La route d'Hannibal passe à l'ouest de la Chartreuse
et non par la vallée du Grésivaudan.
Routes gauloises par
la Chartreuse et par le Grésivaudan, celle-ci étant beaucoup
plus longue (un jour de plus) pour atteindre Chambéry et l'oppidum
de Saint-Saturnin.
Depuis la basse vallée de l'Isère admise par bien des auteurs
comme utilisée par Hannibal, mon itinéraire s'en écarte
totalement à partir du débouché de la cluse de Voreppe
à la sortie des massifs subalpins de Chartreuse et du Vercors. De là,
l'armée remonte vers le nord sur un chemin que personne n'avait envisagé
jusqu'à maintenant : il parcourt des régions fort occupées
et pas vraiment montagneuses, dans une zone frontière entre deux territoires
allobroges.
Quels
sont les arguments qui m'ont incité à ce choix ? Il y en a plusieurs.
D'abord trouver le premier lieu d'accrochage entre Gaulois et Puniques à
145 km (800 stades) du Rhône ; celui-ci devait, en plus, se placer près
d'une ville ou de villages suffisamment peuplés susceptibles de fournir
un contigent de soldats apte à tenir un défilé et posséder
des vivres assez abondants pour nourrir pendant " deux à trois
jours " une armée de 38.000 hommes et 6.000 cavaliers
Où trouver ces agglomérations ? Au cur des Alpes je ne
connaissais qu'un site convenant par sa taille et par sa densité de
population : le bassin de Chambéry dominé par le puissant oppidum
de Saint-Saturnin. Autour de Chambéry, où découvrir un
défilé surplombant un précipice susceptible de correspondre
au lieu du pillage décrit par Polybe ? La cluse de Chambéry,
le Grésivaudan ou la large vallée de l'Isère ne présentent
aucun de ces caractères : tout est plat. Pour atteindre le bassin de
Chambéry il ne restait que la Chartreuse et la vallée de Couz
ouverte par le défilé de Vimines-Saint-Cassin sur les abords
immédiats de la ville. Voilà l'élément majeur
de mon choix conforté par le gain d'une étape et l'intérêt
de réduire une poche de résistance éventuelle autour
de l'oppidum.
L'oppidum
de Saint Saturnin domine Chambéry, au-dessus du Lemincum gallo-romain,
devenu aujourd'hui le quartier de Lémenc. Avec une dizaine d'hectares
de surface, le deuxième en importance en Allobrogie, c'était
une place forte essentielle pour les Gaulois qui constituait une menace potentielle
à l'arrière d'une armée pénétrant dans
les Alpes. Hannibal devait la neutraliser pour sa tranquillité ultérieure,
c'est une nécessité tactique.
Pour atteindre cette place forte le général carthaginois n'a
donc pas emprunté la voie de la vallée de l'Isère qui
semblerait la meilleure car sans difficulté sur les éboulis
de bas de falaises, au pied oriental de la Chartreuse, dans un pays fertile
et bien habité comme l'atteste les sites et les toponymes. Pourtant
à Moirans, il s'engage vers le nord, sur le bord occidental du massif.
Par ce tracé, de la cluse de Voreppe à Chambéry il y
moins de 50 km, soit deux étapes, alors qu'il y en a près de
80 en passant par Grenoble, soit trois étapes . Forcément après
le retard pris le long de l'Isère et la route qui lui restait à
faire, pressé par le temps et le froid de novembre qui approchait,
c'est une bonne raison pour ne pas allonger sa route inutilement... Mais on
verra que ce choix n'était pas très judicieux. Si la raison
en est claire, il ignorait que le chemin qui l'attendait juste avant Chambéry
était aussi étroit. Etait-il bien renseigné ? On peut
en douter quand on suit le déroulement des opérations qu'en
fait Polybe, avec beaucoup d'honnêteté et de détails.
