Aline EMERY - BARBIER
Laboratoire de Palynologie du Musée de l'Homme
(Rapport de fouilles, 1984)
L'étude des pollens s'intègre dans un travail de groupe dans
lequel différentes disciplines étudient les mêmes sédiments
livrant à l'analyse des témoignages concrets de la présence
humaine. La palynologie peut donc confronter ses résultats avec ceux
obtenus par les méthodes de datation basées sur la radioactivité
et la typologie ; en rapport avec la sédimentologie, l'étude
des macrorestes et la dendrochronologie, elle peut fournir des informations
d'ordre paléoethnographique concernant l'occupation du lac de Paladru
dans l'espace et dans le temps et l'exploitation du milieu naturel végétal
par une société néolithique.
1. OCCUPATIONS
SUCCESSIVES DES RIVES DU LAC
AVANT L'OCCUPATION DU SITE DE CHARAVINES
Trois mètres de sédiments
sur lesquels reposent les couches archéologiques ont été
étudiés (Réf. Emery-Barbier, 1986, fig. 1). L'analyse
permet d'enregistrer le passage d'un milieu fortement boisé où
dominent la Chênaie mixte et le noisetier à une Hêtraie-Sapinière
au sein de laquelle Fagus et Abies dominent tour à tour. La forêt
de feuillus reconstituée par l'expansion du noisetier mais aussi du
chêne, de l'orme et du tilleul, caractérise la période
Atlantique, plus humide et plus douce que la période actuelle. Faisant
suite à cet optimum climatique, une légère dégradation
conduisant à des conditions sub-continentales a amorcé la reconquête
locale du hêtre et du sapin en même temps que l'orme et le tilleul
régressaient très légèrement.
C'est au cours de cette dernière période, le Subboréal,
que se situe la principale occupation néolithique sur les rives du
lac de Paladru (4540 +/- 120 B.P). Mais l'examen de cette longue séquence
sédimentaire permet de mettre en évidence plusieurs phases de
retrait de la forêt étagées sur une période de
600 ou 700 ans et caractérisées principalement par une nette
diminution du pourcentage de pollen de sapin. La présence trois fois
répétée de céréales dans des niveaux correspondants,
ainsi que celle du lin, permet d'envisager que certains retraits de la forêt
ont une origine anthropique et que les zones riveraines ont été
occupées longtemps avant que ne s'installent les hommes de la civilisation
Saône-Rhône sur le site même de Charavines. Ainsi, dès
la fin de la période Atlantique le lac de Paladru a été
fréquenté ; mais c'est l'analyse des sédiments des couches
archéologiques de l'occupation principale séparée en
deux phases, qui fournit le plus de renseignements relatifs à l'influence
humaine sur l'environnement.
2. LES RAPPORTS ENTRE L'HOMME ET SON
MILIEU
2. 1. Actions sur la forêt : coupes et sélection des espèces
L'effet dominant de l'homme sur son milieu
est l'exploitation de la forêt qui lui fournit un matériau indispensable
à la réalisation de l'habitat, à la confection d'objets
usuels et décoratifs, ainsi qu'à l'alimentation des foyers domestiques
ou artisanaux. Le pourcentage de pollens arborescents, supérieur à
95 % avant l'arrivée de l'homme, chute à un taux de 65 % lors
de la première occupation et à celui de 65 % lors de la seconde.
Il est important de préciser que ces valeurs ont été
obtenues en excluant du nombre total de pollens, les grains issus d'espèces
dont la présence sur le site est indéniablement d'origine anthropique,
en l'occurrence ils diffèrent des résultats portés sur
le diagramme ; ceci place à un niveau plus réel l'importance
des travaux d'abattage effectués par l'homme.
L'analyse pollinique montre que l'exploitation des essences forestières
n'a pas été identique lors des deux occupations. L'étude
des bois a montré l'utilisation fondamentale du sapin dans la construction
du village et l'on peut constater, dès la première occupation,
que le pourcentage de pollen de cette espèce régresse jusqu'à
5%.
Au cours de la deuxième période d'occupation, les diminutions
du sapin et du hêtre sont parallèles et atteignent des valeurs
diminuées respectivement de 20 et de 30 %. Une telle modification dans
la population de hêtres ne semble pas justifiée par la quantité
de bois travaillé correspondant à cette espèce ; il est
probable que le hêtre a surtout servi de combustible. Durant cette phase
on enregistre un net retrait de l'orme. Il apparaît donc une évolution
dans l'utilisation du bois ; d'abord concentrée sur une seule espèce,
celle-ci s'est diversifiée en fonction des besoins et sans doute d'une
prise de connaissance des propriétés particulières à
chacune des essences.
