Chauvet, Aven d'Orgnac, Vassieux-en-Vercors, Charavines
les grands sites
préhistoriques sont nombreux en Rhône-Alpes. Et que savons-nous
vraiment sur la présence de l'homme préhistorique dans la plaine
de la Bièvre-Valloire, dans le canton de Beaurepaire en particulier
? Un siècle et demi de ramassages et de fouilles ont récolté
nombre de vestiges anodins et d'autres prestigieux qui en font une des régions
les plus riches du Sud-Est de la France. Car cette plaine fut un axe de circulation
très utilisé qui mettait en relation la vallée du Rhône
et les zones alpines (Chartreuse, Vercors, Grésivaudan
). Ces
traces d'occupation permettent d'approcher l'histoire fascinante des hommes,
de leurs origines, de leurs évolutions et de leurs contacts avec ceux
d'ailleurs au cours des millénaires. C'est ce que nous allons ten-ter
de vous conter.
La plaine de Bièvre-Valloire est une vallée fossile creusée
par les glaciers puis remplie de sédiments fluvio-glaciaires par l'Isère
pendant la grande glaciation de Mindel, il y a 600 000 ans puis par celle
de Riss 300 000 ans plus tard : les deux atteignirent le Rhône. La glaciation
de Würm, la dernière, qui débute il y a 100 000 ans, n'avança
pas au-delà de Beau-croissant et depuis la rivière s'enfonce
dans son cours actuel. Ce passé géologique explique la fertilité
des sols par leur longue maturation sans remaniements ni apports pendant 500
000 ans ; ceux de la vallée de l'Isère mis en place bien plus
récemment, sont beaucoup moins féconds. Ainsi s'explique l'attrait
de la région pour les paysans qui pouvaient en tirer facilement leur
nourriture au point que le nom de Valloire (Vallis Aurea, la vallée
d'or) fut lui donné par les Romains.
Le paléolithique entre 350 000 et 12 000 av. J.-C.
"L'âge de la pierre taillée" ancienne, comme on l'appelait
auparavant, ne semble avoir laissé que quelques traces ténues
sur notre territoire. En l'état actuel de la recherche les pre-mières
traces d'occupation par l'Homo Erectus, au paléolithique inférieur,
apparaissent sous forme de choppers à Agnin, Salaise-sur-Sanne et la
Côte-Saint-André comme outils isolés. D'après le
gisement de l'Aven d'Orgnac, dans le sud de l'Ardèche, ils peuvent
dater de 350 000 ans, de l'interglaciaire Mindel-Riss. Des palets-disques
découverts dans les rivières de La Derroyet du Dolon par Charles
Colas et J M Caizergues au cours des années 80, constituent-ils nos
seuls témoignages locaux. Bien d'autres ont été trouvés
à Lentiol, au Grand-Serre, Bressieux, etc. Mais de quoi s'agit-il ?
Ces objets que l'on nommait auparavant " OLNI " (Objets Lithiques
Non Interprétés) désignent un certain type d'instruments
tranchants ou contondants exécutés le plus souvent à
partir d'un galet de quartzite et dont on ignore l'âge et la fonction.
Lorsqu'ils sont trouvés en stratigraphie, ces outils datent incontestablement
de la période paléolithique. Mais c'est malheureusement rarement
le cas. Ils proviennent généralement de découvertes fortuites,
totalement hors contexte archéologique et peuvent par conséquent
appartenir à des périodes fort différentes. Leur concentration
peuvent également traduire la présence d'ateliers de rouissage
du chanvre d'époque indéterminée. Certains auteurs relatent
même l'utilisation des palets-disques en tant que bouchons d'amphore.
L'intemporalité de ces objets peut donc nous laisser perplexes quant
à leur utilisation à la période paléolithique.
Dans les Alpes, les
traces de l'homme de Néandertal, au paléolithique moyen, peuvent
remonter à 100 000 ans. Leurs haltes de chasse les plus proches sont
en Chartreuse dans la grotte des Eugles à Saint-Laurent-du-Pont, en
Vercors dans la grotte de Prélétang à Presles et en station
de plein air à Saint-Nizier.
