LA GROTTE DE LA BALME


REMARQUES CHRONO-CULTURELLES

Comme il l'a déjà été indiqué, ce travail ne se prête pas à une étude typo-chronologique fine à cause des conditions rudimentaires de découverte du matériel par récupération dans des niveaux le plus souvent remaniés. Il sera donc fait seulement quelques remarques très générales.

Néolithique

La sépulture collective du Locus III est datée du Néolithique moyen par le radiocarbone mais l'absence de mobilier funéraire caractéristique interdit de l'attribuer à une culture précise malgré la présence de quelques éléments plus fiables, de même époque, dans le Locus II voisin.

La céramique néolithique final du Locus II possède des caractères très voisins de ceux de la station des Baigneurs à Charavines ainsi que ceux trouvés près du Balcon du photographe : fonds ronds, formes en tonneau et cylindriques, languettes de préhension et petits bols. Par rap-port à Charavines on remarque l'absence des plus grands vases et un choix de forme beaucoup plus restreint, mais ici on n'est pas dans un habitat.

Si on ose se fier aux pourcentages obtenus sur l'évolution constatée de la céramique de Charavines-les Baigneurs, la plus forte proportion ici des vases cylindriques par rapport à ceux en tonneau, correspondrait mieux à la deuxième occupation, au début du XXVIe siècle av. J.-C., qu'à la première de la fin du XXVIIe siècle (Bocquet 2001).

Le Néolithique est bien représenté autour de la Balme avec les nombreuses haches polies et silex ramassés au XIXe siècle (Bocquet 1969) et par l'occupation du plateau de Larina à Hières-sur-Amby.

Bronze ancien et moyen

Les très rares vestiges du Bronze ancien indiquent seulement une présence dans la région que l'on connaissait déjà avec deux haches de la Balme-les-Grottes (Bocquet 1969). Rien du Bronze moyen ce qui n'étonne pas car en Nord Dauphiné il faut attendre la fin du Bronze moyen, avec des haches (sépulture d'Oyeu, la Balme-les-Grottes, Vertrieu) et surtout le dépôt de Porcieu-Amblagnieu, pour constater un renouveau technique, prélude aux mutations régionales du début du Bronze final aux XIVe/XIIIe siècles (Bocquet 1969 et 1997).

Phases ancienne et moyenne du Bronze final

On remarquera que le climat est sec au XIIe siècle car le déversoir du lac ne devait pas être en charge comme aujourd'hui : ceci permettait l'accès à un diverticule latéral où furent inhumés plusieurs corps.


Pour la phase ancienne, au bord du massif de Crémieu on connaît le dépôt d'Optevoz et la tombe à inhumation de Crémieu à la phase ancienne. Un peu plus loin on se rapportera à l'épée tripartite de Champagnieu (Savoie) et des épingles de Crachier au sud de Bourgoin (Isère) qui marquent fortement le début du Bronze final dans la région par l'arrivée d'éléments métalliques allochtones (Bocquet et Haussmann 2001).

