Le haut Moyen-Âge
Les Barbares Alamans, Alains, Visigoths, Vandales, etc., ont parcouru la vallée
du Rhône et ses marges : ont-elles touché Balazuc ?
En 613, le Vivarais est propriété d'un roi franc Clothaire II, père de Dagobert.
Charlemagne laisse cette province aux Burgondes. Le pays profite de la faiblesse
de ses successeurs pour s'émanciper car le pouvoir est loin…
Pendant trois siècles les Gallo-Romains du sud de la Loire se sont peu à peu
" francisés " par le contact avec la dynastie mérovingienne du nord et de
l'est de la France, aux successions compliquées et aux méthodes souvent radicales
dans la conquête du pouvoir dans les différents royaumes francs.
En 1037 le Vivarais est rattaché au Saint Empire romain germanique.
Les premiers
seigneurs de Balazuc
Vers 732, après le coup d'arrêt donné à l'invasion arabe par Charles Martel
à Poitiers, c'est le reflux sarrazin vers le sud et la Provence où quelques
groupes se maintiennent en divers lieux. Ainsi, d'après la légende, des gens
de l'Emir Yousouf auraient fondé à Balazuc une colonie de pêche et de chasse.
Aucuns vestiges de cette occupation ne peuvent se retrouver dans l'architecture
du village. Charles Martel ne reconquit le Midi qu'en 739. Pour récompenser
ses chefs de guerre, Charles Martel leur a attribué divers postes ou avantages
en Europe. Ainsi les mines d'argent de Largentière et sa région auraient été
données à Wilhelm Hastafracta, Guillaume " lance brisée ", noble général
de l'est de la France qui serait à l'origine de la famille des seigneurs de
Balazuc, dont les aînés se prénommait généralement Guillaume pour perpétuer
ce souvenir.
Pons de Balazuc,
fils de Girard de Balazuc, seigneur de Larnas et de Saint-Montan, est le plus
illustre et le plus connu des anciens sires de Balazuc. Chevalier du Comte
Raymond de Toulouse, Pons part avec lui pour la première croisade en 1096
; il se lie avec un chanoire du Puy-en-Velay, Raymond d'Agiles, et tous deux
décident d'écrire le récit de leurs aventures. Ainsi naît " l'Histoire des
Français qui prirent Jérusalem " (Historia francorum qui ceperunt Hierusalem).
Après la chute de Nicée et d'Antioche, Pons figure parmi les quelques guerriers
qui pensent avoir découvert la Sainte-Lance. Mais, en juillet 1099, au siège
d'Arcos, tout près de Jérusalem, Pons meurt frappé au front par une grosse
pierre.
Aux XIIe et
XIIIe siècles
On possède peu de documents de cette période : tout au plus sait-on que Pierre
de Balazuc épouse en 1189 Catherine de Vierne. Celle-ci et son fils Guillaume
ont reçu en 1252 l'hommage de leur vassal Adalbert de Vogüé. On situe au XIIe
siècle la construction de l'église romane qu'on appelle aujourd'hui " la Vieille
Eglise " et d'une première enceinte limitée au cœur du village.
Une prospérité nouvelle, au XIIIe siècle, permet l'édification d'un nouveau
rempart enserrant un bourg bien plus étendu, d'un solide donjon qui rivalise
avec ceux de Montréal. De riches familles s'établissent dans des très belles
demeures qu'on nomme " maison de chevalier ".
Guilhem de Balaün
Vers 1200, le domaine a pour maître un curieux personnage, Guillaume, arrière
petit-fils de Pons ; on se plait à l'appeler à Balazuc Guillaume le Troubadour
car il fut toubadour à la cour des comtes de Toulouse. Mais il faut pas le
confondre avec le très connu Guillaume le Troubadour, duc d'Aquitaine et de
Gascogne au XIe siècle qui fut le premier poète à écrire en langue d'oc.
Momentanément en froid avec celle qu'il aime, la dame de Joviac, il accepte
pour se réconcilier avec elle de lui composer une chanson… et de s'arracher
un ongle pour le lui présenter en gage de fidélité. Absorbé par cette passion,
il néglige son patrimoine, ce qui le contraint à vendre les mines de Largentière
à l'Evêque de Viviers.
Malgré cette amputation, ses successeurs - en particulier Guillaume de Sanas
- demeurent des féodaux importants, vivant à Balazuc, entourés d'une véritable
petite cour avec pages, écuyers, damoiseaux, un notaire, un lieutenant de
bailliage, un juge et même un champion du juge, chargé de procéder par les
armes à l'exécution des sentences rendues.
Au XIVe siècle
En 1303, lorsque se tient à Montpellier l'assemblée préparatoire aux Etats
Généraux, le sire de Balazuc du moment, Guillaume des Eperviers (dont l'écusson
figure sur la porte de la chapelle de Saint Jean-Baptiste), fait partie des
quatorze nobles du Vivarais, qui, par leur présence, viennent affirmer leur
solidarité au roi Philippe le Bel dans le conflit l'opposant au Pape Boniface
VIII.