Vers 35 000 av. J.-C., au paléolithique final, l'homme de Cro-Magnon
ne semble pas être passé dans la Bièvre-Valloire car elle
n'en possède aucun reste. Il a pénétré dans les
Alpes par la vallée de l'Isère mais bien tardivement, entre
13 000 et 10 000 av. J.-C. On les retrouve à Saint-Roman, à
la grotte du Taï et à l'abri de Campalou à Saint Nazaire-en-Royans,
à Voreppe, à Fontaine et dans le Vercors, toujours près
des torrents poissonneux à Méaudre, la Chapelle-en-Vercors,
Saint-Agnan-en-Vercors ou Engins.
A partir de 14 000 ans av. J.-C., après le retrait des glaciers, l'homme
évolue dans un contexte froid et sec, avec des températures
en moyenne inférieures de 10° à celles que nous connaissons
aujourd'hui. La steppe se développe, offerte aux rennes, chevaux, bisons,
bufs musqués, élans, castors
mais aussi mammouths
et rhinocéros laineux ; les montagnes proches abritent bouquetins,
chamois, marmottes et oiseaux. Tout ce gibier est apprécié de
ces chasseurs venus du Midi à la belle saison faire provision de peaux
de marmottes...
A partir de 10 000 av. J.-C., une nouvelle phase de réchauffement,
cette fois défini-tive, permet le développement de pins, noisetiers
et bouleaux parmi lesquels cerfs, chevreuils et sangliers se multiplient remplaçant
les rennes et les chevaux, animaux disparus dans steppes glacées. Par
les découvertes dans d'autres régions, nous savons que durant
l'Épipaléolithique et le Mésolithique (entre 12 000 et
6 000 av. J.-C.), les outils d'os ou de bois se garnissent de microlithes
collés, c'est-à-dire des silex de très petite taille.
Entre 8 000 et 5 500 av. J.-C., l'installation progressive du climat tempéré
favorise le développement du milieu forestier aux dépens de
la steppe. Les hommes aiment l'espace et s'installent dans des clairières
ou au-dessus de la limite supérieure de la forêt, chassent le
petit gibier et pêchent beaucoup. Près de chez nous on en a des
restes au col de Porte et au col du Coq en Chartreuse, dans les grottes de
Coufin et de Balme Rousse à Choranche, au pas de la Charmate à
Chatelus en Vercors.
Le néolithique de 6 000 à 2 200 av. J.-C.
Vers 6 000 av. J.-C. dans le sud de la France apparaissent les premières
céramiques et les traces de la domestication animale (buf, porc,
chèvre, mouton).Malheureusement aucun site ne permet encore d'affirmer
la présence de l'homme dans la région. Cette absence peut être
liée à trois raisons : à leur inexistence, à la
disparition des sites (détruits ou profondément ensevelis) ce
qui est peu probable vu la très faible sédimentation ou à
l'absence de prospec-tions archéologiques. Il faut attendre le néolithique
sous un climat plus chaud qu'aujourd'hui, pour que des objets de silex nous
attestent la présence humaine avec certitude. Les vestiges dont nous
disposons sont assez nombreux mais très épars, isolés
au gré des trouvailles.
Au néolithique moyen, à partir de 4 500/4 000 av. J.-C., des
agriculteurs venus du Midi colonisent de vastes territoires vierges en déboisant
pour cultiver : chez nous ce sont ceux de la civilisation chasséenne
qui diffusent rapidement, de la Méditerranée jusqu'au nord de
la Bourgogne. Il nous en reste trois sites d'habitat : la Croix Trouva à
Bressieux, à Lapeyrouse-Mornay et à Moras-en-Valloire. À
Primarette un splendide nucléus à lamelles de silex, identique
à ceux du site précédent, montre l'habileté de
l'artisan, il y a 6 000 ans.
Puis la population s'accroît peu à peu et reçoit des influences
du plus en plus nombreuses et variées car les échanges se multiplient
: ainsi à Charavines, on a de l'ambre de la Baltique, du silex du val
de Loire, un vase et du cuivre du Languedoc et des céramiques de Charente
Parmi les vestiges néolithiques retrouvés isolés, la
plupart ne peut pas être datée avec précision. À
Saint-Barthélemy des lames et deux beaux silex rouges trouvés
au XIXème siècle à proximité de la pisciculture
Murgat, à Pommier deux silex taillés ; à Beaurepaire
au lieu-dit "Saint Michel", en 1968, on a découvert des silex.