La route de la Chartreuse
A partir
de la vallée de l'Isère, à l'extrémité
de la cluse de Voreppe, la route prise par Hannibal suit à partir de
Moirans le cours de la Morge, rivière frontière importante entre
deux tribus allobroges, comme nous l'avons vu dans la première partie.
On la suit dans une petite vallée occupant un vallum morainique glaciaire
qui ne pose aucun problème de circulation, même si elle n'est
pas très large. On passe par Voiron habité par les Gaulois au
quartier de Sermorens et ensuite il faut rejoindre la plaine du Guiers Mort,
à l'est, et il y a deux tracés possibles.
Un suit la Morge qui remonte jusqu'au col de Saint-Roch (596 m d'altitude)
à Saint-Aupre, sur un chemin facile. Puis descente en suivant le cours
d'un ruisseau, encore une Morge, jusqu'au Guiers Vif qui est atteint près
des Echelles. L'autre tracé passe par Coublevie et Saint-Etienne-de
Crossey : on pénètre dans la vallée morte des gorges
de Crossey où une occupation gauloise a été retrouvée
dans une grande grotte. Ce passage facile, sur deux kilomètres, culmine
à 500 m, et débouche sur la large plaine de Saint-Laurent-du-Pont
que l'on sait avoir été occupée dès le XVe siècle
av. J.-C. et aussi à l'époque gauloise avec un énorme
trésor de monnaies à Villette.
Les deux routes sont possibles, la seconde est sans relief à surmonter,
en pente faible et progressive pour déboucher dans un territoire que
l'on sait bien occupé. Pourtant la première, bien que se déroulant
sur un terrain un peu plus irrégulier, ne devait pas être tellement
plus difficile et, à mon sens, possède un avantage, celui de
mieux coller à la remarque de Polybe " Hannibal, après
avoir en dix jours parcouru le long du fleuve huit cents stades, commença
la traversée des Alpes
". J'ai dit que " le fleuve
" doit être compris comme un cours d'eau et en passant par le col
de Saint-Roch, la route est toujours à côté d'un cours
d'eau, la Morge, mais est-ce une raison suffisante ?
Un campement
d'étape près des Echelles
et la vallée de Couz
Hannibal
n'avait pas prévu les difficultés qu'il allait affronter dans
le défilé de Vimines et connaissant les distances par ses guides,
il avait envisagé de faire étape à une vingtaine de kilomètres
avant d'atteindre le bassin de Chambéry et l'oppidum qu'il voulait
détruire. Il a donc certainement installé son camp dans la plaine
du Guiers, près des Echelles juste avant de pénétrer
dans la vallée de Couz, au pied de la Chartreuse.
A partir des Echelles, la route atteint cette vallée par une courte
rampe qui débouche dans un défilé étroit, vestige
d'une vallée morte d'origine glaciaire. Des travaux d'aménagements
ont été exécutés par les Sardes au XVIIe siècle
pour rendre la chaussée carrossable. Ensuite aucune difficulté
dans un fond de vallée sans obstacle, au bord d'un ruisseau le plus
souvent à sec, pour arriver au col de Couz à 624 m d'altitude.
Puis, mis à part le défilé de Vimines en fin de parcours,
que l'on verra plus tard, la descente est aisée vers Chambéry
en passant sous le "Verdun" allobroge à Saint-Thibaud-de-Couz,
dans une assez large vallée plus ou moins vallonnée et encombrée
de moraines, sous les hautes montagnes du Corbeley à l'est et de l'Epine
à l'ouest.
Les analyses
palynologiques, issues de mes fouilles de 1969 à 1972 dans cette commune,
montrent une occupation continue de ce vallon depuis 2.000 av. J.-C.
Les Romains aménageront-t-ils ici la grande route Vienne-Milan par
Chambéry et le Petit-Saint-Bernard ? Ce n'est pas sûr car on
discute encore de savoir si le Laviscone de la table de Peutinger est
ou non les Echelles ou un autre site au pied de la Montagne de l'Epine. Mais
on va voir qu'à l'époque d'Hannibal ce chemin gaulois n'était
pas encore un grand axe international, loin s'en faut...
