserve ou cachette de matériel et/ou de denrées ?
On peut se poser la même question pour les quelques vases du Néolithique final trouvés contre la paroi, près du Balcon du photographe.

Inhumations à la phase ancienne

A la phase ancienne du Bronze final le Diverticule du Lac contenait deux inhumations.
La Grande Sépulture, le Tableau électrique, la Montée du Calvaire et le Bar possédaient de la céramique de cette époque et aussi toujours quelques os humains (souvent des mandibules).

Dans la région alpine, des inhumations en grotte de la phase ancienne du Bronze final sont connues près de Grenoble (scialet des Vouillants à Fontaine) et au sud du massif de l'Isle Crémieu (Parmilieu, Cessieu), celles-ci à la transition Bronze moyen-Bronze final. Des inhumations en plein air existent aussi à Douvaine (Hte-Savoie), La Léchère-Petit-Coeur (Savoie) ou Crémieu-Notre-Dame-de-la-Salette (Isère) à 15 km au sud-ouest de la Balme (Bocquet 1997). Nous pensons donc qu'au début du Bronze final était pratiqué, dans la grotte comme ailleurs, le rite de l'inhumation.
On ne saurait pourtant pas affirmer que l'incinération n'était pas pratiquée en même temps que l'inhumation durant cette phase, comme le montrent les nombreux exemples du centre-est de la France (Pougues-les-Eaux, la Colombine à Champlay, etc.) ; simplement il n'est pas possible de mettre en évidence à la Balme des incinérations éventuelles.

Dépôts rituels ou funéraires à la phase moyenne du Bronze final ?

La grotte est marquée par l'abondance des restes de la phase moyenne dont trois groupements rassemblent la quasi totalité du matériel : la Grande Sépulture, la galerie du Tableau électrique et entre les blocs rocheux de la Montée du Calvaire. Ces accumulations de céramiques fines et grossières accompagnées d'ossements de faune domestique (sans traces d'ustion) dans des zones totalement inhabitables, sont-ils à destination votive ou funéraire ?

Les conditions rudimentaires de fouilles, faible éclairage à l'acétylène, sédiment collant très argileux, pas de tamisage, n'ont pas permis de retrouver traces d'os calcinés (mis à part de rares fragments récupérés au lavage dans l'argile enrobant certains tessons).
Nous avons vu que dans les trois zones de regroupement, il y avait déjà des inhumations à la phase ancienne (céramiques et os humains) et nous envisageons plutôt la persistance d'une utilisation funéraire aux mêmes endroits, accompagnant une continuité d'occupation.

Dans la plupart des zones ayant livré des vases de cette phase il a été remarqué la présence de terre charbonneuse noire, parfois grasse, que l'on attribue aux sédiments recueillis sous le bûcher.

De la terre semblable a été trouvée dans une niche au-dessus du dépôt de vases funéraires du même âge dans la Balme de Sollières, Savoie. On rapprochera cette observation de celle faite dans une tombe à incinération de la Colombine à Champlay (Lacroix 1955) où les urnes étaient placées entre deux dépôts de terre noire. Il en est de même pour les incinérations de la nécropole 2 du Gours-aux-Lions à Marolles-sur-Seine (Mordant 1970) dont les fosses contenaient de la terre noire.
Voici des exemples, parmi tant d'autres, concernant les deux premières phases du Bronze final qui appuient la possibilité d'incinération à la Balme malgré l'absence d'os brûlés.