Un splendide poignard en silex finement taillé a été
trouvé à Lentiol, exemple parfait de l'outillage en pierre qui
atteint son plus haut niveau de perfection, à la fin du néolithique,
entre 2 500 et 2 000 av. J.-C. Fabriquée dans un lointain atelier
de taille, cette très belle pièce témoigne des échanges
à longue distance et aussi que nos paysans étaient bien insérés
dans leur monde. À Beaurepaire, Pact et Primarette des haches polies,
une à Pommier et huit à Revel-Tourdan. Des dizaines d'autres
haches polies et des silex divers ont été ramassées à
Lentiol, Biol, la Côte-Saint-André, Faramans, le Grand-Serre,
Hauterives, etc. Une bonne partie a fait l'objet de publication dans d'anciennes
revues. Nous retiendrons de ces éléments que la région,
comme partout ailleurs, a été peu à peu déforestée
par les agriculteurs mais la densité des vestiges étant plus
importante en Valloire, on peut penser que l'occupation y fut plus forte.
Nous pouvons remarquer que seuls les objets en pierre nous permettent d'attester
la présence humaine dans la région durant la préhistoire.
La période est seulement connue par des découvertes ponctuelles
de haches polies et d'outils ou éclats de silex. Aucun artéfact
en os, en corne, en bois ou autre n'a été trouvé. L'absence
de site en stratigraphie nous impose des datations extrêmement larges
uniquement fondées sur les découvertes de sites éloignés
sur lesquels nous retrouvons le même type de matériel. Sans rentrer
dans le détail, les diverses haches polies dont nous disposons sont,
pour la plupart, originaires des Alpes italiennes, Piémont ou val d'Aoste,
et peuvent être datées entre 4 500 et 2 000 av. J.-C. Quant aux
silex, en l'absence d'étude précise, il est bien difficile de
définir leur origine. Nous pouvons tout de même noter que des
pseudos gisements existent sur le canton notamment au lieu-dit " Les
Fontaines " à Saint Barthélémy et au " Cropon
" à Revel-Tourdan.
En ce qui concerne le néolithique, "l'Age de la pierre polie",
on a vu le développement de l'agriculture et de l'élevage lié
à une sédentarisation temporaire qui ne sera définitive
qu'à partir de l'âge du Bronze. Les traces de déforestation
se manifestent aussi à Charavines dès le Néolithique
moyen entre 4500 et 3200 av. J.- C. Ces occupations temporaires, limités
à vingtaine d'années sont rapidement abandonnés par la
perte de fertilité des sols due à la faible efficacité
des outils aratoires. Le néolithique final, entre 3 000 et 2 200 av.
J.-C., semble marqué par une intensification du peuplement. Les haches
polies que nous avons recensées n'ont pro-bablement pas toujours servi
aux opérations d'essartage, la pratique de la culture sur brulis étant
beaucoup plus aisée. Elles contribuaient au travail du bois de façon
plus ponctuelle avec notamment la taille de pièces de construction,
le façonnage de barques, arcs, flèches et autres outils et ustensiles
en bois. Les haches polies ont pu également servir à la découpe
de pièces de boucherie voir d'armes de combat, encore qu'on n'ait aucune
preuve de guerres autre que des éclats de silex fichés dans
des os à Fontabert et à la Balme-d'Isère.
Au cours des âges qui nous séparent de la préhistoire,
ces haches polies ont joué un rôle prophylactique. Certaines
comme dans le canton de Roussillon ont été retrouvées
dans les murs de construction en pisé, d'autres demeuraient au fond
des poches de leurs propriétaires. Il arriva même durant les
temps anciens, à l'époque gallo-romaine, que certaines d'entre
elles accompagnent les défunts dans leur sépulture. La protection
des troupeaux de moutons était, il y a encore quelques décennies,
assurée par une hache polie contenue dans un sac pendu au cou du bélier
de tête
Âge du Bronze, de 2 200 à 750 av. J.-C.