Un
grand danger
dans les gorges de Vimines- Saint-Cassin
Les choses vont se compliquer
à moins de 7 km de Chambéry, car le chemin ne peut laisser passer une armée
qu'avec de grandes difficultés … et les Gaulois profiteront de cet obstacle
naturel pour tenter de piller la colonne désorganisée.
C'est là qu'eut lieu le premier contact entre des Allobroges et Hannibal,
dans un défilé sous des falaises et de fortes pentes qui dominent un chemin
taillé dans les éboulis, au-dessus du torrent de l'Hyère, avec des
motifs tout autres que défensifs...
Voyons
les lieux.
A l'extrémité de la vallée, l'Hyère s'enfonce
profondément, sur trois kilomètres, dans le calcaire, la molasse
et les moraines pour se raccorder au bassin de Chambéry par Cognin.
Ce torrent impétueux coule entre dix et vingt mètres en contrebas du chemin
accroché à la pente boisée et encore visible sur faible longueur en rive droite,
ce qui permet de penser que le sentier antique devait être difficile
et étroit. Aujourd'hui le fond est occupé par la route, la voie
ferrée et le torrent grâce à de gros aménagements.
Cet étroit sentier était gardé par les Gaulois mais de manière peu martiale
car " ils rentraient chez eux le soir avec leurs bagages " , c'est
à dire près de Chambéry, à quelques kilomètres de là..
Suivons les évènements avec Polybe :
"Hannibal, après avoir en dix jours parcouru le long du fleuve huit cents stades, commença la traversée des Alpes, et il lui arriva de tomber dans de très grands dangers.
Tant que les Carthaginois étaient dans les plaines, tous les chefs des différents secteurs des Allobroges se tenaient tranquilles par crainte des cavaliers et des barbares qui les escortaient ; mais, dès que ceux-ci s'en furent retournés dans leur pays et que les gens d'Hannibal eurent commencé à s'avancer au milieu des défilés, alors les chefs des Allobroges, ayant réuni des forces suffisantes, allèrent occuper les endroits favorables par où il fallait de toute nécessité que les troupes d'Hannibal fassent leur montée."
"Si donc ils avaient caché leur plan, ils eussent anéanti complètement l'armée des Carthaginois ; mais, leurs projets ayant été découverts, ils causèrent certes un grand dommage à Hannibal, mais non moins à eux-mêmes.
Car le général carthaginois, apprenant que les Barbares occupaient les lieux favorables, campa au pied même des montagnes en attendant, et il envoya quelques-uns des Gaulois qui les avaient guidés avec mission de reconnaître les projets des ennemis et l'ensemble de leur plan.
Ayant exécuté leur mission, ils informèrent le général que les ennemis, pendant le jour, montaient attentivement la garde et gardaient les lieux, mais que, pendant la nuit, ils se retiraient dans une ville voisine.(L'étroit sentier était gardé par les Gaulois qui rentraient tranquillement chez eux la nuit, donc une agglomération suffisamment grande pour fournir de nombreux soldats était proche : dans le bassin de Chambéry, près de l'oppidum de St Saturnin, la polis de Polybe.)Hannibal, se réglant sur cette tactique, imagina le plan suivant : à la tête de son armée, il s'avança au grand jour et s'approcha des défilés, il campa alors non loin de l'ennemi. La nuit venue, il fit allumer les feux et, laissant sur place la plus grande partie de son armée, il prit les soldats les plus aptes et, les équipant à la légère, il s'avança de nuit à travers les défilés, il s'empara des lieux occupés par les ennemis, alors que les Barbares s'étaient retirés dans la ville selon l'habitude.