Toutefois, la régénération de la Fagabiétaie semble
s'être réalisée rapidement. Après un abandon du
site estimé à trente ou quarante années, un taux de 95
% de pollens arborescents est à nouveau mis en évidence : le
sapin et le hêtre ont reconquis l'espace. Les exploitants forestiers,
pour des raisons pratiques et techniques, ont abattu des arbres de diamètres
moyens. Cette opération d'une part permet un afflux de lumière
au niveau des houppiers, favorisant la floraison et la production de graines
par les semenciers ; d'autre part elle détermine des trouées
à l'intérieur d'un peuplement plus ou moins élevé
dans lesquelles les jeunes sujets d'essences d'ombre ou de demi-lumière
comme le hêtre et le sapin peuvent se développer. Ainsi, l'utilisation
temporaire de la Fagabiétaie a pris la forme d'une gestion empirique
favorable à sa conservation. La conduite de la régénération
des hêtraies ou des sapinières fondée sur la connaissance
expérimentale de l'influence de la lumière sur les végétaux,
est pratiquée actuellement de la même manière sous le
nom de "futaie jardinée".
Il est possible de remarquer que le noisetier, le frêne et le saule
sont moins abondants après le départ des hommes. Au cours de
la seconde phase d'occupation, les pourcentages de pollen de Quercus et d'Ulmus
s'annuleront brièvement. Ultérieurement, la présence
toujours régulière de l'orme et du frêne sera considérablement
réduite : l'exemple de Charavines montre que les facteurs climatiques
au Subboréal se sont ajoutés aux facteurs anthropiques pour
provoquer le déclin de ces deux espèces.
L'étude de niveaux tourbeux
contemporains des couches archéologiques se situe à 400 mètres
des habitations néolithiques. Elle permet de suivre l'évolution
de la végétation et le devenir des clairières. La coupe
des sapins est compensée au niveau des pollens arborescents par une
poussée de l'aulne. Un recul plus important de la forêt affectant
toutes les espèces, détermine des trouées dans lesquelles
les fougères produisent une plus grande quantité de spores.
C'est dans ce milieu que se développent en association graminées
et cichoriées pour constituer un type de prairie humide. L'analyse
des macrorestes confirme ce fait par la mise en évidence dans les couches
d'habitat de graines de Molinia coerulea, alors que les graminées
constituant les prairies sèches ne sont pas représentées
; la prairie turficole est susceptible d'amélioration si le plan d'eau
est abaissé ou si un drainage est possible, mais le pourcentage élevé
de pollen d'aulne ne semble pas abonder dans ce sens ; d'autre part le fourrage
susceptible d'être récolté est médiocre, ce qui
pose le problème de la nourriture du bétail en hiver.
L'espace conquis sur la forêt a servi également aux cultures
: les mêmes niveaux tourbeux ont livré une colonne continue de
pollen de céréales dont le taux de représentation localise
en cet endroit la limite d'un champ cultivé ou le champ lui-même.
L'un des niveaux étudiés nous donne une valeur de 16 % ; celle-ci
n'est pas compatible avec les valeurs mises en évidence par les différents
travaux de méthodologie, ces derniers tendant à montrer qu'en
bordure des champs cultivés, les proportions atteignent rarement 12
%. On peut alors envisager que, à moins d'un facteur de dissémination
exceptionnel, le battage avait lieu quelquefois dans les champs. Dans les
couches d'habitat, les pollens de céréales atteignent 20 %,
ce qui peut situer une aire de stockage des épis, les glumes ayant
la particularité de retenir le pollen.
Il est possible de remarquer, parallèlement à la culture des
céréales, une alternance d'échantillons parfaitement
utilisables et d'échantillons stériles contenant une forte proportion
de charbons de bois. Cette observation fait envisager une méthode de
culture sur brûlis, appelée écobuage, présentant
l'avantage d'éviter tout travail de sarclage et permettant à
brève échéance de fertiliser le sol. L'absence dans le
spectre pollinique de plantes rudérales viendrait corroborer ce fait.