En 1345, Albert de Balazuc épouse Pelette de Montréal et, par le mariage de
son seigneur, le fief de Balazuc s'agrandit ainsi des terres de Montréal,
Croze, Uzer, et Montbrison.
En pleine guerre de Cent ans, les seigneurs de Balazuc, participent à la lutte
contre les bandes de brigands qui dévastent le pays, les " Routiers " et les
remparts solides offrent la sécurité pour Balazuc et ses alentours.
Au XVe siècle
Au début du XVe siècle, le maître de Balazuc se nomme Guinot. Comme plusieurs
de ses prédécesseurs, il connaît de graves difficultés fi-nancières. Celles-ci
font bien l'affaire des sires de Vogüé : il doit en effet leur abandonner
ses droits sur Rochecolombe, berceau de leur famille.
L' " Estime " (document fiscal établi par une autorité de tutelle) dressée
en 1464 par un officier principal du château de Balazuc donnent la première
description assez précise du village. On y apprend que la vieille demeure
sei-gneuriale appelée " Chastelvieil " - derrière l'église romane - tombe
en ruine, que l'on peut voir, donnant dans ses ruelles, une forge ainsi qu'un
atelier de " fustier " (menuisier) en partie installé dans une " beaume "
(abri naturel sous les rochers). Balazuc est trois fois plus peuplé qu'Uzer
et que Vogüé et dix fois moins qu'Aubenas. Il est permis d'évaluer sa population
à 5 ou 600 habitants. Le mas de Servières existe déjà.
Au XVIe siècle
Depuis pas mal de temps, les seigneurs de Balazuc ne sont plus les descendants
directs de Pons. Au début du XVIe siècle, ils ne résident même plus au village
qu'ils ont quitté pour le Château de la Borie (actuelle commune de Pradons).
Balazuc n'est cependant pas délaissé puis-qu'à cette époque " Chastelvieil
" - aussi dénommé " la Roquette " - est restauré dans un style à la fois roman
et " renaissance ".
Lorsque la Réforme se répand en Vivarais, Balazuc devient une place-forte
catholique mais nombre de localités voisines se rangent du côté huguenot (Uzer,
Lagorce, Saint-Germain, Villeneuve-de-Berg,…). L'abside de l'église romane
est alors surélevée en tour de défense (1566).
Le 12 janvier 1576, c'est la résidence du sire de Balazuc, le Château de la
Borie, qui accueille les négociateurs du traité de paix entre les catholiques
et les protestants de la région, traité qui sera respecté jusqu'en 1585.
Dans les années qui suivent, le chef de la maison de Balazuc, Jean, plus connu
sous le nom de "brave de Montréal ", guerroie à la tête des catholiques
vivarois, et lorsque, par la suite, Louis XIII et Richelieu viennent traquer
les huguenots du Midi, son fils, Guillaume, est l'un de leurs principaux lieutenants.
Mais ces Balazuc ne sont pas pour autant les maîtres de la seigneurie de ce
nom : tout au plus possèdent-ils une habitation au village. Leur descendance
s'éloignera du Bas-Vivarais pour essaimer du côté du Pouzin et de Chomérac
en Ardèche.
Au XVIIe siècle
Au début du XVIIe siècle, c'est aux Bor-nes de Logères - également propriétaires
à Gras et à Saint-Maurice-d'Ibie - que la Baronnie de Balazuc appartient.
Leur héritière, Jacqueline de la Borie, va consacrer sa très longue existence
à l'embellissement du château du même nom. Elle en active la restauration
entreprise par son premier époux, le marquis de Lafare, le meuble luxueusement,
y reçoit des visiteurs de marque comme Madame de la Sablière, femme de lettres
parisienne.
Elle ne néglige cependant pas Balazuc où elle se fait conduire en chaise à
porteurs pour les cérémonies religieuses importantes.
Au XVIIIe siècle
Le petit-fils de Jacqueline, Charles-François de Lafare, est sans doute moins
attaché qu'elle au patrimoine familial puisque, en 1728, il vend la totalité
de ses droits et propriétés à un jeune spéculateur parisien, Bonnier de la
Mosson, fils d'un riche banquier lyonnais. En 1738, ce Bonnier recède l'ensemble
pour la somme considérable de 360.000 livres au Comte Cérice-François de Vogüé.
Ce dernier conçoit une grande satisfaction de cette acquisition, lui dont
les ancêtres étaient il y a très longtemps vassaux des sires de Balazuc. Entre
temps, Balazuc connaît une chaude alerte avec la peste noire de 1721 qui,
partie de Marseille, se propage à travers le Midi. Tous les habitants du hameau
d'Audon - sauf un - en périssent mais l'épidémie s'arrête au bord de la rivière
que des hommes d'armes appelés en hâte empêchent quiconque de franchir.
