HISTORIQUE DES RECHERCHES

Le lac de Paladru occupe une dépression d'origine glaciaire dans les collines du Bas-Dauphiné entre Lyon et Grenoble. Il baigne des rives souvent abruptes et boisées et malgré une fréquentation de plus en plus grande, il conserve souvent son aspect sauvage, au milieu d'une campagne dont les modes de culture comme l'habitat traditionnel fleurent un passé plein de charme et de poésie.

Au large des plages de Charavines, au sud du lac, le village néolithique des Baigneurs est ennoyé sous quelques mètres d'eau à une centaine de mètres du rivage ; c'est lui dont la vie sera retracée ici.

Mais ce ne sont pas les seuls vestiges archéologiques du lac car plusieurs collectivités médiévales se sont installées après l'an mil sur certaines rives accueillantes et le gisement voisin de Colletière est fouillé actuellement par une équipe d'historiens.

Le site néolithique a été reconnu en 1906 par Félix Jourdan qui le signalait à l'archéologue grenoblois Hippolyte Müller ; celui-ci en automne 1921 profitait d'une baisse exceptionnelle des eaux du lac de Paladru pour explorer cette "cité lacustre". Avec quelques amis il effectua trois sondages entre les pieux émergeant de la vase qui livrèrent plusieurs outils de silex, une meule et de la céramique. Puis les eaux du lac reprirent leur niveau normal et cette découverte n'eut pas de lendemain.

Un demi-siècle plus tard, en 1971, nous apprenions par hasard que des aménagements étaient projetés sur les rives du lac : les pouvoirs publics envisageaient d'agrandir la plage municipale, donc de faire disparaître les vestiges préhistoriques. Or, à l'automne, heureux hasard, les eaux baissèrent à nouveau, sans atteindre pourtant le niveau de 1921 : ceci nous permis un sondage exploratoire qui a révélé l'intérêt du site.

C'est alors que fut montée une vaste opération de sauvetage, avant que l'irrémédiable ne soit accompli. Dès l'hiver 1971 et au printemps 1972, une équipe de bénévoles a entrepris la topographie précise des pieux qui émergeaient de la vase couvrant toute la surface de la station néolithique. Plus de 600 ont alors été repérés, portés sur plan et matérialisés par des plaques afin qu'ils soient visibles par photo aérienne. Heureusement, le niveau du lac était tel que des bottes suffisaient pour se promener dans le village; mais le froid et la neige ont rendu ces opérations préliminaires indispensables bien difficiles.

Complétant les quelques sondages, cette topographie permit de juger que le village était pratiquement intact depuis son enfouissement et son immersion par la montée du lac. La chance était inespérée de posséder un habitat néolithique parfaitement conservé, que les amateurs d'antiquités du siècle dernier n'avaient pas bouleversé, comme ce fut malheureusement le cas pour bien des stations lacustres en Europe occidentale. C'est donc sur ces bases pleines de promesses que les fouilles furent entreprises, fouilles subaquatiques bien sûr, car en temps normal, les vestiges sont recouverts de 2 à 4 m d'eau. Des techniques nouvelles devaient entrer en jeu et ce ne fut pas une petite affaire que de les mettre au point et de les adapter à nos problèmes spécifiques.


Au fil des années ces techniques se sont améliorées, sur des principes de base toujours respectés: décapage des niveaux et analyse de tous les sédiments sortis.
Les fouilles et les études archéologiques ne furent possibles que grâce à la compréhension et aux financements du Ministère de la Culture, du Conseil Général de l'Isère, du Centre National de Recherches Scientifiques, de l'Etablissement public Rhône-Alpes, de la ville de Grenoble et de la ville de Charavines. L'argent public étant toujours chichement accordé, rien n'aurait été réalisé sans quelques financement privés et les 300 volontaires bénévoles qui se sont succédés dans le Centre de Documentation de la Préhistoire Alpine, tant sur la fouille du site de 1972 à 1986 qu'au laboratoire pendant 33 ans pour le patient travail de classement, tri, dessin, reconstitution, mise au net des plans, informatisation des données, etc.

Des fouilles pendant 15 ans !

Dans le bourg, et dès le début, les habitants, les commerçants et les édiles facilitèrent au maximum notre tâche d'installation et d'exploitation durant les mois de juillet qui voyaient s'agiter, parfois bruyamment, une trentaine de jeunes au bord du lac. Les terrains nécessaires et leur aménagement nous furent accordés et même la gendarmerie assurait notre protection et notre tranquillité. Tous étaient conscients de l'intérêt des recherches et fiers de lire les articles de journaux ou de voir des reportages à la télévision qui parlaient de leur pays.

La municipalité nous fit l'honneur de graver une médaille en bronze aux armes de la ville (un dauphin et un poignard en silex avec son manche…) et illustrée par une ronde bosse figurant le village néolithique, d'après un dessin d'André Houot : cette attention dit assez l'estime portée à nos travaux et à nos fouilleurs, ce dont je suis personnellement reconnaissant aux élus municipaux.

 

Je les remercie tous de leur aide et de leur compréhension, en particulier les maires, Messieurs Ribaud, Meunier-Carruz et Papait.
Nous les avons tenus au courant des fouilles avec des journées " portes ouvertes ", des conférences et des expositions temporaires dans une salle de classe de l'école, surveillées et animées par un membre de l'équipe de fouille. Si les habitants et les touristes assistaient nombreux à ces manifestations, ils venaient aussi, avec les enfants, se renseigner sur la base, interrogeant fouilleurs et fouilleuses, admirant les objets sortis de l'eau et s'amusaient du départ et de l'arrivée des plongeurs.

 

retour au sommaire

PAGE SUIVANTE

 

 

RETOUR AU SOMMAIRE
Topographie et marquage des 650 pieux visibles.
Hiver 1971-72
Le site à Noël 1971
Sondage de H. Müller en 1921
Photos aériennes, février 1972.
Cliché J. Rebillard
Installation du camp en 1972 sur un terrain municipal.
La base des fouilles en 1975
Médaille et armes de la ville de Charavines éditées en 1984 avec le village néolithique et un poignard en silex (d'après dessins d'A. Houot)
Base flottante sur le site. On aperçoit dans l'eau le cadre triangulaire et un plongeur.
Se reporter aux photos de fouilles
pour des illustrations complémentaires