2. 3. Remarques sur quelques végétaux particuliers
Dans les couches d'habitat on observe
une plus grande fréquence de pollens de noyer, de tilleul, de lierre
et de houx. Des objets en bois de houx ont été retrouvés
; le travail de menuiserie est probablement responsable de cette sur-représentation
pollinique. Le lierre ramené au village avec les bois pouvait également
être consommé par les chèvres et les moutons. La noix
est comestible, mais en extrayait-on de l'huile ? Quelle était l'utilisation
réservée au tilleul ? Connaissait-on les propriétés
antispasmodiques, calmantes et rafraîchissantes de ses fleurs ou la
résistance et la flexibilité des fibres de l'écorce et
du liber étaient-elles mises à profit dans la confection de
cordages ?
Un seul grain de pollen de Linum a été identifié
(le lin est bien connu par ses graines et sa teille) mais un niveau de la
première phase d'occupation a livré 9 % de pollen de garance
(Rubia sp.). Étant donné les préférences
écologiques strictes de ce végétal, on doit admettre
son apport sur le site pour une utilisation peut-être tinctoriale.
Une dernière remarque concerne la courbe continue d'Allium (type
Ursinum) dont la fréquence atteint jusqu'à 4 et 5 %. Il s'agit
d'un exemple de culture, les pollens apparaissant et disparaissant avec la
présence humaine.
L'étude des pollens a permis de saisir certains aspects de la vie d'une
société néolithique ; si les points relatifs aux méthodes
alors employées sont encore hypothétiques, les recherches ont
mis l'accent sur les végétaux sélectionnés, cultivés
ou entretenus pour être employés en tant que comestibles, textiles
ou peut-être remèdes ? La palynologie est complémentaire
de l'étude des macrorestes et les résultats obtenus dans les
deux disciplines sont tout à fait en accord.
3. PETITS ÉLÉMENTS DE MACRORESTES VÉGÉTAUX : DÉTERMINATION DES ESPÈCES
Sur 21 triangles métriques et sur
les deux niveaux ont été récupérés quelques
éléments végétaux privilégiés (tableau
1) : copeaux et éclats de bois, baguettes et baguettes présentant
des traces de combustion (baguettes brûlées). 312 éléments
ont déjà été déterminés par K Lundström-Baudais
et il en reste encore quelques dizaines à analyser.
Bien que longue et fastidieuse, cette étude sur le terrain devait être
tentée afin de conforter certaines conclusions déjà possibles
à partir d'autres observations ou d'autres analyses. Quand toutes les
déterminations seront faites il sera intéressant d'en voir évoluer
la répartition spatiale. Déjà, comme le précise
le tableau ci-après, on peut tirer quelques enseignements:
- Les bois d'oeuvre utilisés pour les constructions ou aménagements
annexes ont été façonnés sur place, laissant de
nombreux copeaux.
- Les bois blancs semblent avoir été plus utilisés durant
la 2ème phase comparativement au sapin, ce qui confirme les conclusions
dendrochronologiques.
- Le houx, très abondant en baguettes et aussi baguettes brûlées,
est très intéressant. En effet, l'analyse palynologique d'un
coprolithe (A. Emery-Barbier) montre un bon pourcentage de pollen de houx
(6 sur 39) assez peu explicable. On doit relier les deux observations dans
la possibilité d'utilisation des feuilles de houx comme fourrage. Il
ne resterait sur place que des petites branches, dont certaines auraient ensuite
été employées comme combustible.
EMERY-BARBIER A., 1986. Variation du milieu et occupation du sol à Charavines (Isère). In : Bocquet A (Dir.) : Station des Baigneurs, village néolithique immergé (Isère, Charavines, lac de Paladru). Rapport de fouilles, d'études connexes et d'animations.
VARIATION
DU MILIEU ET OCCUPATION DU SOL
À CHARAVINES (ISÈRE)
Aline EMERY-BARBIER
Laboratoire de Palynologie du Musée de l'Homme
(Rapport de fouilles, 1986)
La culture Néolithique Saône-Rhône a pour distribution
géographique le Jura, la plaine de la Saône, la Suisse occidentale,
la Savoie et le sud du Dauphiné. Agriculteurs, ses éléments
sociaux se sont répartis surtout autour des lacs et dans les zones
basses et humides à partir du troisième millénaire avant
J.-C.. L'occupation des rives du lac de Paladru, à Charavines, par
les hommes de la civilisation Saône-Rhône a eu lieu tardivement
puisque le début de celle-ci est daté de 2540 +/- 120 B.C. Elle
s'est effectuée en deux phases de durée sensiblement égale
ou équivalente à vingt ou trente ans séparées
par une période d'abandon de trente ou quarante ans. Aucun habitat
antérieur n'a été signalé en ce lieu.