51. Le jour venu, les Barbares, s'apercevant de ce qui s'était passé, abandonnèrent d'abord leur entreprise; mais, après cela, voyant la quantité des bêtes de somme et les cavaliers qui cheminaient longuement et péniblement à travers les défilés, ils furent tentés par l'occasion de s'en prendre à la colonne (L'attaque sur le sentier était donc motivée plus par volonté de pillage que destinée à détruire ou affaiblir un ennemi.).
L'occasion se présentant et, les Barbares tombant de plusieurs côtés sur eux, les Carthaginois éprouvèrent de grandes pertes, moins du fait des hommes que des lieux ; ils perdirent surtout des chevaux et des bêtes de somme. Le passage était, en effet, non seulement étroit et rocailleux, mais encore escarpé (Ce mauvais chemin ne pouvait pas laisser passer une armée sans de gros problèmes !). Aussi, au moindre mouvement, au moindre désordre, beaucoup de bêtes étaient emportées dans les précipices en même temps que leurs bagages (Les difficultés viennent surtout des chevaux affolés sur le mauvais sentier et par le bruit des combats ; les bêtes de somme, certainement des mules, étaient plus à l'aise sur ce sentier étroit et accidenté.).Mais ce qui provoquait surtout ce désordre, c'étaient les chevaux blessés. Ceux qui étaient en avant, frappés de panique sous le coup, tombaient sur les bêtes de somme ; les autres, se précipitant en avant, bousculaient tout ce qui se présentait dans ces défilés et provoquaient un grand désordre.
Voyant cela et calculant qu'il n'y avait aucun salut possible, même pour ceux qui avaient échappé au danger, si leurs bagages étaient perdus, Hannibal prit avec lui ceux qui, la nuit, avaient occupé les défilés et vola au secours des troupes qui ouvraient la marche. Au cours de l'opération, beaucoup d'ennemis périrent, vu qu'Hannibal attaquait d'une position supérieure, mais il ne perdit pas moins de ses propres troupes (Hannibal a pu venir rapidement au secours de la tête de la colonne et prendre les Gaulois à revers en suivant un sentier passant au-dessus d'eux, à partir des flancs de la vallée de l'Hyère (voir la carte ci-dessous).
Le sentier existe toujours).Car le désordre de la marche était augmenté des deux côtés par les cris, et la mêlée des combattants. Mais, quand il eut tué la plupart des Allobroges et bousculé les autres en les forçant à fuir chez eux, l'effectif de chevaux et de bêtes de somme qui lui restaient encore acheva à grand-peine et au milieu des plus grandes difficultés de franchir le défilé (L'armée put quand même passer, non sans peine.).
Puis, rassemblant tout ce qu'il put de soldats au sortir de cette mêlée, il se jeta sur la ville d'où les ennemis avaient fait leur sortie. La trouvant à peu près vide, car les habitants avaient couru au butin, il se rendit maître de la place (Mais après cet accrochage chèrement payé, Hannibal consacre ses troupes au but qu'il s'était fixé en marchant sur Chambéry et son oppidum : détruire les forces gauloises. Après la défaite et la fuite des Allobroges, il a récupéré avec intérêt des réserves de nourriture et aussi les bêtes et les hommes dispersés lors de la mésaventure du défilé et qui ont rejoint les cantonnements.).Il tira de cette opération un grand profit, tant pour le présent que pour l'avenir. Pour l'instant, il ramena un grand nombre de chevaux et de bêtes avec les hommes qui avaient été capturés en même temps ; pour l'avenir, il eut une grande abondance de vivres et de bétail pour deux ou trois jours ; mais l'essentiel fut qu'il suscita la terreur chez les peuples voisins au point d'enlever à tous ceux qui habitaient dans la montée l'idée de l'attaquer aisément. "
(La question qui se pose est le passage des éléphants : comment ont-ils pu avancer dans un sentier aussi étroit et accidenté ? On doit les inclure dans les animaux qui eurent de "grandes difficultés à franchir le défilé", puisque Polybe n'en dit pas plus.)