Des perles en cuivre, importées du Languedoc, se retrouvent à
Charavines mais cette présence ancienne est un épiphénomène
rarissime dans nos régions. Il faut attendre 1 700 av. J.-C. pour voir,
en Bièvre-Valloire, arriver le bronze depuis les ateliers de la civilisation
du Rhône centrée sur le Valais suisse, une hache à Tourdan
et un tranchant de hache à Primarette. Les paysans, toujours de tradition
néolithique, étaient assez riches pour faire venir de loin des
outils si efficaces mais très chers. Un peu plus tard, vers 1 500
av. J.-C., c'est d'Allemagne du Sud-Ouest que vient la hache à talon
de Cour-et-Buis. Ces outils sont rares car même s'ils ont été
plus nombreux, ils ont été refondus à l'époque
pour en faire de nouveaux : le recyclage était de mise quand le métal
était aussi onéreux ! Deux bracelets et une hache trouvés
à Tourdan, sont un peu plus récents tout comme une hache de
la Côte-Saint-André, datant du XIVe siècle av. J.-C. Revel-Tourdan
était déjà une zone riche pour avoir livré autant
de vestiges en bronze
Ce n'est qu'à partir du IXe siècle av. J.-C. que le métal
se banalise et qu'une fabrication locale devient courante : ainsi en témoigne
le trésor de fondeur de Thodure qui comportait deux lingots, huit haches,
deux poignards, une lance, deux burins et un marteau. La composi-tion de ce
dépôt montre le matériel d'un bronzier ambulant qui coulait
des pièces à partir de lingots et qu'il pouvait ciseler des
bijoux avec un marteau et des burins
Un autre, à Saint-Siméon-de-Bressieux,
contenait six haches (dont quatre coulées dans le même moule
!), deux bracelets et trois lingots. Deux haches isolées à Lentiol,
Saint-Maurice-de-Galaure témoignent encore du métal à
la fin de l'âge du Bronze.
En Europe occidentale se diffuse aux IXe/VIIIe siècles av. J.-C. des
motifs de décors gravés originaux sur des vases : méandres
(ou grecques), swastikas, ocelles, frises de danseurs, attelages et chars
à deux ou quatre roues. Les sites ayant livré de tels décors
abondent en Languedoc oriental mais sont plus rares en Suisse ou en France
: citons près de chez nous le lac du Bourget dans ses stations lacustres,
Sérézin-du-Rhône, Rhône et Virignin, Ain. On les
retrouve aussi, et en abondance, sur des vases en terre ou en bronze dans
la fabuleuse Civilisation de Villanova, en Italie centrale, celle qui est
à l'origine des fameux Étrusques et a créé la
ville de Rome. Cette mode s'est diffusée à partir de la Grèce
ancienne durant les périodes protogéométrique et géométrique.
Mais, ici, ces gravures sont accompagnées de signes bien énigmatiques
. Certains n'y voient que des amusements de potiers quand d'autres les prennent
pour une écriture. Des spécialistes cherchent à les déchiffrer
mais n'est pas Champollion qui veut
Voilà une nouvelle originalité
et une curiosité archéologique de notre région qui a
fait l'objet de nombreuses études savantes.
Âge du Fer de 750 à 120 av. J.-C.
Depuis un millénaire le climat se tempérait peu à peu,
devenait moins chaud mais, à partir du XIVe siècle av. J.-C.,
il s'assécha fortement au point de faire baisser de plusieurs mètres
le niveau des lacs alpins. Ceci favorisa, nous le disons en passant, l'installation
des ateliers de potiers et de bronziers sur leurs rives émergées
simplement parce que, gourmands en combustible, il était facile d'alimenter
les fours en amenant le bois par flottaison ! Cette sécheresse extrême
ne semble pas avoir eu d'influence sur nos populations. La forte pluviosité
qui suivit à partir de 800/750 av. J.-C. n'a pas dû en avoir
non plus. La Bièvre-Valloire est restée à l'écart
des incursions des Hallstattiens, ces éleveurs nomades venus du centre
de l'Europe et qui apportaient l'usage du fer au début de l'âge
du Fer : ils s'installèrent surtout dans l'est de la France.
De cette époque, la fin de l'âge du Bonze final, il nous reste
un trésor spectaculaire et fastueux : le char cultuel de la Côte-Saint-André.
D'un tumulus près de la gare, en 1888, sont sortis quatre roues en
bronze coulé, un grand seau et un bassin plat en tôle de bronze.