A Charavines, les analyses polliniques de colonnes parallèles de sédiments
ont permis de mettre en évidence certaines particularités de
l'occupation humaine ainsi que son extension dans l'espace, nécessitée
par l'agriculture et l'élevage.
Un certain nombre de conditions favorables
ont précédé l'installation humaine et il semblerait qu'un
changement de végétation soit l'une d'entre elles. L'analyse
pollinique des sédiments situés trois mètres sous les
couches archéologiques (fig.1) donne la représentation d'une
forêt de feuillus constituée de chêne, d'orme et de tilleul
avec une grande expansion du noisetier. Le hêtre et le sapin y sont
déjà présents en faible quantité. Ils se développeront
rapidement et constitueront à partir de -3000 B.C., un groupement végétal
caractéristique, la hêtraie-sapinière. Les exigences écologiques
du sapin étant voisines de celles du hêtre, les deux espèces
pourront se trouver mélangées et domineront tour à tour
en fonction du phénomène d'alternance des espèces. Ainsi,
à l'optimum climatique Atlantique a suivi, au début du troisième
millénaire B.C., une dégradation affectant principalement le
domaine des températures, et ces conditions ont permis l'installation
au Subboréal et en ce lieu d'une forêt Climacique présentant
les avantages classiques des peuplements mélangés ; meilleur
état des sols, plus grande résistance aux parasites, au vent,
à la neige : soit une plus grande prospérité de la forêt.
Actuellement, les forestiers tentent de maintenir ce milieu là où
il existe, ou de le recréer là où il a disparu.
La sélection du sapin par les hommes est nettement perçue au
niveau du diagramme pollinique : la longue séquence sédimentaire
antérieure à l'occupation permet de mettre en évidence
plusieurs phases de régression de la forêt étagées
sur une période de 600 ou 700 ans et caractérisée principalement
par une nette diminution du pourcentage de pollen de sapin. La présence
trois fois répétée des céréales dans les
niveaux correspondants ainsi que celle du lin permet d'envisager que certains
retraits de la forêt ont une origine anthropique et que les zones riveraines
ont été occupées longtemps avant que ne s'installent
les hommes de la civilisation Saône-Rhône, à la faveur
d'une baisse du niveau du lac. Il semblerait que la fréquentation humaine
et l'extension de la forêt soient étroitement liés pour
le site de Charavines.
La deuxième condition favorable
à Charavines est représentée par les facteurs édaphiques.
En effet, si le sapin permet de définir les conditions locales au Subboréal
en raison de son manque de plasticité vis-à-vis des éléments
naturels, le hêtre nous donne certaines indications relatives à
la qualité des sols sur lesquels s'est installée la hêtraie-sapinière.
Le hêtre manque de tolérance au point de vue des propriétés
physiques des sols qu'il exige frais et filtrants et dans lesquels il doit
trouver une nutrition minérale abondante. D'autre part, dans le groupement
hêtraie-sapinière, le hêtre maintient le sol dans un parfait
état d'équilibre.
Le biotope autour du lac de Paladru offre des conditions favorables à
l'implantation humaine, aux confins de deux écosystèmes et de
leurs ressources. La végétation est suffisamment diversifiée
en ce qui concerne les essences forestières pour pourvoir aux besoins
humains. Le sapin, particulièrement recherché, a peut-être
été sélectionné pour ses qualités technologiques,
sa facilité d'abattage ou sa résistance à la décomposition.
Quoi qu'il en soit, il a fourni un bois d'uvre de qualité, largement
utilisé dans la construction du village en regard des autres espèces
ayant servi de bois de feu ou d'outillage.
Le retrait du lac a mis à nu une
surface de craie lacustre propice à l'installation d'un hameau bien
exposé dans la partie Sud du lac. Le substrat crayeux a une propriété
importante : celle de se ramollir sous la pression, à la manière
des sables mouvants, ce qui permet l'enfoncement rapide, à grande profondeur,
de pieux destinés à soutenir les habitations.
Le déterminisme de la baisse de niveau du lac est mal connu: l'analyse
pollinique ne révèle aucune variation climatique susceptible
de la justifier. Les résultats obtenus par les études de dendrochronologie
indiquent une alternance d'années humides et sèches avant la
première occupation, alors que les cernes des arbres utilisés
lors de la deuxième période montrent une succession d'années
sèches ; la croissance de ces arbres s'est effectuée au cours
de la période d'abandon du village caractérisée par une
transgression lacustre. Un essai d'interprétation climatique aboutit
à un paradoxe ; est-il alors possible d'envisager une cause géologique
ou même anthropique ?.
voir ci-dessus Emery-Barbier, 1984.