A la phase moyenne, le dépôt d'urnes en grotte est connu dans le Sud-Est. En haute Maurienne, aux Balmes à Sollières-Sardières (Savoie), de nombreux vases dont des gobelets et des écuelles à épaulement étaient simplement posés sur les dalles rocheuses au fond d'une diaclase étroite à 10 m de profondeur, accessibles actuellement seulement par une échelle souple de spéléologie ; les vases, certains encore entiers, étaient simplement recouverts de la " poussière des siècles " lors de leur découverte (Chemin et Bocquet 1978).
Au-dessus du lac d'Annecy, une petite cavité inhabitable, le trou du Fortin à Veyrier-du-Lac (Haute-Savoie), contenait une abondante céramique fine et grossière ; elle s'ouvre à 1010 m d'altitude dans la falaise et son accès est difficile (Hubert et Ginestet 1976).
Dans la grotte de Baume Sourde à Francillon (Drôme) des incinérations avec une abondante céramique de la phase moyenne ont été identifiées dans une cavité impossible à habiter à cause d'une hauteur libre insuffisante (Cornet et Vignard 1976).
Il existe donc bien des incinérations au fond de la grotte de Francillon ; à Veyrier-du-Lac ainsi qu'à Sollières les dépôts étaient, comme à la Balme, placés hors d'atteinte des activités des vivants donc protégés autant que s'ils avaient été enfouis. Les récipients en pâte fine de ces sites ont une profusion et une diversité jamais retrouvées dans les habitats ; ils étaient bien destinés à un usage particulier autre que domestique, usage que nous considérons comme funéraire.
Plus loin du Dauphiné, la grotte du Hasard à Tharaux (Gard) offre de grande similitude avec la Balme et nous reproduisons quelques lignes de J.-L. Roudil (1972) concernant la salle V qui a donné une série relevant uniquement du " Bronze final II " (notre phase moyenne d'après la typologie des vases) :
" Comme le précise M. Louis qui a pu visiter la caverne peu après sa découverte, si on peut affirmer que ces vases appartenaient à des dépôts funéraires à titre de mobilier, on ne peut garantir, par contre, qu'il s'agissait d'urnes cinéraires. L'exemple de la salle V est typique : les récipients étaient posés sur le sol, plus ou moins enfoncés dans l'argile. S'ils avaient contenu en quantité notable des cendres, il est probable qu'une partie au moins serait restée à l'intérieur, la forte humidité ambiante tendant plutôt à les fixer par adhérence. Rien de semblable n'a été observé et comme ces vases n'accompagnaient pas non plus des inhumations, M. Louis suggère que les cendres devaient être répandues sur le sol à côté des récipients, ce qui est très vraisemblable mais impossible à vérifier, trop de piochages intempestifs ayant depuis altéré gravement l'état du sol primitif. "
Les mêmes constatations ont été faites dans la grotte des Cloches à St-Martin-d'Ardèche. Nous faisons entièrement nôtre, pour la Balme, ces explications.

C'est pour cela que nous avons nommé " champ d'urnes souterrain ", comme J.-L. Roudil en 1972, ces accumulations de vases à la phase moyenne du Bronze final, dans des emplacements non habitables d'une cavité (Bocquet 1997). Comme dans le Languedoc (Roudil 1972) cette pratique constitue un métissage entre les rites allochtones du début du Bronze final (phase ancienne avec inhumation et moyenne avec incinération) et la tradition locale d'utiliser les cavités pour y déposer les sépultures, pratique héritée de la fin du Néolithique et utilisée pratiquement sans interruption depuis.
Dans les Alpes, les nouveautés matérielles et techniques du Bronze final n'effacent pas, durant deux siècles au moins, les traditions pluri-séculaires des autochtones.

Les urnes funéraires, placées sur ou entre les blocs rocheux, devaient être assez visibles (à de rares exceptions près) pour avoir été détruites dans toute la grotte, ce qui explique le brassage et l'extrême fragmentation des tessons.
Il est vraisemblable que ces destructions sont intervenues avant le IIIe siècle ap. J.-C., car l'incinération de cette époque, pourtant bien visible dans une petite salle près de la Rotonde, était intacte.
On suppose que des pilleurs cherchaient les mobiliers précieux car l'absence des bijoux ou des éléments métalliques est totale, sauf dans le locus IV resté inviolé avec sa bague en or et son épingle.

Restes épars dans la grotte

Des vases du Bronze ancien et de la Tène étaient cachés dans des anfractuosités sans raisons évidentes actuellement.
A la Tène il y avait peut-être des tombes à incinération ?
Pour le IIIe siècle après J.-C. une petite galerie vers François Ier contenait une tombe à incinération.

 

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Des champs d'urnes souterrains
Reconstitution de la Grande sépulture
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Le locus III contient les victimes d'un combat car une étude postérieure a découvert un petit fragment de silex fiché dans un os illiaque.