Ce type de char est bien connu en Allemagne et en France de l'Est, le nôtre
étant le plus méridional de tous. Il est composé des
roues coulées chez un bronzier de talent à la fin de l'âge
du Bronze (VIIIe siècle av. J.-C.) mais seau et bassin proviennent,
eux, d'ateliers de la plaine du Pô du VIe siècle donc fabriqués
200 à 300 ans plus tard . Cela indique une très longue utilisation
du véhicule et l'honorer d'un enfouissement sous un tertre révèle
son caractère sacré. Ce sont toujours des ensembles luxueux
destinés à porter "l'eau lustrale" dans les champs
: le terme lustral à Rome signifiait purification. La cérémonie
avait pour objectif d'assurer la bénédiction et la protection
de la divinité et on purifiait ainsi les champs ou les troupeaux. Nos
pièces extraordinaires et ces rites particuliers appellent un autre
commentaire. Ces processions avaient une telle signification pour les paysans
qu'au VIIIe siècle ap. J.-C., donc 1200 ans plus tard, on les pratiquait
encore dans la Bièvre-Valloire. Comment le sait-on ? Saint Mamert,
évêque de Vienne en 474 les christianisa dans son diocèse
en fête des "Rogations" (du latin rogare, demander).
Mieux encore, le concile d'Orléans en 511 étendit ce rite à
toute la Gaule et il fut plus tard officialisé dans le monde chrétien.
Cette fête très populaire, qui tint pendant 1500 ans une place
majeure dans nos pratiques religieuses rurales, n'existerait probablement
pas sans Saint Mamert mais surtout sans une survivance millénaire que
le char de la Côte-Saint-André atteste dans notre région
Vers 500 av. J.-C., les Gaulois, peuple de nomades cavaliers, sont venus du
centre de l'Europe s'installer en Champagne ; ils y créent une riche
et belle civilisation. Ils eurent, dès leur implantation, des volontés
de conquêtes et lancèrent des raids lointains ; nous avons à
Pact un témoin de ces incursions dans un tumulus funéraire qui
contenait quatre vases caracté-ristiques de leur vaisselle fabriquée
dans la Marne, à l'époque de la Tène ancienne. La trace
de ces raids est très rare et nous avons seulement une sépulture
de guerrier à Saint-Laurent-en-Royans, au pied du Vercors. Les Gaulois
passent mais ne sont pas encore chez nous
Les Allobroges sont les Gaulois qui arriveront, en masse, au début
du IIIe siècle av. J.-C. ; leurs multiples tribus viennent des bords
du Danube moyen. Guerriers cavaliers, ils s'infiltrent parmi les paysans et
s'imposent très probablement par la force puis se sédentarisent
progressivement. Leur présence eut des conséquences considérables
: ce sont eux qui ont structuré nos territoires et modelé nos
paysages. Ils ont mis en place une administration, des routes, construit des
villages et des citadelles. On retrouve tout ça dans les toponymes
et hy-dronymes encore utilisés aujourd'hui. Citons déjà
notre région, la Bièvre qui tire son nom de biber, le castor
en gaulois : ils devaient donc proliférer dans les ruisseaux serpentant
dans des forêts encore vastes. Autres exemples : Tourdan vient de Turedonnum,
de turo, la hauteur et dunum, la citadelle ; à Dun d'Anjou,
toujours dunum ; le mont Avalon à Saint-Hilaire-de-la-Côte,
d'aballo, le pommier ; Lentiol, Lens-Lestaing, le Grand-Lemps de Lendo,
le marécage ; la ferme du Nant à la Côte-Saint-André,
de nanto, la Combe ; la Chana à Rives, le Chanos à Saint-Avit,
de cassanos, le chêne, etc.
À Rives, un tumulus contenait des incinérations avec épées,
lances, fibules et un extraordinaire baudrier porte épée en
fer. Mobilier funéraire normal pour des soldats mais nous avons pourtant
des motifs de nous émerveiller : le porte baudrier est un chef d'uvre
de fer-ronnerie issu des ateliers du centre de l'Europe (on en connaît
un autre parfaitement identique en Slovénie). En plus, ces objets sont
en fer chimiquement pur, c'est à dire inoxydable ; les anneaux du baudrier
s'articulent comme au premier jour alors qu'ils sont restés deux millénaires
dans la terre ! Aujourd'hui on obtient ce fer seulement par électrolyse
donc les Gaulois étaient de fameux sidérurgistes pour y parvenir
seulement avec du charbon de bois !