Les sédiments de Charavines livrent
très peu de pollen de plantes herbacées : la plus grande proportion
de ceux-ci a été mise en évidence au niveau de la tourbe
dans les couches précédant l'agriculture et révèle
la présence essentielle des Graminées mélangées
à quelques Cichoriées. L'analyse des macrorestes végétaux
a permis d'identifier dans les couches d'habitat des grains de Molinia coerulea,
graminée des prairies humides. Cette graminée constitue un aliment
pauvre et le fourrage susceptible d'être récolté est de
qualité tout à fait médiocre. Ceci permet de poser le
problème de la nourriture du bétail (chèvres et moutons
pour les herbivores), l'élevage étant pratiqué dans le
village.
L'analyse de quelques coprolithe a été réalisée
; elle permet de les classer en deux types :
- Les uns comprennent une forte proportion de hêtre et de sapin et ne
nous apportent pas d'informations sur les modalités de l'élevage,
ces animaux se nourrissaient dans ou en bordure de la forêt.
- Les autres sont exclusivement constitués du point de vue botanique
par des Ombellifères, des Cichoriées, des spores et des sporanges
de polypode. Cette composition fournit deux indications ; la première
concerne les fougères, qui ne sont généralement pas consommées
par les animaux : leur présence dans les coprolithes montre que les
fragments de limbes ont été ingérés avec les aliments
et que les fougères étaient utilisées comme litière.
La seconde indication est la présence dans les coprolithes d'un ensemble
végétal plus riche que la prairie turficole, n'appartenant pas
à la flore herbacée accompagnant la hêtraie-sapinière,
mais évoquant plutôt une prairie sèche d'altitude. L'observation
de la flore régionale contemporaine à partir des diagrammes
palynologiques permet de dire que les Cichoriées et les Ombellifères
susceptibles de correspondre aux préférences alimentaires animales
étaient bien représentées à partir de 1500 mètres
et qu'il y avait sans doute déplacement loin du village pour récolter
la nourriture ou emmener paître le troupeau.
Le village a donc été le centre d'activités agricoles et techniques ayant nécessité un éloignement de plus en plus grand, tant pour la culture des céréales que pour l'élevage, par suite de l'appauvrissement des sols et des besoins du bétail.
Bibliographie
EMERY-BARBIER A., 1984. Interprétation sommaire des analyses palynologiques. In : Bocquet A. (Dir) : Station des Baigneurs, village néolithique immergé (Isère, Charavines, lac de Paladru). Rapport de fouilles, d'études connexes et d'animations.
ANALYSE
POLLINIQUE DES COPROLITHES DE
CHARAVINES-LES BAIGNEURS
Hervé RICHARD
Laboratoire de Chrono-Écologie, URA 35 CNRS, Faculté des Sciences
Besançon (Doubs, France)
(Rapport de fouilles, 1986)
Une analyse de coprolithes effectuée sur le site lacustre de Clairvaux
(Lambert-Jauretche et alii, 1983) avait abouti à de nombreuses questions
restées sans réponse ; nous pensions grâce aux coprolithes
de Charavines, plus nombreux, en éluder quelques-unes. Malheureusement,
de nouveaux problèmes se sont posés comme la mauvaise conservation
et la pauvreté de ces échantillons qui rendent toute interprétation
difficile voire aléatoire.
Les échantillons de Clairvaux, quand ils n'étaient pas carbonisés,
étaient riches en matériel sporo-pollinique, nous avons donc
préparé les 4 premiers échantillons de Charavines comme
ceux de Clairvaux, c'est-à-dire avec la méthode dite NaOH. Un
premier décompte au microscope a démontré l'extrême
pauvreté de ces échantillons. Ils ont alors été
préparés avec la méthode employant une liqueur lourde
: la solution de Thoulet. Une nouvelle fois, malgré les performances
de cette méthode de concentration, les échantillons se sont
révélés très pauvres.
Les tableaux 1 et 2 rassemblent les résultats des 26 échantillons
analysés à ce jour : 23 échantillons de l'ensemble B3
et 3 de l'ensemble B1. Avant préparation les échantillons étaient
soigneusement lavés et lorsqu'ils étaient suffisamment gros
la carapace extérieure était éliminée et seule
la partie intérieure était analysée (indication "cur"
sur le tableau 1). Les résultats des sept échantillons les plus
riches sont exprimés en pourcentages, les autres en nombre de pollens.