Pour la phase moyenne, toujours près de la Balme il y a l'épingle à tête cylindro-conique dans une urne faisant probablement partie d'un champ d'urnes à Hières-sur-Amby (Bocquet 1969) et le plat à marli de l'allée couverte de Vernas (Bocquet 1976).
Nous avons vu que la grotte du Hasard à Tharaux en Languedoc présentait de nombreuses concordances dans la disposition et dans le matériel céramique de la phase moyenne du Bronze final ; en plus elle offre une bague à couverture d'or bien semblable à celle de la Balme. En effet cet élément inconnu dans la région alpine ou jurassienne, a des termes de comparaison assez voisins tant dans la technique de fabrication que dans le décor, dans le Midi : Armissan, Aude, Lunas, Hérault, ou Thémines, Lot (Roudil 1991). Non plaqué d'or c'est un objet bien connu dans les stations lacustres suisses et dans les tombes à incinération de la zone RSFO. Wolfgang Kimmig (1940, p. 113) en dresse la liste pour les pays germanophones et les situe chronologiquement aux Hallstatt A et Hallstatt B ; au vu des associations dans les tombes figurées dans cet ouvrage on peut préciser Ha A2 et Ha B1.
Le "champ d'urnes souterrain" de la phase moyenne appartient au faciès Rhin-Suisse-France orientale. Ici les décors gravés sont assez rares, les décors en guirlande totalement absents mais les coupes à piédestal sont bien représentées. On trouvera dans le sondage de Tougues à Chens-sur-Léman, sur le lac Léman, des éléments de datation remarquablement étudiés et docu-mentés par Y. Billaud et A. Marguet (1988). En effet c'est actuellement la stratigraphie la plus sûre pour analyser la phase moyenne puisque à Tougues cette phase était subdivisée en deux ni-veaux par une couche stérile de craie lacustre, niveaux datés de 1079 à 1038 et de 1017 à 962 av. J.-C. par les analyses dendrochronologiques.
Or la Balme possède des gobelets à épaulement et des plats dont les variantes, à Tougues, existent tant de la première partie de la phase moyenne (ensemble 3) que de la deuxième partie de cette phase (ensemble 2). Vraisemblablement le champ d'urnes souterrain a donc fonctionné durant toute la phase moyenne.
Les couches C3 et C2 de la grotte des Planches à Arbois (Petrequin 1985) ne sauraient avoir la même valeur discriminante que celles de Tougues car ici c'est une couche de craie stérile qui séparait les deux niveaux de la phase moyenne. À Arbois les vases de cet âge sont incompa-rablement moins nombreux qu'à la Balme et n'ont pas exactement le même type : pas de piédestal mais fréquent décor en sillons doubles sur les hauts cols et carènes aiguës sur des gobelets à épaulement.
On pourrait penser que quelques jattes à bord plat rentrant sont de la phase récente par leur forme (Fig. 17-3, 18-7, 20-4 et 5) mais elles sont toutes en pâte noire lustrée et la jatte Fig. 23-4 de même forme et de même pâte est décorée au peigne selon la tradition de la phase an-cienne ; cette forme existe donc bien dès la phase moyenne.

Fin de l'âge du Bronze et âge du Fer

Il n'y a aucun reste dans la grotte datant de la fin du Bronze final alors que la région prend une très grande importance avec l'oppidum de Larina et la tombe princière de Saint-Romain-de-Jalionas au VIIIe siècle (Verger 1998) ; le rite de l'incinération disparaît aussi brusquement qu'il était apparu.
Il en est de même pour l'âge du Fer, bien développé dans le massif de Crémieu (occupation de l'oppidum de Larina, tombes halstattiennes de Montalieu et de Saint-Baudille, dépôt d'objets de la Tène à Larina, tombe à char de la Tène finale de Vernas, tombes de la Tène finale d'Optevoz et de Creys-Mépieu, etc.) mais qui n'a laissé qu'une dizaine de vases disséminés et probablement une tombe à incinération de la Tène (Bocquet 1997).

CONCLUSIONS

Trois périodes sont bien représentées dans la grotte de la Balme : le Néolithique moyen avec l'ossuaire du Locus III, le Néolithique final dans le Locus II et les phases ancienne et moyenne du Bronze final. Celui-ci est localisé en abondance dans la Grande Sépulture et aussi plus faiblement dans la Montée du Calvaire et près du Tableau électrique.
Dans l'immense cavité, bien rares sont les points retrouvés archéologiquement intacts mis à part les Locus I, II et IV et de quelques emplacements dans la Montée du Calvaire ou le long de la paroi vers le Photographe, toujours de très faible surface et cachés derrière des blocs ou dans des fissures peu accessibles. Partout ailleurs la plus grande partie du matériel céramique a été véritablement pulvérisé par les " pilleurs de tombes " sans qu'il soit possible de dater la destruc-tion, bien que probablement fort ancienne.
La grotte n'a pas connu d'utilisation continue alors que dans le voisinage les restes d'occupation sont bien attestés depuis le Néolithique, pratiquement sans hiatus. Elle a servi d'abri aux chasseurs de la fin du Paléolithique supérieur, de petite nécropole au Néolithique moyen et surtout de cimetière aux phases ancienne et moyenne du Bronze final.
La grotte de la Balme est un site important dans le nord du Dauphiné mais les fouilles du siècle dernier et les travaux d'aménagement touristique ont sérieusement entamé ses restes en-fouis dont ceux décrits ici ont été récupérés dans des conditions difficiles. Connaissant mainte-nant sa richesse et son intérêt archéologique, espérons qu'il sera protégé efficacement à l'avenir pour la sauvegarde de ce qu'elle doit encore receler.

 

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