Nos connaissances sur
la fin du Mésolithique et le début du Néolithique se
sont considérablement étendues depuis dix ans (7).
En effet la région que l'on considérait comme presque déserte
au cours des VIIe et VIe millénaires, se trouve avoir été
parcourue par nombre de chasseurs à outillage microlithique qui installaient
leurs campements sur les cols, sur les axes de passage et près des
gisements de silex en Vercors, en Chartreuse et en Oisans à des altitudes
le plus souvent supérieures à 1000m. Les résultats qui
s'accumulent permettront de mieux connaître le substrat humain et culturel
au moment où se prépare la néolithisation.
Quels sont les marqueurs archéologiques de la néolithisation?
Pour simplifier, le Néolithique est installé quand céréales,
élevage, hache polie et céramique sont réunis. Mais entre
le stade de chasseur-cueilleur exclusif et celui de paysan intégral
les étapes sont longues et diverses; l'association de quelques uns
de ces éléments atteste seulement un début de néolithisation.
C'est ce qui se passe pour les Alpes au milieu de la période Atlantique.
- Près du Rhône à Seyssel, Haute-Savoie, dans quelques
stations de surface des silex de type mésolithique étaient associés
à de petites haches polies, mais sans céramiques ni faune.
- Un niveau, malheureusement peu documenté, est placé vers 5350
BC à la Grande Gave, la Balme en Savoie.
- Dans une couche d'occupation datée de 4800 BC en Haute-Savoie (9),
chèvre et mouton atteignent 20% de la faune consommée, dans
un contexte totalement dépourvu de céramique mais avec une industrie
à microlithes d'inspiration helvé tique.
- Pour comparaison signalons la couche découverte à Sion-Planta
en Valais, datée de 5300 BC qui possède 95% de faune élevée
et de la céramique du Néolithique ancien valaisan.
- Choranche (10), en Vercors occidental, une
couche de 5150 BC contient silex mésolithiques et céréales.
Tout à côté (11), pas de
céramique mais boeuf et porc représentent 54% de la faune, à
4940 BC.
- Près de Grenoble (12) la date d'environ
5100 BC a été obtenue dans un niveau sans céramique qui
comportait chèvre et mouton.
- Près du lac de Bouvante en Vercors des adeptes du nouveau mode de
vie possèdent les mêmes silex, une petite hache polie et de la
céramique.
- Près du col de Lus-la-Croix-Haute, Drôme, entre la vallée
du Buëch et le Trièves (13), sont
associées céramique impressionnée, hache polie et une
faune sauvage dominante (cervidés, aurochs). Ces groupes mésolithiques
en voie de néolithisation sont porteurs généralement
de la technique castelnovienne.
- En Diois (14) de la céramique est
associée à des silex mésolithiques et une couche à
céramique (15) attribuée au Néolithique
ancien est datée de 4870 BC. Dans l'industrie lithique il y a toujours
des flèches tranchantes traduisant encore la vocation de chasseurs
des néolithisés.
- A l'est, à limite du Gapençais et du Champsaur, aucun site
n'est attribuable à cette période mais S.Wegmüller retrouve
dans les pollens de la tourbière de la Lauza, à 1130m d'altitude,
des indices de déforestation recouverts par des niveaux argileux dus
à une érosion intense des sols. On est en droit d'imaginer la
création de pâtures qui seront de courte durée car les
déboisements ne reprendront qu'au Bronze final.
En attendant d'être mieux éclairés le début de la néolithisation des Alpes du Nord, ces témoins sont déjà lourds de signification, qui voient haches polies, animaux domestiques et parfois céramiques ou céréales associés aux petits silex habituels dans la région durant le Mésolithique. Actuellement les gisements sont rares ce qui permet de penser que le Ve millénaire présente une très faible densité d'occupation, avec une prédilection pour les altitudes moyennes. Selon toute vraisemblance quelques groupes de chasseurs de tradition mésolithique ont adopté quelques parties des pratiques néolithiques qui se diffusaient dans la vallée du Rhône, soit par le Nord avec le Néolithique ancien rhodanien en Savoie, soit par l'Ouest et le Sud avec la civilisation cardiale.
Quelques manifestations
de l'Epicardial apparaissent depuis peu. A la Grande Rivoire, Sassenage, Isère,
un niveau à céramique épicardiale méridionale
daté de 4710 BC où l'élevage atteint 40% de la faune
; ce faciès qui coexistera avec le début du Chasséen
commence à être mieux connu avec des gisements comme celui de
Barret-de-Lioure en Diois, Drôme. Mais actuellement il ne semble pas
avoir eu un gros impact dans les Alpes.
Sur le versant italien des chasseurs à la grotte de Boira Fusca dans la vallée de l'Orco n'ont pas de céramique mais un horizon à grands triangles, tout à fait comparable à ceux des Préalpes, est pratiquement inconnu en Italie. Dès le Néolithique ancien des nomades néolithisés occupent les Alpes sur les deux versants: existe-t-il un Néolithique ancien spécifique aux Alpes occidentales, c'est une hypothèse qu'émet F.Fedele.
Les groupes mésolithiques
acculturés survivront-ils au cours du IVe millénaire? Rien aujourd'hui
ne l'assure. Par contre se développera une autre forme de néolithisation
représentée par une véritable colonisation, c'est-à-dire
l'implantation de communautés venues d'ailleurs.
Les anciens occupants ne seront pas capables de concurrencer des organisations
sociales et techniques déjà élaborées dans des
systèmes économiques plus cohérents et probablement plus
complexes.
Il ne faut pourtant pas exclure la possibilité de coexistence entre
eux et les colons, dans un espace suffisamment vaste pour que tous puissent
y vivre longtemps selon leurs traditions, encore que nous n'en ayons pas de
preuve archéologique.
NÉOLITHISATION ET NÉOLITHIQUE ANCIEN
env. 5300 à 4500 av. J.C.