Le peuplement des Alpes est déterminé par le relief, les voies naturelles de circulation et la position de la région entre Suisse, plaine du Pô et vallée du Rhône.
Les chasseurs de rennes, à la fin du Paléolithique supérieur (12.000 à 9.000 av. J.-C.), ont laissé quelques restes sur le bord des rivières et des torrents, y compris de ceux des massifs préalpins. Le réchauffement climatique s’affirmant, les premières forêts limitèrent la diffusion humaine et seuls des chasseurs mésolithiques entre 8000 et 6000 av. J.-C., s’aventurèrent au-dessus de la limite de la végétation arborée ou s'installèrent temporairement dans la Chartreuse et en Vercors.
Puis vint l’époque des agriculteurs-éleveurs avec le Néolithique ancien, seulement représenté par quelques communautés de chasseurs mésolithiques en voie de néolithisation depuis le Rhône supérieur au Nord et par les civilisations méridionales au Sud, dès 5300/5200 BC.
Au Néolithique moyen, à partir de 4500 av. J.-C., les premières colonisations de territoires vierges arrivent du Sud (Civilisation chasséenne) et de Suisse (Civilisation de Cortaillod). Un domaine alpin d'altitude se crée en haute Maurienne et haute Tarentaise directement relié au Val d'Aoste et au Val de Suse par les cols, sous l'influence des "Cortaillod" établis en Valais sur le haut Rhône pour exploiter les roches vertes destinées à la fabrication des haches polies, largement diffusées en Europe occidentale. Au Néolithique final, le même partage entre influences méridionales (Néolithique récent méridional) et helvétiques (Néolithique récent rhodanien) se manifeste avec la conquête de nouveaux territoires.
Les premiers bronzes sont importés de la civilisation du Rhône du Valais, au Bronze ancien ( à partir de 2000 av. J.-C.) puis de la civilisation des Tumulus du Sud-Ouest de l’Allemage et de Suisse, au Bronze moyen sans qu'il y ait de véritable production locale. Celle-ci apparaît avec la lente et progressive imprégnation technique et culturelle issue de l'Europe moyenne, de Suisse, de France orientale et d'Italie au début du Bronze final, vers 1300 av. J.-C. Les Alpins ont alors des productions métalliques originales, influencées par les contacts avec l'Italie. Cette production est complétée par celles des nouveaux ateliers installés au bord des lacs par des migrants venant du nord.
A la fin du Bronze final (800 av. J.-C.) se met en place une métallurgie spécifique en altitude dans les Hautes-Alpes. Puis se placent les premières atteintes des envahisseurs hallstattiens avec soit l'installation de "colonies" sur le Buech et la Durance dans les Hautes-Alpes, soit la prise de contrôle du commerce transalpin par les hautes vallées et les cols; les indigènes profitent de ce trafic qui les enrichit et facilite la création d'une véritable civilisation alpine originale, fondée sur le bronze et les productions locales à la fin du 1er âge du Fer. Les Gaulois ne poursuivent pas, au 2ème âge du Fer, l'utilisation intensive des cols mais les Alpins conserveront leur originalité et leur puissance qui fera obstacle à la pénétration romaine jusqu'à Auguste, en 14 av. J.-C.
Conclusion:
La protohistoire des Alpes est marquée par trois stades majeurs: la néolithisation au Ve millénaire et la création d'un peuplement alpin d'altitude, à cheval sur la Savoie et l’Italie, lié à la fabrication des haches polies, la généralisation du bronze à la fin du IIe millénaire et l'incorporation des Alpes à la vie économique européenne à partir du VIIe siècle, favorisant la naissance d'une civilisation alpine originale. Ces stades s'accompagnent de modifications techniques mais aussi et surtout de changements dans les mentalités, les statuts sociaux et la maîtrise du territoire.
LES ALPES FRANCAISES AVANT L’HISTOIRE
par Aimé Bocquet