Ces analyses posent de nombreux problèmes interprétatifs. Il
faut d'abord essayer de saisir la cause de la dégradation des pollens.
En effet, les coprolithes de Clairvaux - à peu près contemporains
et conservés dans le même milieu - sont riches, les excréments
frais sont extrêmement riches: une crotte de mouton peut renfermer plus
de 10.000 pollens parfaitement conservés.
Des analyses effectuées sur des coprolithes carbonisés montrent
une suppression presque totale des spores et des pollens, on peut alors se
demander si une grande partie des coprolithes de Charavines n'a pas été
altérée par carbonisation, sans exclure d'autres interventions
physico-chimiques. Ensuite, les résultats montrent de nombreuses incohérences:
comment par exemple expliquer la sur-représentation du hêtre
(41 pollens sur 54) dans l'échantillon 25. 0 B3, les 31 pollens de
lierre sur 80 dans l'échantillon 27.30 B3, les 30,4% de céréales
dans 29.28 B3.
L'analyse d'excréments frais actuels montre, ce qui est parfaitement
logique, une écrasante majorité (plus de 99%) de pollens de
plantes herbacées, or ici les pollens d'arbres ou d'arbustes représentent
souvent plus de la moitié des pollens comptés. Seul l'échantillon
29.28 B3, et éventuellement le 29.32 B3 trop pauvre malheureusement,
pourrait se rapprocher de l'image pollinique attendue dans ce genre d'échantillon,
c'est-à-dire en majorité herbacée avec une dominance
pour ce cas précis de céréales, de cichoriées
et de rosacées. Mais là aussi ce régime alimentaire colle
difficilement avec ce qu'on sait de l'environnement végétal
de cette époque. Et même s'il est probable que les moutons paissaient
dans des prairies largement envahies par des arbres et arbustes et également
en forêt, il est inconcevable de retrouver des pollens de plantes fleurissant
à la fin de l'hiver comme le noisetier et l'aulne dans le même
coprolithe, donc normalement ingérés en même temps que
des pollens de plantes de fin de printemps comme le sapin, le pin et le chêne
(cf. échantillon 27.20 B3, 25.8 B1).
Lors de l'analyse des coprolithes de Clairvaux et face à ce problème
identique avait été envisagée l'éventualité
d'une pollution des excréments lorsqu'ils étaient encore frais
par les niveaux encaissants. Une comparaison des résultats obtenus
ici avec les analyses effectuées sur les niveaux d'où proviennent
ces coprolithes apporterait peut-être quelques éléments
de réponses supplémentaires.
Bibliographie
LAMBERT-JAURETCHE G., PETREQUIN P et RICHARD H., 1983. Périodicité de l'habitat lacustre néolithique et rythmes agricoles. L'Anthropologie, t. 87, n° 3, p. 393-411, 11 fig.
UN COPROLITHE DE CARNIVORE ( ? )
ANALYSE PALYNOLOGIQUE
Hervé RICHARD
Laboratoire de Chrono-Écologie, URA 35 CNRS, Faculté des Sciences
Besançon (Doubs, France)
(Rapport de fouilles, 1987)
La détermination de ce morceau de coprolithe (?) n'est pas facile.
Il faut supposer, qu'étant fortement carbonisé, il a perdu une
partie importante de son volume (trouvé en 2.34. couche B1).
A partir de là, sa forme pointue permet d'avancer qu'il s'agit d'un
coprolithe de carnivore : renard (?) ou chien (?).
Autre possibilité moins évidente, sa forme étant très
légèrement vrillée, il peut s'agir du coprolithe d'un
gros mustélidé : blaireau peut-être.
La carbonisation a également détruit presque entièrement
le contenu sporo-pollinique. De plus, pour éviter sa destruction, quelques
mm3 seulement ont été prélevés.
La préparation chimique a fait appel à une liqueur lourde :
la solution de Thoulet.
L'analyse totale du culot obtenu après cette préparation n'a
donné que 20 pollens déterminables : deux Betula, cinq Corylus,
un Pinus, six graminées, deux cichoriées, un Artemisia, un rubiacée,
un céréale, un Rumex et un pollen indéterminable.
Un nombre aussi faible ne permet pas de proposer de conclusions sérieuses.
Il faut noter simplement que les herbacées sont légèrement
dominantes (12 pollens/20).