La prise de la ville
Après
le passage du défilé, Hannibal conquiert donc la ville sans
coup férir, en récupérant tout ce qu'elle contenait et,
plus important encore pour lui, la plupart des bêtes avec les bagages
et les hommes valides dispersés lors de l'embuscade rejoignent l'armée.
L'oppidum de Saint-Saturnin a-t-il été conquis par la même
occasion ? Ce n'était probablement pas utile si les occupants étaient
défaits et si les réserves étaient probablement ail-leurs
: " pour l'avenir, il eut une grande abondance de vivres et de bétail
pour deux ou trois jours ". Le fait d'avoir des vivres d'avance est
tellement important et rare que Polybe le mentionne.
Depuis le campement de la veille à Saint-Thibaud-de-Couz, seulement
7 à 8 km ont été parcourus et la lutte tout autant que
les difficultés du chemin, ont bien fatigué les troupes. Le
camp s'installe dans la plaine et l'armée y passera un jour pour se
reposer et se remettre en ordre de marche.
Polybe a été marqué tant par cette difficile journée
que par le paysage grandiose qui l'entoure en Chartreuse. C'est la première
étape où les hautes montagnes dominent la route ; on comprend
ainsi pourquoi il en fait le premier jour de l'ascension des Alpes.
Un récit d'une précision parfaite
Nous
avons pour ces deux derniers jours un récit qui cadre point par point avec
la topographie des lieux, montagnes et sentiers compris, ceux-ci existant
encore 2200 ans après… Le passage d'Hannibal ici est évident car il est des
détails qui ne s'inventent pas et qui sont lourds de signification pour qui
sait les interpréter, en les confrontant au terrain.
Un détail renforce encore ma conviction : après la bataille " il ramena
un grand nombre de chevaux et de bêtes avec les hommes qui avaient été capturés
en même temps. ". Un bon nombre d'hommes ou de bêtes ont été récupérés
en bon état après les évènements, ce qui signifie que le "précipice" n'était
pas aussi meurtrier que le terme pourrait le faire croire puisque beaucoup
en ont réchappé, bien qu'attrapés ensuite par les Allobroges.
En effet
la conformation du terrain l'explique aisément : le chemin surplombe le petit
torrent, par une forte pente de 10 à 30 mètres de haut seulement. Celui-ci
n'a pas un gros débit, il est donc facile à traverser ; la déclivité de l'autre
côté du talweg, bien que forte (50 % en moyenne) peut être remontée pour atteindre
le plateau de Vimines, 150 m plus haut, même au risque d'être capturé par
les Allobroges qui l'occupent. La présence d'arbres dans ces pentes en diminue
encore la dangerosité sans empêcher les chutes…
En un mot, le défilé de Vimines, est rendu périlleux par la mauvaise qualité
du chemin : " Le passage était, en effet, non seulement étroit et rocailleux,
mais encore escarpé. Aussi, au moindre mouvement, au moindre désordre, beaucoup
de bêtes étaient emportées dans les précipices en même temps que leurs bagages.
", ce qui a causé des pertes mais bien des hommes et des animaux ont pu
regagner la plaine le lendemain, quand les Allobroges furent vaincus. La voie
ayant été libérée par les armes " …l'effectif de chevaux et de bêtes de
somme qui lui restaient encore acheva à grand-peine et au milieu des plus
grandes difficultés de franchir le défilé. ".
Une question demeure, celle du passage des éléphants : comment ont-ils pu s'en sortir dans un sentier aussi étroit et accidenté ? Comme Polybe ne les évoque pas, il faut les inclure dans les animaux qui eurent de la peine à franchir le mauvais passage.
Hannibal a eu tort de prendre le chemin de la Chartreuse
Ainsi
tout laisse penser que le chemin dans le défilé de Vimines n'était pas adapté
au déplacement d'une armée vu les difficultés qu'ont eu hommes et bêtes, même
en dehors des attaques gauloises ; c'était une voie à usage tout à fait local
et pas encore un grand axe de circulation.