Un peu avant la Révolution, Balazuc est signalé comme un village pauvre dont
les habitants ne produisent qu'un peu de blé, un peu de vin, un peu d'huile
et quelques cocons. Aussi rien d'étonnant à ce qu'en 1789, dans leur Cahier
de Doléances, les Balazucains se plaignent surtout de la lourdeur des impôts
- en particulier de la dîme, payée au clergé - et de l'exclusivité du droit
de chasse pour le seigneur.
Au moment de la désignation des députés aux Etats Généraux convoqués à Versailles,
c'est le Comte Louis-François de Balazuc qui préside la réunion des trois
ordres du Bas-Vivarais à Villeneuve-de-Berg mais il réside à Chomérac et n'a
plus de Balazuc que le nom.
En 1790, Balazuc est érigé en commune relevant du canton de Vallon mais l'Ardèche
- bien que la traversée en soit assurée par un bac public tenu par un concessionnaire
- sépare le village du hameau d'Audon - qui renaît sur le plateau après la
peste - et de celui de Servières.
Sous le Directoire, les bois qui bordent le Gras servent de repaires aux "
brigands royaux " qui attaquent les convois de la République circulant sur
la route Aubenas-Joyeuse.
Au XIXe siècle
Dès le début du XIXe siècle, la commune connaît un certain développement grâce
à l'essor de la production de la soie. Malgré d'épouvantables épidémies touchant
surtout les enfants, le nombre d'habitants passe de 576 en 1801 à 905 en 1851.
Mais, du fait de la surpopulation qui en résulte, la prospérité ne profite
pas à tous et beaucoup de Balazucains continuent à vivre misérablement.
C'est alors l'époque du maire Alexandre Tastevin, riche propriétaire du hameau
des Salles, célèbre par ses excentricités, C'est l'époque aussi de la confrérie
de la Vache, association à vocation charitable qui tue chaque année une vache
pour en distribuer la viande aux indigents mais dont le banquet rituel tourne
en libations excessives, à tel point que le curé en prononce la dissolution
en 1845.
En 1851, des Balazucains participent à la marche des républicains de Largentière
en riposte au coup d'Etat du 2 décembre. Six d'entre eux sont arrêtés et condamnés.
Dans les années suivantes, Balazuc, comme bien d'autres villages ardéchois,
est frappé par un double fléau : la pébrine, maladie du ver à soie,
et le phylloxéra, qui dévaste toutes les vignes. Pour beaucoup c'est
la ruine et le départ vers les villes : la commune n'a plus que 684 habitants
au recensement de 1881.
Cependant, peu à peu la sériciculture redémarre et le vignoble se reconstitue
tandis qu'interviennent d'importantes réalisations. En 1876 est mise en service
la voie ferrée Le Teil-Alès avec une gare à Balazuc. En 1884, on inaugure
le pont. Six ans plus tard, cet ouvrage tout récent résiste sans problème
à la monstrueuse crue de l'Ardèche du 22 septembre 1890 qui emporte comme
un fétu de paille le toit du vieux moulin.
Une communication facile entre les deux rives de la rivière étant ainsi assurée,
Servières cesse d'appartenir à la paroisse de Lanas et Audon à celle d'Uzer.
Le nombre de fidèles devient tel que la vieille église romane n'est plus assez
grande pour tous les accueillir : il faut en construire une nouvelle, ce qui
se fait en 1892. Autre transformation : en 1897 on perce une route à travers
le village, route taillée à la dynamite dans les rochers mais aussi au prix
de la destruction de quelques bâtisses médiévales.
Au XXe siècle
Après la guerre de 1914-1918, Balazuc n'a plus que 456 habitants, l'élevage
du ver à soie vivote mais les premiers vergers apparaissent. En 1940, au moment
de " l'exode ", le village reçoit plusieurs dizaines de réfugiés belges. En
août 1944, pour prévenir la traversée de l'Ardèche par les Allemands en retraite,
la Résistance fait sauter l'arche centrale du pont. On la reconstruit dès
l'année suivante.
C'est à partir de 1950 que, peu à peu, la vocation touristique de Balazuc
se précise. Au fil des ans, les visiteurs se font plus nombreux, attirés par
ses antiques ruelles, par ses plages de sable fin, venant de toute la France,
de Belgique, d'Allemagne, de Hollande, de Suisse,…
On achète des maisons croulantes, on les restaure, on construit du neuf au
point qu'en 1982, 56% des demeures balazucaines sont des résidences secondaires,
soit la plus forte proportion de la région.
Ces résidences secondaires, les camps de vacances, le camping, apportent l'été
plusieurs centaines d'habitants supplémentaires mais, l'automne venu, Balazuc
retrouve sa séréni-té. Au dernier recensement, celui de 1999, on a dénombré
339 habitants, dont bien plus de retraités que d'exploitants agricoles soit
une reprise sérieuse par rapport à 1975 où la population de la commune était
de 213 âmes et 1982 de 275.