A Charavines, à la fin du IIIe millénaire av. J.-C.
La flore et les graines déterminée
par les botanistes témoignent d'un climat bien voisin du nôtre
à l'époque d'occupation des rives du lac de Paladru au Néolithique
final, ce qui concorde avec toutes les études paléoclimatiques
des Alpes du Nord qui tracent les lignes générales pour de vastes
régions.
Les rapports isotopiques O16/O18 mesurés sur un tronc de sapin et l'évaluation
de la production du bois sur le sapin par la dendrologie amènent des
résultats totalement concordants : la forme des deux courbes issues
des analyses est rigoureusement semblable avant et pendant toute la première
occupation, ce qui valide leurs résultats (Figure ci-contre).
Pendant quelques années avant la
présence humaine, on sait, par les observations de terrain, que le
climat est suffisamment sec pour faire baisser le niveau du lac et mettre
une large bande de plage hors de l'eau de façon permanente. La production
de bois diminue et la variation isotopique est très faible ; l'ambiance
climatique devenue un peu plus sèche reste constante.
Au cours de la première occupation le climat s'améliore encore
légèrement, par une tendance moins humide et/ou moins fraîche
jusque vers l'an 9 du site (2660) avec peu de bois produit ; puis une petite
avancée de l'humidité correspond à une augmentation de
production de bois (ans 15/16), lors d'une péjoration sans lendemain.
Nous ne disposons pas de courbe de production du bois après le premier
village mais seulement celle des variations isotopiques qui sont tout à
fait claires. Pendant l'abandon, durant une quarantaine d'années, l'ambiance
demeure très bonne sans interruption jusqu'au début du deuxième
village. Mais là, rapidement une légère péjoration
commence, se stabilise puis se dégrade fortement et sans discontinuer
à partir de 64/65. Les analyses prennent fin en l'an 69, soit huit
ou dix ans avant le dernier départ.
Voici les conclusions de A. Ferhi : " L'étude paléoclimatique
met en évidence l'existence, entre 2706 et 2600 av. J.-C., de conditions
climatiques qui ne diffèrent pas radicalement de celles que nous connaissons
aujourd'hui mais plutôt de pulsations climatiques à plus ou moins
long terme. On remarque ainsi des périodes de quelques dizaines d'années
marquées par une sécheresse assez considérable suivies
de périodes beaucoup plus humides, alternance toujours constatée
de nos jours. Ce déficit en eau qui se reflète au niveau de
la composition isotopique de la matière organique d'origine végétale,
peut découler soit d'une diminution généralisée
des précipitations moyennes annuelles, soit d'une augmentation des
températures, soit d'une variation conjuguée des deux paramètres.
Dans les cycles les plus secs, ce déficit apparaît comme particulièrement
marqué par rapport à la moyenne générale de la
période considérée et par rapport à l'actuel.
"
Processus de l'évolution
climatique dans la région du lac de Paladru
Ces résultats éclairent toutes les constatations de fouilles
et confortent nos interprétations.
Ainsi, le niveau du lac a baissé de quelques mètres au cours
d'un de ces cycles de sécheresse, sécheresse plus importante
et plus longue que celles que nous pouvons connaître actuellement :
les hommes ont pu alors coloniser la berge dégagée à
la faveur de ce retrait des eaux.
On a vu par l'étude des couches que les habitants de la première
occupation ont pu y vivre sans problèmes pendant plus de 20 ans sans
avoir à subir de montées des eaux autres que, peut-être,
des inondations automnales très temporaires. Leur départ sera
programmé et se fera dans le calme, sans précipitation : sur
place ne reste que le matériel cassé ou inutilisable de la couche
B.3. Les analyses confirment nos interprétations de fouille.
Durant l'abandon, la couche archéologique issue de l'occupation a pourri
pendant 40 ans, noyée par intermittence par des inondations avec des
vents probablement assez violents pour charrier et mettre en place les sédiments
limoneux stériles de la couche B.2.
La deuxième occupation bénéficie, à son début,
du même climat ; pourtant rapidement le temps se dégrade un peu,
apparemment sans conséquences majeures. Mais en l'an 64, les conditions
de vie sur le site changent, obligeant à un repli et à construire
des maisons sur et au-delà de la palissade, sur la partie la plus élevée
du village et à abandonner les maisons les plus près du lac
(Fig. 61 et 63
).
La dégradation se poursuivant, un épisode plus violent force
à partir " en catastrophe " vers l'an 77 en laissant sur
place une grande quantité d'objets et de matériel encore utilisable
(cuillères, manches de hache, vases entiers, etc.). Pour les raisons
qu'on a vues dans l'érosion des couches,
le lac ne redescendra pas.
Si les habitants de la région ont su profiter d'une longue période
de sécheresse, 64 ans auparavant (2743 av. J.-C.), la dendrologie montre
une sécheresse cataclysmique que les sapins et les chênes ont
mis plusieurs années à surmonter. Les épisodes climatiques
dits anormaux sont connus à toutes les époques
Il est fascinant de pouvoir retracer les aléas de la nature et du climat avec cette précision, dans la succession des évènements d'une occupation qui a duré moins d'un siècle.
Commentaires sur les courbes
L'ambiance climatique durant la vie du sapin analysé était assez sèche car il avait un diamètre de 11 cm pour 90 ans : ce qui fait une croissance faible de 1,2 mm par an en moyenne. C'est une constatation faite sur tous les troncs.
Au cours de la première occupation, en l'an 9 du site, la production annuelle du bois est minimale en accord avec l'optimum du climat déterminé par l'analyse isotopique.
Quand les hommes sont revenus sur le site en 2618 av.
J.-C., le climat était tout à fait semblable à celui
de leur départ, 40 ans auparavant.
La deuxième occupation a pris fin brutalement vers 2598/2895 av. J.-C.
par la montée rapide et définitive du niveau du lac.
Ce phénomène cataclysmique correspond au maximum de la péjoration
climatique de notre courbe, dégradation qui avait commencé une
quinzaine d'années plus tôt, en 2613/2612 av. J.-C.
.
DES DONNEES PRECISES
SUR LA RAPIDITE DES VARIATIONS CLIMATIQUES
UN EXEMPLE DANS LES VILLAGES
NEOLITHIQUES DE CHARAVINES
par Aimé Bocquet