Considérant la qualité des chemins dans les autres parties du parcours, ce
trajet par la Chartreuse ne répondait pas aux critères d'une voie " internationale
" car Polybe insiste bien: " les Carthaginois éprouvèrent de grandes pertes,
moins du fait des hommes que des lieux ". Cette première attaque qu'a
subi Hannibal dans les Alpes fut seulement un malencontreux concours de circonstances
entre une armée ralentie dans un mauvais chemin et des gens attirés par une
razzia facile et ne voulant pas laisser échapper une telle occasion !
Hannibal a pu croire des informateurs incompétents ou retors, ou tout simplement
les traducteurs ont-ils mal transmis les explications, on ne le saura jamais
mais la conséquence est qu'une autre route aurait dû être choisie…
Le
bilan de cette journée
Polybe
fait une différence, de manière explicite, dans les opérations
de la journée. D'abord un pillage subi par une colonne en difficulté
et qui tourne mal pour les deux parties; les qualités tactiques d'Hannibal
qui utilise au mieux les particularités du terrain lui ont permis de
régler rapidement le problème. Tout autre chose est la véritable
bataille qui a suivi, préparée et organisée militairement
pour prendre la ville et réduire la résistance des Allobroges.
"Hannibal établit son camp sur les lieux des combats et y demeura
une journée avant de se remettre en route." (III, 54). Polybe
dit bien :"sur les lieux des combats", il veut dire des combats
où Hannibal a vaincu les Gaulois dans la plaine autour de Chambéry.
Il continue à ne pas considérer les escarmouches du défilé
comme un combat.
Malgré les difficultés et les pertes, les résultats sont
pourtant positifs puisque les Gaulois furent vaincus, ce qui était
nécessaire sur le plan tactique mais aussi bénéfique
pour son prestige et celui de son armée, comme le souligne Polybe.
La peur qu'il inspire désormais, lui évitera toute attaque dans
la Combe de Savoie où il passera sans encombre près de deux
oppida (à Montmélian et à Cruet) ; mais en Tarentaise
avec les Ceutrons ce ne sera pas la même promenade de santé...
.
DLe
grand oppidum de Saint-Saturnin, au-dessus de Chambéry'afficulté
et ités du terrain lui ont permis de régler rapidement le problème.
Tout autre chose est la vé
Dans la cluse de Chambéry, important passage de pénétration entre l'avant-pays
et la Combe de Savoie, l'oppidum de Saint-Saturnin, à Saint-Alban-Leysse,
fut fouillé très partiellement à la fin du XIXe siècle et dans les années
60 ; il a révélé une occupation importante à l'âge du Fer.
Véritable citadelle naturelle, il domine tout le bassin de Chambéry et le
site antique de Lémenc (Lemincum, Lemo, l'orme en gaulois), nouvelle
ville qui remplaça l'oppidum lors de la romanisation.
C'est le deuxième de l'Allobrogie en superficie et il a pu connaître
une occupation permanente ou servir de refuge car sa taille offre un grand
potentiel d'occupation.
On comprend,
qu'averti de sa puissance, Hannibal a jugé important de le maîtriser
ainsi que de réduire les Gaulois, nombreux dans cette région
comme en témoigne l'abondance des toponymes.
C'est
dans le défilé de Vimines que Polybe fait commencer le trajet
dans les Alpes proprement dites, là où les troupes ont été
attaquées pour la première fois dans un environnement de hautes
montagnes. Ce point de repère correspond à peu près à
la distance annoncée de 800 stades (140 km) : entre le Rhône
et Vimines il y a environ 125 km aujourd'hui par les routes modernes qui sont
probablement plus directes que les anciens chemins devant desservir toutes
les communautés.
Donc plus de doute, Vimines est bien placée au début de la traversée
de la Montagne.
itable bataille qui a suivi, préparée et organisée militairement
rendre
la ville et réduire la résistance des Allobroges.
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