Du premier siècle av. J.-C., date une très belle fibule, provenant
probablement d'une tombe découverte à Tourdan. Les Allobroges
ont souvent enfoui des monnaies d'argent formant des "trésors"
: celui de Tourdan, contenant 162 oboles de Marseille et 82 pièces
allo-broges, était placé, comme c'est souvent le cas, près
d'une citadelle. Il se confirme donc que Tourdan conserve sa place primordiale
au cur de la région et qu'elle la gardera sous la domination
romaine.
Bièvre-Valloire, deux noms pour la même plaine
Ce n'est
fortuit : à l'est, une contrée restée longtemps boisée
où les castors proliféraient, au temps des Allobroges, et à
l'ouest un territoire fertile et bien peuplé. Après les Romains,
à une époque que les historiens vous préciseront, les
différences disparurent. Mais les deux entités anciennes demeurent
encore aujourd'hui, séparées dans les esprits. Prégnance
du passé !
Pour conclure, ce coup d'il sur notre préhistoire nous a ouvert
un monde passionnant avec des vestiges que bien d'autres régions seraient
en droit de nous envier ! Nous arrêterons là notre retour en
arrière. Car, avec les Romains nous allons entrer dans l'Histoire,
là où l'archéologie ne sera plus seule pour nous ouvrir
aux temps anciens ; les écrits viendront donner une autre dimension
aux recherches sur les hommes et leurs activités.
Bibliographie sommaire
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Catalogue des collections préhistoriques et protohistoriques du Mu-sée
Dauphinois. Musée Dauphinois, Sainte-Marie-d'en-Haut, Grenoble. Texte
(1969). 230 p. et planches (1970). 89 p.
BOCQUET A. 1990 Le char de La Côte-Saint-André. in: Les premiers
princes celtes. Musée Dauphinois. p. 35-37, 3 fig., biblio.
BOCQUET A. 1994 Charavines, il y a 5000 ans. Les dossiers de l'archéologie,
n°199
BOCQUET A. 2000 Les Allobroges http://www.aimebocquet.com/allob.pdf
BOCQUET A. 2017 Préhistoire des Alpes http://www.aimebocquet.com/
BOCQUET A. 1969 L'Isère préhistorique et protohistorique, en
deux parties :
http://www.persee.fr/doc/galip_0016-4127_1969_num_12_1_1340
et
http://www.persee.fr/doc/galip_0016-4127_1969_num_12_2_1343 pour toutes
les découvertes antérieures à 1968 dans le département
de l'Isère et leur bibliographie.
BOCQUET A. 2012 Les oubliés du lac de Paladru. Ils vivaient depuis
5000 ans à Charavines en Dauphiné. 180 p. 200 ill. (avec un
DVD de tous les résultats scientifiques). Ed. Fontaine de Siloé,
Montmélian. http://www.aimebocquet.com/Oublies_du_lac.pdf
COLLECTIF " Premiers Alpins, des derniers chasseurs de la Préhistoire
aux premiers paysans, 14 000-6 000 ans avant le présent ", Musée
Dauphinois, Grenoble, 1995.
CHAPOTAT G.1962 Le char processionnel de La Côte-Saint-André
(Isère). GALLIA. t. 20, fasc. 1. p. 33-78, 33 fig. http://www.persee.fr/doc/galia_0016-4119_1962_num_20_1_2348
DROUVOT N. 2005 L'agglomération antique de Turedonnum (Revel-Tourdan,
Isère). Revue archéologique de la Narbonnaise. Numéro
1 pp. 45-59
MICHEL J.-C. 2013, Inventaire archéologique de l'Isère http://www.jc-michel.fr
NICOLAS N. 1972 Signes gravés et figurations de chars protohistoriques
(Moras-en-Valloire - Drôme) Revue archéologique du Centre de
la France. Volume 11 Numéro 1 pp. 85-93 http://www.persee.fr/doc/racf_0220-6617_1972_num_11_1_1783
NICOLAS A. et COMBIER J. 2009. Une écriture préhistorique ?
le dossier archéologique de Moras-en-Valloire. La Mirandole
Site néolithique moyen de la
Croix Trouva,
Bressieux, Isère
Poignard en silex
Lentiol,
Isère.
Hache polie, Tourdan, Isère.
Origine : ateliers de taille du
Mont Viso, Piémont
Hache spatuliforme,
Bronze ancien,
Tourdan,Isère.
Hache à ailerons médians,
Début âge du Bronze final
Tourdan, Isère
Plat gravé,
Moras-en-Valloire